Cyril quittait la cantine en compagnie de Mona, qui était dans sa classe et qui trouvait toujours des sujets particulièrement intéressants sur lesquels argumenter et débattre. Le jeune homme déjeunait souvent avec elle le vendredi et ils en oubliaient généralement de manger, trop pris dans leurs conversations. La plupart des fois, le temps les rattrapait et ils finissaient leurs repas en vitesse pour ne pas arriver en retard en cours de LV2. Ce jour-là ne faisait pas exception à la règle et ils trottinaient ensemble vers la sortie du premier bâtiment du complexe. Quand il poussa la porte, Cyril croisa son correspondant, qui s'effaça avec un sourire pour le laisser passer. Il faillit se figer en plein mouvement mais parvint à faire comme si de rien n'était et se contenta de le suivre du regard jusqu'à ce qu'il disparût de son champ de vision. Mona lui jeta un coup d'œil interrogateur.
Cyril se traita mentalement de tous les noms, s'insultant de ne pas avoir la force d'aller parler à son destinataire plus vraiment mystère. Le soir même, pourtant, sonnerait le début des vacances et ils ne se reverraient pas avant la rentrée. Il le connaissait même pas son prénom... Pourtant, il n'osait pas. Cyril n'était pas spécialement timide, pas spécialement renfermé sur lui-même, au contraire : il avait tendance à aller vers les autres, à faire le premier pas et amorcer les discussions. Cependant, quelque chose le bloquait et il ne parvenait pas à déterminer quoi. La peur de perdre cette relation si particulière qu'ils avaient créée ? De se rendre compte qu'il n'était pas réellement la personne que Cyril avait appris à connaître au travers de ses dessins ? De tout gâcher ? Mais gâcher quoi ? Après tout, ils n'étaient que deux inconnus qui dessinaient des bonshommes bâtons sur leur table car ils s'ennuyaient en allemand...
Ce fut Mona qui le fit revenir à lui-même en lui indiquant vigoureusement que sa classe rentrait dans la salle. Cyril la remercia en coup de vent et se mit à courir pour arriver juste au moment où le professeur voulait fermer la porte. Il se glissa l'intérieur et rejoignit sa place en tentant de se faire petit. Là, il s'assit, sortit trousse et papier puis cala sa joue sur son poing fermé. Ses yeux se baissèrent tout naturellement vers le bord sur lequel s'étendaient des traces noirâtres laissées par des gommes sales. À côté de son personnage se trouvait celui de son correspondant, une planche de snow coincée sous le bras et son bonnet sur la tête. Cyril sourit du « essaye encore ! » écrit à côté du prénom une nouvelle fois barré. Il venait, en prime, d'apprendre que son correspondant préférant le snow au ski, et son sourire s'élargit.
Le jeune homme représenta son bonhomme en train de chausser ses skis, passa un long moment sur les chaussures pourtant simplifiées au maximum. Puis, il tenta le prénom Lluvio qui, bien que complètement méconnu, était simplement magnifique. S'il était encore faux –et il se doutait qu'il le serait – Cyril n'avait plus d'idées. Et la simple pensée qu'il lui faudrait deux semaines avant d'avoir une réponse le désolait. Pour la première fois de sa vie, il n'avait pas autant hâte qu'il le devrait d'être aux vacances de Noël, malgré leur amorce quelques heures plus tard. Il réfléchit même à comment aborder son destinataire mais, comme depuis qu'il avait découvert son apparence, ne trouva pas de moyens qui ne fussent pas étranges. De toutes les façons, il n'oserait jamais sauter le pas.
–Monsieur Billy, s'il vous plaît, revenez-nous.
Cyril releva la tête, fronça les sourcils en faisant tourner son crayon entre ses doigts. Son professeur lui jetait un regard assassin, les mains solidement calées sur ses hanches et un air de défi sur le visage. Le jeune homme osa esquisser un sourire et la machine se mit aussitôt en route :
–Mais bien sûr, moquez-vous, vous ne savez faire que ça. Il serait temps de penser sérieusement à votre comportement parce qu'à ce rythme-là, vous serez refusé partout où vous postulerez. Les mauvaises appréciations ne font jamais joli sur un dossier.
–Vous me menacez de noter sur mon bulletin que je suis un horrible et très désagréable élève, monsieur ?
–Ça se pourrait bien. Et vous sauriez que vous le méritez.Cyril fit mine de réfléchir un moment, se passa une main sur le visage puis ravala la remarque acerbe et bien trop insolente qui lui chatouillait la langue. Au lieu de répliquer et de risquer une exclusion, il présenta ses mains en signe de reddition et reporta son attention sur ses feuilles. L'adulte, satisfait, reprit son cours sans attendre alors que Cyril ajoutait un smiley content à côté de sa devinette. Le jeune homme n'avait pas l'habitude de faire profil bas, mais préférait mettre toutes les chances de son côté : il ne désirait absolument pas se faire déplacer au premier rang, et perdre ainsi le contact avec son correspondant.
Il passa le reste de l'heure à profiter de l'écriture pressée de son destinataire, de ses petits dessins qu'il se repassa dans sa tête, comme un petit film. Un sourire s'accrocha à ses lèvres et y fleurit jusqu'au retentit de la cloche qui indiquait tant la fin du cours que la séparation entre Cyril et son correspondant pour deux semaines complètes. Le jeune homme s'emmitoufla dans son manteau.
Coucou ! J'ai bien failli oublier de poster ce chapitre oula xD
Alors, déçus par la réaction de Cyril ? Ou plutôt, sa non-réaction ? Vous auriez vu ça autrement ? des idées pour la première fois où ils se parlerons vraiment, s'ils se parlent un jour ?Passez d'excellentes fêtes, profitez un max <3
Des bisooooous
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Bonshommes Bâton
Teen FictionCyril s'ennuie depuis le début de l'année, en cours d'allemand. Evidemment, il a pour professeur un homme sec et strict qui a tendance à le tenir à l'oeil. Alors, quand il découvre sur le bord de sa table un bonhomme formé de quelques traits, il déc...