6. Vincent Desmoulins

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Mardi 27 Septembre

Je veux mourir. Qu'est-ce que je fous là ? Aujourd'hui, j'ai quinze ans. Un joyeux anniversaire Vincent ! Pour la peine, retourne dans cet établissement de malheur. Je regarde la grille avec le plus de haine possible en espérant faire disparaître ce collège.

Me voilà obligé de repasser la 3ème. J'ai passé l'année passée à sécher les cours et ne suis pas venu au brevet. J'aurais dû m'en douter. Pour éviter cette punition, j'ai fugué vers le sud chez une tante, mais mes parents ont fini par me retrouver. Il y a encore quelques jours, je faisais la fête et tout ça pour finir par retourner en enfer.

J'ai sonné et le gardien est venu m'ouvrir, il a eu l'air de savoir qui je suis. Tu m'étonnes. Je suis le gars qui l'année dernière a escaladé la grille avec tous un groupe en plein milieu de la journée en hurlant aux profs d'aller se faire foutre. Si je savais à cette époque, que c'était pour refaire une année ici, j'y aurais réfléchi à deux fois. Je me dirige vers le bureau de la CPE. Un surveillant me reconnaît dans les couloirs.

- Le petit monstre est de retour à ce que je vois. Les téléphones ne sont toujours pas autorisés Vincent alors range moi ça.

- Ce n'est pas un téléphone, lui dis-je en lui faisant admirer mon IPod.

- Rien à faire, tu ranges. La CPE t'attend.

Je ne fais pas de vague pour l'instant, je suis bien trop lessivé. Pendant que la conseillère principale me passe un savon en me rappelant tout ce que j'ai fait l'année dernière, je pense à mes potes tous au lycée maintenant. Je veux chialer. Je promets à la CPE que j'ai changé, elle me remet mon carnet et demande à un surveillant de m'accompagner en classe.

J'ai déjà raté presque toute la matinée de cours, mais bon, je ne voyais pas l'intérêt de me lever tôt, aujourd'hui. J'ai déjà raté assez de cours pour qu'un de plus ou de moins ne fasse pas de différences.

C'est une classe que pour les LV2 allemands, je trouve cette idée bizarre. C'est la première fois que j'entends parler de ça, mais au moins, je verrais moins d'élèves au quotidien. J'enlève ma casquette et ébouriffe mes cheveux avant de rentrer dans la salle. Le surveillant m'abandonne sur le pas de la porte. Je suis dégoûté en voyant la tête du prof d'histoire. Ce mec a une dent contre moi depuis que j'ai lancé un élastique sur son crâne en 5ème.

- Je vois que monsieur Vincent Desmoulins a retrouvé le chemin de la classe après trois semaines d'errance. Ce n'était pas trop dur ?

- J'aurais fait plus vite s'il n'était pas sur le même chemin que votre virilité, murmure-je avec un petit sourire en regardant le sol.

Ça me met du baume au cœur d'entendre quelques rires. Ce prof m'a toujours soûlé avec sa voix nasillarde et son air suffisant. Le pire, c'est que certains élèves le trouvent marrant...

- Vous avez intérêt à vous calmer cette année, je ne supporterais pas d'insolence de votre part ou sinon vous prendrez la porte.

C'est qu'elle doit être compliquée à dévissé, pensé-je, mais je n'ai rien dit.

- Asseyez-vous à côté d'Eugène au premier rang, je veux vous avoir à l'œil.

Cet Eugène est un petit gars un peu rond avec des bagues, des grosses lunettes et le visage recouvert d'acné. Il m'a dévisagé pendant de longues minutes avant que ça m'énerve.

- Tu mates quoi face de pizza ?

- Rien, murmure-t-il d'une voix craintive en détournant les yeux.

- C'est bien ce que je pensais...

Dès que la cloche sonne, je vais m'enfermer dans la troisième cabine du côté gauche des toilettes. C'est toujours dans celle-là que je vais. En 6ème, j'y avais mis un message : Viva Vince El King de la Noche. Je ricane en le relisant, ça veut rien dire. Je voulais juste un mot qui rime avec Vince et je n'en avais pas vraiment trouvé. J'avais dessiné une couronne sur le mot King et des explosions un peu partout.

Et comme un con alors que j'essaie de toutes mes forces de les retenir, des larmes se sont mis à couler tous seul sur mes joues. C'est un cauchemar. Je déteste cet endroit et l'ai toujours détesté. Comment vais-je tenir toute une année sans faire de vague ?

Je sors de la cabine et me lave le visage, mais il y a une blonde entourée de quatre filles qui m'attendent devant la porte des toilettes. Elles sont dans ma classe. Elles m'ont suivi ? Je trouve ça super étrange.

- Salut ! Moi, c'est Mélissa, j'suis la déléguée de la 3ème 2. Je voulais te souhaiter la bienvenue. Vu qu'on se connaît tous et que toi tu nous connaît pas, ça doit te paraître intimidant, mais t'inquiète, on ne mord pas, rit-elle.

- Ok, cool.

Je suis habitué à ce genre de fille. Un peu jolie, elle le sait et se pense totalement irrésistible et y a des cons pour l'encourager. Je préfère faire parti des marginaux de mon côté.

- Tu me passes ton E-mail pour que je t'envoie une photo de ce qu'on a fait depuis le début de l'année ?

Je lui réponds que je n'en ai pas besoin. Déjà, que je compte venir en cours presque tous les jours de l'année, je ne vais pas en plus, faire des devoirs chez moi.

- C'est pas grave, sinon j'ai vu quand les profs faisaient l'appel un gâteau à côté de ton nom sur Pronote. C'est ton anniversaire ?

- Ouais.

Elles m'ont tous souhaité un joyeux anniversaire puis elles m'ont laissé tranquille, gênées par mon silence embarrassant. J'ai mangé seul à la cantine puis ai assisté aux cours de l'après-midi. Même les profs que je ne connais pas me connaissent alors c'est assez désagréable toutes les piques qu'ils ne manquent pas de m'adresser, mais je ne réagis pas. Je suis trop fatigué.

En allemand, j'apprends qu'on va faire un voyage. Je ne suis pas venu l'année dernière car mes parents l'avaient vu comme une sorte de récompense et avait refusé de me l'accorder, mais ça m'intéresse toujours un peu.

Je me retrouve toujours avec face de pizza qui semble être le seul qu'on met toujours au premier rang sans voisin. Vu son odeur corporel, je comprends. On dirait qu'il ne s'est pas douché depuis plusieurs jours. Il passe son temps à gribouiller des sortes de monstres sur son cahier, il a l'air un peu bizarre mais inoffensif. Je m'ennuie.

Ma classe a l'air tellement normale. Il n'y a pas de fun comme quand j'étais avec mes amis. C'est encore plus décevant. Quand je rentre chez moi, je m'enferme directement dans ma chambre du rap plein le casque et le nez dans mon oreiller.

Souvenir de la 3ème 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant