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CHAPITRE XVII

« Danser, c'est comme parler en silence. C'est dire plein de choses sans dire un mot. »

Yuri Buenaventura

ETHAN.

— Un Schweppes citron et un cocktail Vegas s'il vous plaît.

Le serveur acquiesce et avec Sven nous prenons place sur les deux derniers tabourets encore inoccupés au bar. Il est à peine minuit et l'endroit est noir de monde. Le calme d'hier est remplacé par une foule en délire, à croire que les gens ne sortent jamais. Le barman dépose nos boissons sur le comptoir.

— T'as des nouvelles de Tim ? Lui demandé-je d'une voix faible.

— J'en ai eu oui.

Le silence qui suit en dit long et je sais déjà que mon pote n'a pas tenu le coup. Je tourne ma paille plusieurs fois d'affilé dans mon verre, faisant danser les glaçons sur le rythme de la musique.

— Ça fait quatre mois qu'il est interné.

Je ferme les yeux et inspire profondément. Tim a toujours été très courageux, une vraie arme de guerre quand on avait besoin de lui. Malheureusement, il n'a jamais été fort mentalement. Et ça lui a coûté la vie. La pire chose, ce n'est pas la mort, c'est d'être pris pour un fou et de se retrouver enfermé en hôpital psychiatrique. Être shooté à longueur de journée au point de ne plus reconnaître la personne qui est venue vous rendre visite. Ouais c'est ça le pire. Ne plus savoir pourquoi on a atterri ici, ou la cause de tout ce putain de merdier. Oublier qu'on a combattu pour son pays et pourquoi notre vie est foutue en l'air. C'est triste à dire, mais il aurait mieux valu pour lui qu'il y reste sur le terrain. Son manque de force mentale lui a toujours porté préjudice et encore plus à l'heure d'aujourd'hui.

On reste silencieux ignorant le chahut de la foule chantant et dansant à tue-tête. Un silence digne d'un hommage à un putain d'homme courageux. La horde de gonzesses qui s'agite sur la piste de danse ne m'intéresse même pas. Ce genre de discussion nous rend nostalgiques, mais surtout en colère. Très en colère. Les yeux rivés sur le bar, lui et moi savons que c'est fini pour lui et j'ai la rage. Je regrette de ne pas l'avoir empêché de venir pour cette mission, même si au fond de moi, je savais que c'était impossible. S'il y a bien une chose qui compte plus que tout pour un militaire, c'est son honneur. Un soldat qui refuse un combat n'est pas un véritable soldat.

— Eh mec ! Matte moi ça là-bas.

Je tourne la tête et vois deux mecs à côté de nous. Je reconnais d'entrée de jeu le vieux gars du hall qui était avec le ver de terre. Un vrai gringalet ce guignol. Il me fait un signe de tête et je l'ignore royalement en buvant une gorgée. L'autre mec n'a pas l'air mieux, mais a tout de même  le mérite de paraître moins con.

— On parie ce que tu veux que ce soir elle est dans mon lit, dit le guignol fièrement.

— Ouais, on parie ce que tu veux mec, parce que cette fille n'écartera jamais les cuisses.

Le deuxième abruti éclate de rire et regarde en direction de la piste de danse. Non seulement ils font pitié, mais en plus, leurs voix me donnent envie de les fracasser.

—T'inquiète, avec sa petite robe rouge, elle a l'air tellement conne comme meuf qu'en jouant un peu le mec sensible elle m'emmènera d'elle-même dans sa chambre.

LE PLUS DUR DES COMBATSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant