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— La honte sur la profession, murmura-t-elle à nouveau, pour elle-même, en regardant le vide. Tu jures que tu n'as travaillé que quelques jours là-bas ?

— Je le jure.

Il jura en affrontant la patronne dans les yeux. Elle assise, lui debout. Hyuna remarquait comme, depuis son arrivée, Mme Omoni le scannait des pieds à la tête, terminant par son visage.

— Voyons. J'ai peut-être parlé un peu vite. Disons que je te fasse passer des examens, mais c'est ta noona qui paiera les frais du médecin, à l'avance, j'veux du cash.

— Entendu, dit-elle.

— Si c'est pas bon, je vous mettrai dehors. C'est pas personnel.

Quand Mme Omoni demanda à poursuivre les négociations avec Hyuna en tête à tête, cette dernière était toujours sur le coup des révélations de son protégé. Ce fut donc un peu sonnée qu'elle lâcha le poignet de Jayu pour qu'il puisse quitter la pièce.

Après que la porte ait claqué, l'ajumma la sermonna :

— Tu savais pour le Harem de l'Empereur ?

— Oui.

— Moi, j'dis, t'as essayé de m'arnaquer ?

— Oh non. Je n'ai pas pensé à tout ça. Je n'ai pas pu imaginer qu'un gamin comme lui pouvait être...

— ... pourri. Un beau gâchis, hein ? Sérieusement, petite. Je sais pas pourquoi tu t'accroches à l'idée que ce garçon pouvait te servir de moyen de revenus, alors qu'il est passé par le Harem de l'Empereur. Moi ou un autre, personne n'en voudra. Quelques jours suffisent, dans un trou comme ça, pour pourrir quelqu'un. Moi, j'te dis. Ce n'est même pas étonnant que son cul ait craqué. Un garçon comme lui, au Harem de l'Empereur, ce devait être une place de parking devant une épicerie.

— Comment ?

— Une place de parking devant une épicerie, répéta la patronne du Taejogung hôtel. Tu vois, une place qui, dès qu'elle se libère, il y a une autre voiture qui met son clignotant pour réserver. Une place qui tourne beaucoup, toujours des voitures différentes, jamais bien longtemps les mêmes, mais toujours occupée, toujours occupée. Une place de parking devant une épicerie, quoi !

Hyuna dissimula son dégoût.

— Vous pensez que c'est une mauvaise idée, n'est-ce pas ? demanda Hyuna. Qu'après ce qu'il a vécu, ses abus, ses maltraitances, il ne devrait pas se prostituer ? Vous vous dîtes ça ?

— Hyuna. Toutes les filles qui travaillent pour moi, toutes, sans exception, ont été des pauvres filles avant de venir ici. Si je me demandais si c'est bon ou mauvais pour elles, tu vois, j'ferai pas ce travail. J'suis pas psy. J'suis une femme d'affaires. Toi... t'as été dans un gang. Tu sais ce que t'as à faire pour survivre et s'poser des questions comme ça en fait pas partie.

La jeune femme se rasséréna, depuis quand était-elle faible ? Mme Omoni avait raison : d'autres avaient souffert, d'autres se battaient. Il était inutile de dramatiser. En plus, Jayu n'était pas seul puisqu'il l'avait, elle. Elle veillerait sur ses intérêts, il prendrait de l'assurance. Son plan n'avait pas changé : l'argent, la force, la vengeance et la liberté.

— Tu as du cash pour les examens ?

— Oui.

— Tu sais, si c'est mauvais il faudra pas venir pleurer.

— Je suis sûre que les examens seront bons. Il n'aura rien.

— T'es vraiment folle ? Ou alors, c'est de la foi ?

— Pas vous ? Je suis sûre que vous avez accepté de lui donner une deuxième chance parce qu'il vous a regardé droit dans les yeux, tout à l'heure. Pas parce qu'il vous a dit cette chose affreuse, mais parce qu'il est beau. Je vous l'avais bien dit. Hein ?

— Ça, tu me l'as dit et, moi, j't'ai dit que c'était à moi de juger.

— Alors ?

— Tu vois, on croit qu'il y a plein de beautés différentes. Moi, avec le temps, j'ai compris que c'était n'importe quoi. La beauté n'existe pas, il n'y a que l'absence de laideur qui existe. Et on peut ranger les choses qui rendent laides en trois catégories, trois seulement.

L'ajumma leva trois doigts pour bien illustrer son propos.

— Retiens bien, petite. Il y a trois façons de faire que les gens naissent ou deviennent laids. Y'a la difformité, la vieillesse et la maladie.

Hyuna se mit à réfléchir et, après un court laps de temps, affirma :

— Jayu n'a rien de tout ça.

— Tu es soit sotte, soit aveugle. Ton petit frère est malade... malade de tristesse. Je suis pas assez vieille pour avoir vu la fin de la guerre. Mais, dans mes plus vieux souvenirs, il y avait des gamins plus vieux que moi qui avaient vu, eux, leurs parents mourir et leurs foyers bruler. Ils avaient tout perdu, et ils avaient vu tout ça. Jayu a le même regard que ces enfants, comme s'il avait connu la guerre. Il est triste. Y'a rien que de la tristesse dans ses yeux et ça le rend bouleversant, mais c'est à pleurer. Et puis, c'est laid... Les gens viennent pour se changer les idées, se remonter le moral. Jayu a la jeunesse, il a la grâce, il a même l'innocence, mais il est triste.

Hyuna ne se démonta pas.

— Jayu sera bientôt heureux, dit-elle. Je le rendrai heureux.

Les gangsters ne grandissent jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant