Chapitre 15 - Entretien

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Jayu ne posa aucune question, tandis que Hyuna l'accompagnait vers le bureau de la propriétaire des lieux. Elle qui comptait sur lui pour engager la conversation, qu'elle aurait subtilement déviée sur le sujet qui l'intéressait, fut déçue de le trouver si peu bavard. Bien qu'en y pensant, son manque de verve ne soit pas vraiment nouveau.

Ce ne fut qu'une fois devant la porte du bureau de Mme Omoni qu'elle prit l'initiative de lui parler. Elle se baissa pour se mettre à sa hauteur et mit deux mains rassurantes de chaque côté de son corps, posées sur ses avants bras. Elle le regarda directement, pour bien lui faire comprendre que ce qu'elle s'apprêtait à lui dire était très important :

— Écoute-moi bien, mon petit oiseau. Est-ce que tu veux qu'on reste tous les deux ? Est-ce que tu veux rester avec moi ?

— Oui.

— Tu le veux vraiment ? À quel point ?

Il ouvrit la bouche plusieurs fois, la refermant avec gêne. Il ne semblait pas trouver de mots pour lui exprimer ce qu'il ressentait. Aux yeux de Hyuna, ce comportement en disait plus long sur son attachement à elle que n'importe quelle déclaration orale.

— Je vois ! Et si je te dis que ça ne dépend que de toi, tu feras ce qu'il faut pour qu'on reste ensemble ?

— Oui.

Il était un peu circonspect, ne sachant pas exactement de quoi il en retournait, et en même temps si fiable dans son envie de la satisfaire, si dévoué... Elle resserra un peu son emprise sur ses bras.

— Alors, on va rentrer et tu vas accepter ce qui arrive, d'accord ? Tu verras, ça se passera bien, ici, ça n'a rien à voir avec ce que tu as connu avant. Je te le jure. Crois-moi ! Et puis, je suis là, maintenant. Je veillerai sur toi pour que ça se passe bien. Ça va aller... Écoute ! Si elle te pose des questions, dis-lui la vérité, sauf si elle veut des infos sur nos tremblements ; là, tu ne dis rien. Pour le reste, fais-moi confiance. Tu me fais confiance ?

— Oui, noona.

— Parfait. On y va.

Elle soupira, puis se redressa. Les yeux du petit n'avaient presque pas tremblé. Elle sut que tout se passerait bien, comme elle l'avait prévu dès le départ, dès qu'elle avait entendu Haïja lui parler de la profession de son amie Omoni. Bientôt, grâce au pouvoir qu'avait Jayu sur les hommes, ils auraient un abri et surtout de l'argent, pour qu'elle puisse redevenir invincible et le protéger de tout. Un plan d'une clarté affolante se déroulait dans l'esprit de la repentie : ils économiseraient, elle trouverait un moyen de faire la peau à Baehyun et, ensemble, ils quitteraient Nasukju et seraient heureux pour de bon. La prostitution, c'était provisoire. Le temps de se retourner, de se relever et quand ils seraient debout, la ville entière pourrait aller se faire voir, parce qu'ils seraient enfin libres.

Hyuna fit entrer Jayu devant elle. Aussitôt, le gosse fut stupéfié par les oiseaux, levant des yeux vers une cage suspendue devant son nez. À cet instant, un rayon de soleil vint caresser la nacre de son visage. Il fut auréolé de lumière, la bouche entrouverte, le menton relevé. Hyuna songea que les éléments eux-mêmes avaient décidé de sacrer Jayu. Mme Omoni s'était assise dans son grand fauteuil et tira sur ses cervicales pour mieux voir celui qui venait d'entrer. Elle prit une taffe sur une cigarette et, avec les ongles de son autre main, martela le cuir de son accoudoir. Elle eut le sourire tombant des gens qui ont mal vieilli.

— Asseyez-vous, ordonna-t-elle finalement d'une voix sèche et sans formule de politesse.

Il n'y avait aucun siège en face d'elle. Hyuna fit la moue : s'assoir où ? Jayu, lui, comprit ce qu'on attendait d'eux. Il prit place à genoux, devant la maîtresse des lieux. Lui, à même le sol, elle, sur son trône ; elle le dominait et c'était exactement ce qu'elle voulait. Hyuna hésita, moins habituée que Jayu à s'abaisser devant les autres. Se résignant, elle rejoignit le gamin en se mettant en tailleur et attendit que Mme Omoni engage la conversation.

— Sais-tu qui je suis ?

Hyuna faillit répondre, mais s'en garda, la patronne s'adressait au garçon.

— Oui, dit-il simplement avec son éloquence habituelle.

— Moi, j'suis la propriétaire de cet hôtel et j'ai besoin de te poser des questions pour savoir ce que je vais faire de toi et de la fille qui se trouve là, à côté. Mon temps est c'que j'ai de plus précieux, alors je vais dire les choses simplement, tu vois. Pour commencer, dis-moi comment tu t'appelles, petit ?

Les gangsters ne grandissent jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant