Dessin IV - Vendredi

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Le ventre plein des crêpes distribuées au réfectoire, Cyril prenait le chemin de sa salle d'allemand, au fond du complexe. Il sautilla dans la neige comme à son habitude, souriant aux rares personnes qui lui jetaient des regards perplexes ou scrutateurs. Il avait hâte de savoir quelle scénette lui serait offerte sur le bois. De plus, il avait tenu son engagement et ne pensait pas à son compagnon de dessin en dehors des heures de LV2, aussi la frustration devenait-elle grande dès qu'il se posait des questions.

Il souffla de soulagement en poussant la porte qui lui permettait d'entrer dans le bâtiment et se réfugia au chaud, se découvrant aussitôt de son épais manteau. Il discuta quelques minutes avec certains de ses camarades, rit avec eux en voyant Philippe se faire poursuivre par Anna dans tout le couloir, s'échauffa avec eux à la mention du contrôle-surprise qu'ils avaient subi en physique le matin même.

–Vous auriez un mouchoir ?

Cyril plongea sans tarder sa main dans son sac, tendant l'objet de la demande de Sonia à la jeune fille qui, reconnaissante, le remercia chaleureusement. Elle s'éloigna ensuite de quelques pas pour se moucher tandis qu'arrivait leur professeur à la démarche longue, un café dans la main. Il leur ouvrit la salle, les invitant à entrer tandis qu'il vidait son gobelet. Il le jeta sans attendre puis laissa ses élèves s'asseoir, donnant lieu au brouhaha habituel de tissu, de trousses sorties sans ménagement, de bavardages amusés. L'adulte claqua par deux fois dans ses mains et un silence précaire revint, lui permettant de commencer l'appel. Une fois que ce fut fait, Cyril profita du fait que le regard accusateur ne fut pas posé sur lui pour sortir discrètement sa feuille de son sac. Il la glissa précautionneusement sous celle posée sur sa table de façon à la cacher partiellement. De loin, personne ne pourrait deviner que la seconde page n'était en rien liée à la langue.

Une fois qu'il s'était positionné et que le cours était lancé, le jeune homme reporta ses yeux sur le bord de la table, constatant avec un sourire en coin que l'art avait encore un peu évolué. La figure de son destinataire mystère semblait avoir foncé à la façon d'un kamikaze pour monter au corps-à-corps avec le personnage de Cyril, rendant superflues ses réserves de neige. Réfléchissant à comment il pourrait faire agir son protagoniste, le jeune homme resta immobile un moment, le regard porté au plafond. Il décida finalement de faire mine de plaquer le deuxième personnage, coinçant sa tête sous le bras de son héros. Il gomma plusieurs fois avant d'arriver à un résultat qui le satisfît et, une fois ceci fait, cala sa tête sur ses bras croisés. Ainsi affalé sur sa table, il soupira de la position pas si confortable, mais décida de s'en contenter. Pour continuer à remplir son tableau, il devait obtenir l'emploi du temps de son professeur, ou jouer d'interrogations subtiles adressées aux autres classes. Il décida bien évidemment de tenter la deuxième option.

Il commença à réfléchir à quand il croisait les autres classes, quand elles avaient cours avant ou après lui. Cyril fouilla dans sa mémoire, griffonnant au crayon à papier l'heure des terminales avant lui, le lundi. Ensuite, il se rappela qu'une semaine sur deux, son cours suivait celui d'une classe de première, le jeudi matin, comme ç'avait été le cas la veille. Malheureusement, il ne les croisait presque jamais, ils avaient souvent détalé avant qu'il ne puisse les voir, alors leur parler...

Ses iris revinrent d'eux-mêmes sur le dessin casé tout en bordure de la table, et il sourit de partager ces petites scènes avec quelqu'un. Rêveusement, il caressa du doigt les traits gris puis ferma les yeux pour tenter de s'imaginer la personne qui, assise à sa place quelques heures plus tôt, s'était muni de son crayon pour communiquer avec lui. Le fait de réfléchir à quelle pouvait bien être l'identité de cette personne lui permettait de tromper l'ennui, et c'était quelque chose qu'il recherchait depuis qu'il était passé au lycée, du moins pour les cours d'allemand.

En revanche, quand la sonnerie retentit, Cyril retrancha son dessinateur mystère dans un coin reculé de sa tête, gardant ces pensées pour ce cours en particulier. Il avait beau se sentir un peu intrigué par la personne avec qui il correspondait, le jeune homme ne voulait définitivement pas gâcher cette chance qu'il avait de s'être trouvé une occupation. Il salua donc son professeur et s'enfuit sans demander son reste, croisant dans le couloir Inael avec qui il discuta le temps de rejoindre le premier bâtiment. Là, ils se séparèrent pour rejoindre leurs classes respectives et convinrent d'un rendez-vous pour le lendemain, dans le courant de l'après-midi, pour profiter de la belle neige qui retomberait pendant la nuit. Les luges seraient de sortie.



J'espère que jusqu'ici, la petite histoire vous plaît :')
Passez un excellent week-end !

Bonshommes BâtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant