Dessin VI - Mardi

2.3K 275 63
                                    

« Commencer par un cours d'allemand à huit heures devrait être interdit par la loi », telle était la pensée qui tournait en boucle dans l'esprit de Cyril depuis que son réveil avait sonné. Il soupira en s'apprêtant à pousser la porte de chez lui, quand une exclamation l'arrêta. Sa mère s'approcha de lui en vitesse, déposa un baiser furtif sur sa joue avant de tendre la sienne pour qu'il fasse de même. Le jeune homme pouffa, embrassa sa jolie maman avant de la serrer contre lui.

–Allez, passe une bonne journée !

Il s'empressa de lui retourner le souhait, embrassa une dernière fois ses cheveux avant de remonter le col de son manteau sur son nez pour sortir. Dehors, la neige tombait en gros flocons, obstruant le paysage d'un brouillard blanc et tourbillonnant. Cyril fit quelques pas en sautillant, tourna sur lui-même sans manquer de rire à plein poumons, s'amusant de la buée qui s'échappait de sa bouche. Il adorait la neige et, ce mardi là, en était servi. Il tournoya donc au milieu des flocons avant de se ressaisir, le rappel de l'horaire de son bus retentissant comme une sanction dans son esprit. Il faillit le rater mais parvint à monter dedans, reprit difficilement son souffle à l'intérieur de l'habitacle sous le regard mitigé du conducteur.

Cyril valida son pass, manqua de se casser la figure au démarrage du bus puis rejoignit une place sur laquelle il se laissa tomber. Il contempla le paysage enneigé jusqu'à son arrivée au lycée. Là, il descendit avec un immense sourire, heureux de retrouver l'extérieur. Il adorait ces sensations : de son nez qui piquait à ses doigts et ses joues glacées par le froid, sans oublier l'impression de perdre ses oreilles s'il ne mettait pas de bonnet... Cyril adorait l'hiver.

Pourtant, il soupira de soulagement en arrivant au fond du troisième des bâtiments qui constituaient son établissement scolaire. La chaleur détendit ses muscles, vint caresser son visage rougi pour le sortir de cette crispation propre à ce temps hivernal. Il réchauffa ses mains en frictionnant vigoureusement ses bras, rehaussant du même coup sa température corporelle, puis éternua violemment. Les quelques personnes présentes sursautèrent, le faisant éclater de rire aussitôt. Il lui en fallait peu, mais le terme de personne« optimiste et amusante » lui allait très bien, même s'il était parfois accompagné de « simplet » ou certains de ses synonymes peu glorieux. Cyril ne s'en préoccupait pas, il se fichait bien de ce que pouvaient penser les autres, du moment qu'il ne les blessait ni ne les embêtait.

Il n'attendit pas longtemps l'arrivée de son professeur qui déverrouilla la porte après quelques difficultés pour se munir de la clé, ses mains tremblant violemment. Il entra sans tarder, appelant la classe à le suivre, puis alla s'installer à son bureau pour sortir ses documents de son cartable. Cyril se défaussa de son lourd manteau qu'il laissa sur le dossier de sa chaise, puis s'assit sans attendre. Il constata que le dessin avait changé, comme s'il était passé à une autre séquence de scènes. En effet, les deux personnages étaient à présent assis côte à côte, l'un tenait entre ses mains une tasse de laquelle s'échappait un fumet laissant présager un chocolat chaud. Chacun portait un bonnet et arborait une expression paisible.

Cyril réfléchit un peu, gomma le personnage sans tasse avant de le retracer, légèrement appuyé contre son partenaire. Ensuite, il dessina une écharpe partagée par les deux bonshommes, formant des plis un peu ondulés entre eux. Satisfait du résultat, il passa un petit temps à regarder son dessin, puis se demanda ce qu'en penserait son destinataire mystère. Peut-être interpréterait-il mal cette scène ? Pour autant, il ne la changea pas, car cela signifierait renier l'authenticité du trait originel.

Enfin, une fois ses yeux s'étant suffisamment attardés sur le petit gribouillis dans le coin de la table, le jeune homme sortit son fameux tableau, dans lequel il avait marqué les heures de cours dont il avait connaissance, en dehors des siennes. Il lui faudrait vérifier qu'une classe de première suivait bien la sienne le mardi, il le ferait au retentir de la cloche. En attendant, il avait cette sensation d'être bloqué et ne savait comment avancer. Il voulait trouver la personne mystère, mais pour lui dire quoi ? C'était rageant de ne pas savoir où il allait. Il se sentait comme lorsqu'il faisait face à un exercice de maths qu'il pouvait résoudre mais, même en sachant cela, n'y parvenait pas. Cette impression donnait lieu à une frustration immense.

Ainsi, il rumina toute l'heure et fut même surpris par la sonnerie qui lui arracha un haussement de sourcils. Cette fois, il prit soin de noter ses devoirs sous le regard suspicieux de Monsieur Lambrecht qui, apparemment, n'avait pas digéré tous ces travaux bâclés ou simplement non faits. Une fois cette action faite, il rangea en vitesse ses affaires et sortit de la pièce avec, coincée en travers de la gorge, cette sensation d'échec.




Je suis vraiment désolée de ne pas avoir posté hier, avec la migraine je n'ai pas pu ne serait-ce qu'allumer mon ordinateur. Désolée désolée ><
J'espère que ça vous a plu !

Bonshommes BâtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant