Jeudi 15 Décembre
Je fais la gueule. Étant donné que la prof de Français est encore absente et que la prof d'Anglais a un stage toute la journée à l'académie, on aurait pu commencer à onze heures aujourd'hui. Au lieu de ça, on se retrouve frigorifié à huit heures du matin à attendre un car pour aller au musée. À croire que la prof de SVT a trouvé le seul jour où sa sortie ne nous faisait rater aucun cours à part la musique (et tout le monde s'en fout de la musique).
Je m'assois à une place vers le milieu du bus pour ne pas être dérangée ni par ceux du fond qui parlent fort et mettent leurs musiques à fond ni par les profs et leurs blagues à deux balles. Je mets mon sac à côté de moi pour dissuader quiconque de s'asseoir à cette place.
Blanche qui est celle qui peut le plus être qualifiée d'amie dans cette classe comprend le message et va se mettre à côté de cette pipelette d'Églantine. Ça ne m'étonne pas. Si je m'entends bien avec la blondinette, c'est justement grâce à sa gentillesse et sa discrétion. Elle sait quand on n'a pas envie de sa compagnie.
Je mets mes écouteurs et traîne sur mon téléphone durant le trajet avant de recevoir un message de mon petit-ami.
Namoureux <3 : T'es en cours là ?
Je souris. Je l'aime trop, c'est un des rares qui me fait me sentir bien. Rien que ce message presque banal, qui montre qu'il pense à moi, me donne chaud au cœur.
Moi : Nope. J'suis dans le bus pour le musée. Je t'en ai parlé hier.
Namoureux <3 : On s'appelle ?
Moi : Ok, mais il y a pleins de gens autour donc je parlerais pas.
On fait souvent ça quand je suis en public ou que lui l'est. Celui qui ne peut pas parler répond par message. Son visage apparaît sur mon écran. Je reconnais le poster Call of Duty derrière lui et comprends qu'il est encore au lit. On dirait qu'il vient de se réveiller. Sa tête fatiguée et ses cheveux bruns en bataille le rendent trop mignon.
- Salut bébé, j'ai rêvé de toi cette nuit, me dit-il avec un sourire craquant.
Moi : Je devine ce qu'on faisait :p
- Ouais, on jouait aux cartes ! Je gagnais d'ailleurs, faudrait t'exercer plus souvent... Tu sais, faut t'habituer à jouer avec tes cartes.
Il y a quelques mois, on s'est rencontré sur un site de rencontre pour Ados surtout peuplé de vieux pervers, mais il est sorti du lot. Il me fait rire et me comprend alors je n'ai pu que tomber amoureuse. Il habite dans le nord de la France, du coup, on ne s'est rencontré qu'une fois cet été.
Il partait en vacances avec des amis, avait pris une correspondance et s'était arrêté à une gare dans le coin pendant deux heures. J'ai dit mes parents que j'allais chez une amie et on en a profité pour se voir. Les vingt premières minutes ont été trop gênantes, car je n'osais pas le regarder, mais on a fini par se lâcher et c'était trop bien.
Moi : T'es pas censé être en cours là d'ailleurs ?
- C'est philo ce matin, je me suis dit quitte à dormir autant le faire dans mon lit, répond-il avec son plus bel air penaud.
Je l'engueule un peu par principe, mais il me fait trop rire avec ses grimaces. Un vrai gamin même s'il aura dix-huit ans l'année prochaine. Notre différence d'âge ne pose pas de problème tout comme la distance. Bien sûr, j'aimerais pouvoir le toucher quand je veux, mais si on ne se dispute jamais c'est parce qu'on n'est pas obligé de supporter les amis de l'autre ou sa personnalité au quotidien. On ne montre que le meilleur de nous à chaque appel.
Le car s'arrête et je suis malheureusement obligée de raccrocher. La visite du musée s'effectue avec un guide audio par personne pour qu'on puisse le visiter dans l'ordre qu'on veut. Les professeurs nous recommandent de rester par groupes d'au moins trois personnes, mais je me retrouve vite seule à force de traîner les pieds.
C'est si long malgré la bonne volonté dont j'essaie de faire preuve. Je finis par abandonner. Je me dirige à la boutique de souvenirs et point de rendez-vous. Je grimace devant un T-shirt avec un logo représentant un intestin. Je me demande s'il y a vraiment des gens qui achètent ce genre de chose. C'est si laid et dégoûtant.
Devant la boutique, Vincent et Ilyess sont déjà là, mais ne discutent pas entre eux. À mon avis, ils n'ont jamais commencé la visite. Je reste loin d'eux.
Vincent est un redoublant. D'après les frasques que les surveillants relatent sur lui, je m'attendais à ce qu'il soit turbulent, mais depuis qu'il est là, il reste calme et ne provoque personne. Il somnole un peu en classe, mais a des notes acceptables sans être exceptionnelles. Il est un peu mignon, mais vu la réputation qu'il se tape chez les adultes, je préfère rester loin de lui.
J'ai rien de spécial contre Ilyess, mais je n'aime pas trop les étrangers. Ils me font peur. Mes parents disent que ce sont des fainéants qui essaient de coloniser le pays. Même si Ilyess porte un nom de famille très français, je ne lui fais pas confiance. Ils sont souvent violents les gens comme ça. C'est dans leur sang. Il vend sûrement de la drogue ou un truc du genre.
Quentin arrive ensuite en mâchouillant un chewing-gum. Il en a besoin en même temps. L'année dernière, j'étais à côté de lui en allemand et il pue sacrément de la gueule. Une vraie maladie. Ce n'est pas pire qu'Eugène, mais bon, ce n'est pas agréable.
- T'as vu Akem ? demande le rebeu.
- Euh, ouais, il est avec Djamila et Hadia. Vu qu'elles veulent regarder le moindre truc exposé, ils vont prendre masse de temps, répond Quentin.
On attend encore une quarantaine de minutes avant que les autres n'arrivent. Les profs ont une petite frayeur en ne retrouvant pas Eugène, mais il s'est juste enfermé dans les toilettes. Quel débile. Je lève les yeux au ciel.
Sur le chemin du retour, je mets en place le même système avec mon sac pour que personne ne s'assoie à côté de moi, mais Eugène est si con qu'il ne comprend pas.
- Je peux m'asseoir là ?
- Non, réponds-je sèchement.
Déjà que je ne veux pas des gens qui sentent bons alors si c'est pour avoir un putois à côté de moi... Malheureusement, il s'assoit derrière moi pour me taper la discute. Qu'est-ce qu'il me soûle. Depuis que la prof nous a mis avec le même correspondant, je crois qu'il pense qu'on pourrait être amis. Ça m'énerve. S'il me fallait une raison de plus de vouloir être en vacances, ce serait pour ne plus voir sa sale gueule.
Je texte à mon copain, car il s'est finalement décidé à aller en classe. Il me parle depuis sa classe de management. Il n'a absolument pas peur de se faire prendre, car son prof est un blaireau, m'a-t-il expliqué. Je lui fais confiance. J'oublie immédiatement Eugène et la classe. Ce n'est qu'une bande d'idiots immatures. J'ai hâte de devenir une lycéenne pour faire ce que je veux !
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Souvenir de la 3ème 2
Teen FictionDans ce livre, les pensées les plus intimes de 26 élèves de 3èmes sont exposées. Apprenez à les aimer, à les apprécier. Découvrez leur destin et leur parcours. Ouvrez ce livre et plongez dans leur psychée...