Hyuna fut bien obligée de quitter le gamin des yeux, car Luka s'approchait de nouveau. À pas lents, sans empressement. Il avait déjà gagné.
Elle ne tenta pas de fuir, demeura un instant sidérée. Elle ne réagit que lorsqu'il tendit la main vers elle et que ses doigts se refermèrent sur ses cheveux, là seulement, elle retrouva son instinct de survie, et leva le genou pour le frapper aux parties génitales. Il plia, en lâchant son précieux couteau. En revanche, il ne desserra pas sa prise sur sa longue chevelure. Les racines tiraient sur son crâne, mais si Hyuna criait, ce n'était pas de douleur, c'était de rage. Elle hurla encore, pour se dégager. Elle donna des coups de pieds. Le couteau, percuté, fit une glissade jusqu'à rencontrer la porte d'entrée. La jeune femme planta ses ongles dans les chairs de Luka, dans les poignets qui la retenaient. Elle griffa en grognant, mais rien ne découragea la poigne de l'assassin.
Il la secoua pour se venger du coup bas qu'elle venait de lui faire et il la traina, en direction du lit. Hyuna fut jetée contre le mur et chuta entre ce dernier et le sommier. Immédiatement, elle se remit sur les genoux, mais fut incapable de se redresser davantage. Sa tête se retrouva à quelques centimètres de celle de Jayu. Sa chemise en haillons, déchirée, étripée. Les pans délabrés de la tenue dévoilèrent son dos d'albâtre, marqué par les écorchures qu'y avait inscrites son bourreau. À partir de la taille, il était entièrement nu.
— Jayu, geignit-elle.
Des paroles inarticulées et faibles lui répondirent. Elle reconnut les effets de la drogue en constatant l'hébétude de son regard et ses pupilles dilatées. Il tenta de se redresser, mais échoua, retomba sur le ventre. Sous lui, ses mains semblaient nouées l'une à l'autre.
La jeune femme se releva encore. Elle mit ses coudes sur le matelas, tendit son être vers lui, jusqu'à ce que son front rencontre celui de son protégé. Au contact de sa peau sur la sienne, une angoisse vertigineuse s'empara d'elle. La pire de toutes. La même peur que celle qu'elle avait ressentie dans le bar. Une peur suffisamment violente pour la faire sangloter.
— Luka... écoutez-moi, Luka, gémit-elle.
Par le passé, elle avait entendu des hommes supplier la clémence de son tuteur, jamais il ne s'était jamais laissé attendrir. Elle ne savait pas pourquoi elle s'abaissait à cela, alors que son honneur était la seule chose qui lui restait. Tout, il pouvait tout lui prendre, sauf ça ; et voilà qu'elle le lui cédait, comme s'il avait moins de valeur qu'une rognure d'ongle.
— Qu'est-ce que tu fais là ? questionna Luka. Tu ne viens jamais quand il travaille. Qu'est-ce que tu fais là ?
La voix de son ancien tuteur résonnait gravement, relevée de colère. Il contournait le lit, dessinait un cercle autour d'eux, tel un requin.
Hyuna se hissa plus en avant, grimpa sur le matelas comme une personne à la mer se hisse à bord d'un radeau. Elle parvint à encadrer de ses bras le garçon. Il se redressa et se lova dans ses bras, le torse appuyé contre le sien, la tête levée vers elle. La jeune femme écarta les mèches longues de sa frange pour dégager ses yeux, comme elle l'avait toujours fait. Elle caressa son visage, miraculeusement intact. Seul un grossier hématome bleuissait le nez et les pommettes, mais aucune estafilade disgracieuse ne l'avait encore défiguré. Elle se sentait pourtant émue, par ses yeux brillants, absents et rougis. Les larmes avaient coulé. Elle n'avait pas pu empêcher que Luka lui fasse du mal. Pire. Elle ne pourrait pas empêcher qu'il poursuive.
— Luka... il y a des centaines d'enfants dans cette ville. Laissez-le s'en aller. Je vous en prie. Je vous le demande comme une dernière volonté, la dernière volonté d'un gangster condamné.
Les doigts de Hyuna firent glisser le bâillon de Jayu. Ils libérèrent ses lèvres, secouées d'un tremblement délicat.
— Hyuna... murmura-t-il faiblement, incapable d'articuler davantage que ce mot.
Ils ne se quittaient pas des yeux l'un l'autre. S'ils devaient vivre leurs derniers instants, autant qu'ils les vivent ensemble, en communion. Elle vit qu'il cherchait la force de lui dire quelque chose. Elle croyait savoir de quoi il en retournait.
« Pourquoi tu es venu ? », semblaient dire ses yeux intenses.
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Les gangsters ne grandissent jamais
ActionHyuna n'a que douze ans lorsqu'elle est témoin de l'assassinat de sa mère par un parrain du crime organisé. Devenue un témoin gênant, elle n'a d'autre choix que d'accepter de servir à vie le gang rival du tueur : le Pian Kkoch, seule organisation ca...