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— Si, petit oiseau, je n'avais pas le choix. Il fallait que je vienne. Je ne pouvais pas te laisser.

— Tu n'aurais pas dû être là, surenchérit Luka. Je ne voulais pas te tuer, mais tu ne me laisses pas le choix.

De la compassion ? La dernière chose qu'elle aurait imaginé de la part de cet homme. L'assassin chercha un objet sur la table de nuit. Son arme à feu, probablement, quoi d'autre ? L'absence de son couteau l'obligeait à se rabattre sur cette méthode, convenable même si elle lui ressemblait peu. Seulement, sa main ne trouva rien sur la table de nuit. Le vide. Il se redressa, surpris, et Hyuna vit son inquiétude.

Jayu contre son torse s'agita.

— Hyuna... répéta-t-il.

Elle comprit qu'elle avait mal décodé son expression. Il n'avait pas voulu lui demander pourquoi elle s'était portait à son secours. Il avait voulu la prévenir, la prévenir que, alors qu'elle se battait contre Luka, il avait réussi à s'emparer du flingue sur la table de nuit et qu'il était tout près, là, qu'elle n'avait qu'à le lui prendre.

Hyuna baissa les yeux et vit l'arme, piégée derrière les mains ligotées du petit. Il n'avait pas réussi à se délier, mais ça ne l'avait pas empêché de saisir sa chance. Les mains du garçon, secouées de spasmes, firent vaciller l'objet.

Hyuna s'en empara et tourna le canon vers son ancien tuteur.

Il prenait la fuite.

Elle tira, manqua trois fois, mais la dernière balle atteignit la cible. Un cri rauque, une chute ; Luka rampa à quatre pattes pour se réfugier dans le couloir menant à la porte d'entrée. Il avait été touché, à la cuisse, jugea-t-elle, même si elle n'était pas tout à fait sûre. Luka était à présent à l'abri, elle ne pouvait plus le voir.

Les bruits des coups de feu allaient alerter l'hôtel. De plus, Narae avait dû appeler des renforts. Luka était blessé et elle avait une arme à feu.

La chance tournait.

Elle resta vigilante, à genoux sur le matelas, prête à abattre l'homme s'il se mettait à découvert. Son cœur cognait, les doigts de son protégé se serrèrent davantage sur son t-shirt.

Un soulagement infini l'étreint quand la porte de la chambre 21 claqua sur le départ du tueur. Luka avait fui.

Hyuna hésita à lui courir après, inverser les rôles, être celle qui traque. Le chasser. Le tuer. En finir... Elle hésita, mais Jayu hoqueta.

Vivants, ils étaient vivants. Pas même trop abimés. Elle renonça à courir, à rattraper Luka. Elle le regretterait peut-être plus tard. Mais pour l'instant, elle n'avait qu'une envie : s'assurer qu'il allait bien.

Elle s'attaqua à ses liens. Puis, il se redressa, difficilement, jusqu'à parvenir à s'assoir. L'un en face de l'autre, ils s'observèrent et Hyuna vit que la peur qu'elle avait eu de le perdre, il l'avait eue également. Elle fut prise d'une telle exaltation de le savoir sain et sauf, que sans y réfléchir, au moment où il l'attira vers lui, elle accompagna ce mouvement et leur bouche s'écrasèrent l'une contre l'autre. La drogue n'avait pas suffisamment assommé Jayu pour l'empêcher d'assumer ce baiser. Avec une certaine fermeté, il attrapa le visage de Hyuna entre ses mains redevenues libres et mangea ses lèvres, comme un affamé qui se rattrape de mille ans d'abstinence.

Le cœur de Hyuna palpita étrangement, jusqu'à ce qu'elle ne se fasse rattraper par des considérations pragmatiques. Le compte à rebours avait déjà commencé... le Pian Kkoch était en route. Ils n'avaient plus de refuge. Leur monde à la rue.

L'euphorie de Hyuna s'interrompit comme une voiture arrêtée, dans sa course folle, contre le tronc d'un arbre. Impossible de se laisser aller à des sentiments nobles quand le danger s'approche de vous si prestement. Il reviendrait, plus vite, plus fort, plus préparé.

Hyuna lâcha le visage de Jayu et se dépêcha de descendre du lit. Ses jambes flageolèrent. L'émotion, la peur de la fin, et peut-être même ce dernier élan d'amour, toutes ses émotions extrêmes lui avaient coupé les jambes. Elle faillit s'écrouler au moment de mettre tout son poids sur elles.

La jeune femme avait l'impression de ne plus savoir comment marcher. Elle tituba jusqu'à un mur qu'elle utilisa pour se soutenir. Ses pieds se posèrent sur une chose étrange, elle sursauta car cela lui fit penser à une créature horrible. Mais ce n'était même pas vivant. Elle se pencha et ramassa la perruque de cheveux longs et noirs, qu'elle décida d'emporter avec eux. Elle alla aussi reprendre ses couteaux de lancer, en commençant par celui qui était planté dans le mur.

Les gangsters ne grandissent jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant