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Plus tard, dans les salles de cours, au moins, il avait chaud. Le jeune garçon s'était installé au fond de la classe. Il avait de l'espace. Les places autour de lui étaient restées inoccupées. Les paroles du professeur n'étaient que des suites de mots auxquels son cerveau ne parvenait pas à donner du sens. Jayu s'ennuyait sévèrement et regardait l'horloge toutes les minutes. Il sentait ses paupières devenir lourdes et se refermer. Il lutta, car il savait que le professeur pouvait remarquer son assoupissement et le punir. D'autant plus que les pas de l'enseignant s'approchaient en commentant chacune des évaluations qu'il remettait. « Ce n'est pas excellent, mais c'est mieux que la dernière fois. ». Ou encore : « Il faut retravailler les fractions. »

Lorsque les talons de l'adulte s'arrêtèrent au niveau du dernier rang, à un mètre de Jayu, celui-ci garda la tête docilement baissée, dans une attitude pleine de honte. Un assemblage de feuilles fut glissé devant ses yeux. Le chiffre douze était écrit en gros, en rouge, implacable. Jayu ne demanda pas sur combien était la note, elle était sur cent.

— Vous ne faites plus aucun progrès, Jeon. Je me demande si vous n'avez pas répondu aux questions au hasard ?

Ne rien répliquer pour ne pas ajouter l'insolence à la liste de ses exécrables défauts.

En plus, tout était vrai. Il ne faisait plus aucun progrès depuis des années, depuis l'époque où il avait baissé les bras. Avant, il n'avait pas toujours été si mauvais. À l'âge de huit ans, Jayu n'était pas brillant, mais il se maintenait autour d'une moyenne convenable. Il comprenait des choses. Puis, tout était devenu sombre, dans son foyer, dans sa tête et dans son bulletin. Jayu avait changé, pas en bien, malheureusement. Alors qu'il s'étiolait, qu'il perdait des couleurs petit à petit, personne n'était venu ni l'encourager à se reprendre ni lui proposer de l'aide. Il s'était effondré sur lui-même, s'isolant, se punissant avant même que les autres ne le fassent. La seconde affirmation de l'enseignant était juste également : il avait tout rempli au hasard. Jayu ne voyait plus l'intérêt de lutter contre sa propre bêtise. Il n'avait pas sa place à l'école après tout. Son propre père le lui répétait assez souvent.

Jayu espérait trouver une place ailleurs. Seulement, il ne savait pas quel ailleurs. Il ne savait pas ce qu'il pouvait devenir. Il savait seulement ce qu'il ne deviendrait jamais. Il savait qu'il ne serait jamais un grand intellectuel, au regard de ses résultats en classe. Il avait compris en grimpant - ou plutôt en ne grimpant pas - à la corde à nœuds qu'il n'avait pas un avenir de sportif. L'image que lui renvoyait son miroir, trop chétive et petite de taille, confirmait qu'il n'avait rien d'un athlète. Il ne serait pas non plus artisan ou cuisinier, comme le démontrait l'expérience du matin même, il n'était pas habile de ses mains. 

Les gangsters ne grandissent jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant