Jayu ne pouvait pas être plus proche de Mme Omoni. L'air chaud de la soufflerie couvrait ses paroles pour les gens de l'extérieur, mais lui entendait tout. Sa respiration devint plus forte.
— Vous ne pouvez pas être sûre ! Je suis jeune, je grandirai plus tard. Chaque personne a son propre rythme...
— Mais regarde-toi !
La tête de Jayu tourna presque malgré lui en direction du grand miroir et son reflet vint le poignarder, comme il le faisait, quotidiennement, depuis des mois. Il ne se reconnaissait pas dans cette gamine aux traits doux que lui renvoyait la glace. Le petit oiseau du Taejogung, le petit bijou, ce n'était pas lui. À l'intérieur, il était autre chose, il le savait bien.
— Tu vois ! dit Mme Omoni. Le premier symptôme, c'est l'apparence, la taille.
— Plein d'hommes font ma taille, pleins d'hommes sont petits.
— Bordel ! Ouvre les yeux, gamin ! La puberté commence à quatorze et tu en as seize. Tu devrais avoir déjà plein de poils sur la bite. T'as des poils sur la bite ?
Il ne répondit rien.
— Les gens qui ont le syndrome de Kallmann peuvent bander, mais ils n'éjaculent pas... t'éjacules ?
Il ne répondit rien.
— Est-ce que tu as des poils de barbe, des poils sous les bras ? Non ! Est-ce que ta pomme d'Adam pousse ? Est-ce que tes muscles se développent ? Est-ce que ta voix mue ? Non, non et non. Tu as cette maladie... c'est tout.
Il ne pouvait pas y croire. Quelles preuves ? Tout ça n'était pas des preuves.
— Je... je ne peux pas vous croire. C'est possible que je mette plus de temps et que vous mentiez...
— Pourquoi je mentirais ?
— Je ne sais pas.
Elle avait découvert son tremblement. Elle l'utilisait contre lui. Il ne savait pas pourquoi ? Pour lui faire payer le kidnapping de son champion d'oiseau, peut-être. Pour lui faire comprendre que Hyuna et lui étaient allés trop loin, s'en étaient pris à plus fort qu'eux.
— Vous pouvez avoir inventé totalement cette histoire de syndrome. Si ça se trouve, le syndrome de Kallmann n'existe même pas.
— T'iras voir sur internet, si tu me crois pas. Tu verras. Il existe.
— D'accord.
Jayu tira de son sac en strass son téléphone portable. Il l'alluma et entra dans le navigateur internet : « syndrome de Kallmann ». Ses doigts tremblaient. Il ne voulait pas qu'elle ait raison. Il ne savait pas ce qu'il ferait si elle avait raison.
Depuis un an, sa stratégie avait été d'attendre. La patience était la solution logique à ses problèmes. Mais si attendre ne suffisait plus...
La recherche démontra à Jayu que le syndrome de Kallmann existait. Il parcourut la liste des symptômes et tout ce que Mme Omoni lui avait appris se vérifia.
— Dépêche-toi ! On n'a pas toute la nuit. Il faut retourner à la table.
Un nouveau symptôme attira son attention : « Les patients sont systématiquement atteints d'anosmie : diminution ou perte complète de l'odorat. »
Jayu rangea son téléphone. Sa tête commença à lui tourner. Il s'agrippa au bord d'un évier, son corps menaçait de s'effondrer. Mme Omoni vint le prendre à l'épaule, prête à le retenir.
— Alors, c'est vrai. Je ne grandirai jamais ?
— Quoi ? s'étonna la matrone. Bien sûr que si tu vas grandir. Il y a un traitement contre ça. Des injections d'hormones et pfou, tu grandis.
Alors, il pouvait grandir ? C'était possible, réglé. Il suffisait qu'il le sache, qu'il aille voir un médecin et tout rentrerait dans l'ordre ? C'était aussi simple que ça ! À se demander pourquoi il n'avait pas su plus tôt. Cela lui aurait évité d'attendre sans savoir si quelque chose se produirait ; ces heures de doutes, ce décalage incessant, cette impossibilité à être ce qu'il devait être. Cette tentation permanente, à force de dormir tout près de la femme qu'il désirait, tout en doutant de pouvoir un jour lui plaire, l'avoir à lui. Il aurait pu résoudre ce problème tellement plus tôt. S'il avait su. S'il avait su.
Il se tourna brutalement vers Omoni, chassa sa main de son épaule et lui hurla dessus, sans doute encore plus violemment que précédemment :
— Depuis quand vous savez ça ?
Puisque Mme Omoni ne disait rien, il répéta :
— Depuis combien de temps vous savez ?
VOUS LISEZ
Les gangsters ne grandissent jamais
ActionHyuna n'a que douze ans lorsqu'elle est témoin de l'assassinat de sa mère par un parrain du crime organisé. Devenue un témoin gênant, elle n'a d'autre choix que d'accepter de servir à vie le gang rival du tueur : le Pian Kkoch, seule organisation ca...