Fort heureusement, le coup sur la tête ne l'avait pas tué. Le président du Jusawi commençait lentement à reprendre connaissance. Il grimaçait. Son sang avait coulé et coulait encore, depuis la longue plaie ouverte au sommet de son crâne, s'ajoutant à la trace écarlate qui repeignait son menton. Qu'est-ce que cela peut saigner la tête ! Le liquide écarlate souillait son visage, son cou, sa chemise, les draps du lit et la moquette sur laquelle ils l'avaient trainé.
Hyuna s'avança et s'accroupit devant lui, pour que les premières choses qu'il vit, en retrouvant sa conscience pleine, soient ses yeux à elle.
— Bloque la porte, s'il te plait, demanda-t-elle à Jayu, doucement, pour que sa voix ne trahisse pas la présence d'une intruse dans la chambre du président.
Le ladyboy venait de revêtir sa culotte et de descendre sa robe de gala sur ses cuisses. Il s'exécuta en faisant glisser une lourde commode sur la moquette, pour la mettre devant l'entrée. Il lui faudrait un peu de temps, car le meuble pesait plus que son propre poids. Malgré tout, en prenant appui sur ses pieds, il allait pouvoir y parvenir, espéra-t-elle. Au pire, elle irait lui donner un coup de main. Mais pas tout de suite. Dans l'immédiat, elle observait le visage de Baehyun. Les yeux de l'homme s'ouvrirent en grand, roulèrent dans leurs orbites, passèrent de Hyuna à ce qui l'entourait : le lit, Jayu en plein effort, puis ses propres jambes étendues devant lui. Baehyun s'agita et grogna. Il semblait prendre conscience de tout en même temps : de son mal de crane, de ses mains et de ses pieds liés, de son cul sur le sol et de son bâillon qui étouffait ses cris. Hyuna avait remarqué la blessure sur la langue et avait pris du plaisir à la lui emprisonner derrière un bâillon. Elle aimait l'idée qu'il savoure son propre sang, digne avant-gout de ce qui l'attendait.
Il tenta plusieurs fois d'appeler à l'aide. À chaque grognement de bête acculée, Jayu répondait par un cri efféminé, une simulation de l'acte sexuel. Si les gangsters entendaient les râles de leur patron, ils les prendraient pour des gémissements de plaisir.
Baehyun beugla, tira sur ses liens, puis chercha à rouler sur lui-même pour se redresser. Hyuna abattit son pied sur son ventre et il grogna. Nouveau soupir d'extase tout ce qu'il y a de plus convaincant de la part du ladyboy. Ensuite, Hyuna secoua son Canik Shark sous le nez de Baehyun, tout en souriant. En voyant l'arme à feu, le gangster se raidit, cessa de se débattre et regarda enfin la jeune femme brune. Elle plongeait ses yeux dans les siens, attendait qu'il la reconnaisse. Elle patienta, un temps qui lui parut une éternité, scrutant intimement l'œil de son ancien bourreau. Elle n'y décela aucune trace de discernement, rien d'autre qu'un vide hagard.
— Tu ne vois pas qui je suis ? dit-elle avec dégout.
Il fit un signe de tête de la droite vers la gauche.
Elle n'avait pas imaginé qu'il puisse ne pas la reconnaitre, même après tout ce temps. Elle avait pensé à lui tous les jours, depuis douze ans. Et lui, en retour, l'avait si facilement oubliée. Elle trouvait ça injuste. Elle aurait aimé qu'il se soit souvenu, que ses nuits soient hantées par les personnes auxquelles il avait nui. Il n'aurait pas ressenti de culpabilité - elle savait qu'il en était incapable -, mais il aurait eu peur en repensant à tous ces gens qui avaient de bonnes raisons de souhaiter sa mort. Et parmi ses âmes, elle aurait eu sa place : Hyuna, la jeune fille dont il avait tué la mère, celle qui avait tout vu et qui lui avait échappé, celle dont il valait mieux ne pas recroiser la route. Oui, elle avait cru qu'il aurait repensé à elle. Il n'en été rien.
— J'ai peut-être beaucoup changé, trop... Je n'étais qu'une gamine la dernière fois que tu m'as vue. Tu ne vois toujours pas ?
Il appuya son regard sur elle, balaya plusieurs fois la surface de son visage, mais il n'avait toujours pas l'air de comprendre.
— Vraiment ? Réfléchis bien ! Regarde bien ! Je ne ressemblerais pas à une autre femme, une femme morte, il y a douze ans, que tu as tuée, il y a douze ans ?
Elle resserra son poing sur son Canik Shark, les yeux de Baehyun tressaillirent, il venait de comprendre. Il dit un mot, le tissu qu'il avait contre la langue empêcha sa distinction, mais Hyuna savait. Il venait de marmonner : « Minji », le prénom de sa mère.
— Sais-tu qui je suis, maintenant... beau-papa ?
Il acquiesça. Ses yeux s'agitèrent en tous sens, semblant chercher une issue de secours.
Jayu venait de déplacer cet immense meuble devant la porte, cela retarderait l'intervention des gardes, si elle avait lieu. Baehyun devait comprendre cela. La peur commençait sûrement à distiller son action corrosive dans ses viscères. Il prenait conscience de la réalité : Hyuna n'allait pas l'enlever, pas l'interroger, pas négocier. Elle était venue prendre sa revanche, sa vie. Et selon toutes les apparences, elle était bien partie pour y parvenir.
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Les gangsters ne grandissent jamais
ActionHyuna n'a que douze ans lorsqu'elle est témoin de l'assassinat de sa mère par un parrain du crime organisé. Devenue un témoin gênant, elle n'a d'autre choix que d'accepter de servir à vie le gang rival du tueur : le Pian Kkoch, seule organisation ca...