37. Jiao Huang

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Jeudi 9 mars 

En sortant de chez moi ce matin, j'étais un peu stressé à cause de mon oral de stage. On le passe tous aujourd'hui et pour moi dans une quarantaine de minutes. À midi, j'ai mangé au Kebab avec Delmar et c'est justement grâce à lui et son flegme habituel que je ne suis absolument plus stressé. Il a l'air totalement serein et je le connais assez pour savoir qu'il l'est. Ça me calme un peu.

On attend devant la grille du collège que ce soit l'heure de notre convocation. Il y a pleins d'autres 3ème un peu partout autour de nous. Je suis un peu mal à l'aise, car pleins de gens nous regardent en chuchotant. Ils regardent surtout Delmar. C'est comme ça depuis qu'on est revenu du voyage en Allemagne.

- Les gens ne prennent même pas la peine d'être discret, grogne Léopaul à côté de nous.

Depuis sa dispute avec Maxime, il est tout le temps dans nos pattes. Ça agace beaucoup Delmar qui souffle en entendant sa remarque. Je crois que lui s'en fout du regard des autres. Tant mieux pour lui s'il arrive à les occulter. Ce n'est pas pareil pour Lisa ou Théo qui se baladent quasi à reculons depuis trois semaines. C'est vraiment injuste qu'eux qui n'ont rien fait de mal soit jugés alors qu'Ilyess et Akem, même s'ils ne se parlent plus, déambulent comme des rois dans le collège après avoir abusé de la confiance de Djamila. Enfin, je suppose que ce n'est pas mon problème tant que Delmar n'est pas affecté.

Il souffle d'ailleurs en voyant un groupe de gars s'approcher de nous. Et ça recommence. Ils nous regardent de bas en haut et crachent quasiment sur nos chaussures avant de s'éloigner en marmonnant des insultes. Des grands malades ces gens. Léopaul, sur le point d'exploser, sert les poings.

- Calme toi, grogne son frère en levant les yeux au ciel.

L'avertissement arrive trop tard, car il est déjà à la poursuite des gars.

- Bande de connards ! Venez le dire en face si vous pouvez...

- Putain, mais tu ne peux pas laisser couler, se plaint mon ami en se frottant le front du dos de la main.

Les gars qui viennent de nous insulter se retournent prêt à casser des dents, mais heureusement l'apparition de deux surveillants au grillage les dissuade. Je déglutis, soulagé. Léo s'est battu et a insulté pas mal de monde ces derniers jours et ça commence à faire beaucoup pour tout le monde.

On présente nos convocations avant de rentrer dans l'établissement. Léo, qui est déjà passé ce matin, nous attend dehors. Libéré de ce poids, Delmar abandonne son visage neutre pour un air excédé. On se dirige d'abord vers les toilettes tandis que Delmar lâche tout ce qu'il a sur le cœur

- Je vais le buter ! Je te jure que j'vais le buter, répète-t-il.

- Il essaye juste de te protéger...

- Rien à foutre, prochaine fois qu'il se lance dans une bagarre sous prétexte de me défendre, je te jure que je le bute. Mais ça me saoule ! Je te dis pas comme ça me casse les pieds !

- Au moins, ça vous rapproche qu'il soit toujours là ! essaye-je de relativiser. Et puis il veut juste t'aider.

- Je n'ai pas besoin de son aide. Il dit qu'il reste avec nous pour me défendre, mais la vérité, c'est que c'est un fou dangereux qui cherche juste la merde. C'était trop calme ici alors maintenant que ça pète un peu, il en profite.

Il exagère ! Même si j'avoue que ça commence à m'embêter qu'il ne nous quitte jamais, Léopaul le fait avec de bonnes intentions.

- Tu diabolises trop ton frère.

- Et toi pas assez. Je le connais. Ça ne me dérangeait pas quand on ne se parlait pas avant. Ça me posait aucun problème. Je m'en fous des insultes, son omniprésence me met beaucoup plus mal à l'aise que n'importe quelles insultes.

Il regarde ailleurs en se lavant les mains.

- Tu penses à quoi ? fais-je après quelques secondes de flottement.

- Théo, fait-il après un soupir.

Maintenant, c'est moi qui ne sais plus quoi dire. Après que Mélissa ait dit à tout le monde ce qu'elle a vu, Delmar m'a dit qu'il était amoureux de Théo. Vraiment amoureux. L'instigation du baiser que notre déléguée a surpris est l'œuvre de Théo d'après lui et je le reçois. Il n'a aucune raison de me mentir.

Delmar pense que Théo ressent la même chose pour lui, mais qu'il assume juste pas et ça lui fait un peu mal. Ça lui fait mal aussi de voir qu'il ne va pas bien, mais qu'il refuse de lui parler. C'est marrant mais avant qu'il ne me le dise, je l'avais tout juste deviné en voyant leur soudain rapprochement et le genre de regard qu'il lance au binoclard quand il pense que personne ne le voit.

C'était mignon, mais maintenant, c'est triste.

- Moi, je m'en fous des insultes. Je sais que ça va passer et que c'est pas vrai. Ça me glisse dessus comme un skieur professionnel dans les Alpes. J'aimerais pouvoir les prendre pour nous deux. Tu vois ?

- Ouais...

- Mais je ne peux pas et maintenant, il me déteste et me tient responsable de ce déferlement d'insultes alors qu'on était deux impliqué dans ce baiser et que la seule responsable est cette blondasse de Mélissa. Si tu savais comme j'ai envie de la tuer.

Il est vraiment en colère. Bien plus que quand il parle de son frère. Je regarde ma montre. C'est bientôt l'heure de notre passage, il faut que j'aille devant ma salle et lui aussi.

- Tu veux une blague avant qu'on gère tout à cet oral de stage ? fais-je en souriant.

- Vas-y !

- Qu'est-ce qu'un Chinois avec un baladeur audio ?

- J'en sais rien, répond-il, mais il a déjà un rictus au coin des lèvres.

- Un nemp3, lâche-je et on part tous les deux sur un fou rire.

Ce n'est vraiment pas drôle, mais ça a le mérite de nous faire décompresser. J'ai hâte que cet oral soit fini, que je passe à autre chose.

Souvenir de la 3ème 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant