Chapitre 19

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« Elle est en colère c'est tout. En deuil. C'est vieux comme le monde. Sidération, culpabilité, colère. La valse à trois temps. La danse de ceux qui restent. »

- Olivier Adam

— Ça ne va jamais marcher, marmonna Troy, en tirant par les bras un des gardes assommés vers la trappe.

— Mais si. Fais-moi confiance, répliqua Alrick en jetant sans aucun scrupule le Tennesien inconscient dans le trou.

— Et s'ils se réveillent avant qu'on ait pu récupérer l'épée ? demanda Éléonore, inquiète par ce plan complètement fou.

Alrick se retourna vers elle, sourit et aida Troy à faire tomber l'autre dans le tunnel.

— Si tu veux mon avis, vu la marque qu'ils ont laissée dans le mur, ça m'étonnerait qu'il se réveille de sitôt. Et puis, je ne pense pas qu'ils aient une grande envie de se balader nus dans les couloirs, ria presque Alrick.

Éléonore pouffa avant d'admirer leurs tenues.

— Non mais regarde-nous ! On n'a pas l'air crédible dans ces armures. Ils vont s'apercevoir directement que l'on ne fait pas parti du Royaume. Tu sais où est cachée l'épée au moins ?

Alrick passa sa main à l'arrière de sa tête avant de répondre avec hésitation :

— Et bien, j'ai une idée mais je ne suis pas sûr. On va improviser. On n'a pas le choix de toute évidence.

Il s'arrêta quelques secondes pour regarder avec insistance Éléonore. Il faisait ça pour elle. Et cette éclatante vérité l'effrayait presque. Il avait peur pour elle. Car elle avait accepté d'être la protagoniste d'un jeu incontrôlable.

— On doit y aller si on ne veut pas se faire repérer, décida Alrick en prenant Éléonore par le bras.

Troy fit de même. Il la tenait fermement pour la faire passer pour une prisonnière, un intrus du Royaume.

*

Ses mains étaient accrochées solidement à la barrière en bois du pont. Son regard se perdait dans l'horizon, encore plus flou que les autres jours. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. L'une voulait hurler et l'autre, observer le mutisme que lui imposait son désespoir. Il se massa soudain la tempe, épuisé par la tension qui abîmait son corps déjà affaibli par le temps. Il comprenait pourquoi elle aimait tant cet endroit ; ce pont qui subsistait depuis tant des décennies. Et ce bois, qui supportait le malheur de sa fille, celui de sa reine...et le sien, aussi. Mais désormais, il n'y avait plus Éléonore. Il était seul, attendant un signe, un indice, un message, n'importe quoi. Il n'y avait que le passé et les bons souvenirs pour le réconforter. Comment avait-il pu être à ce point aveugle ? Il l'avait laissé seule. Et maintenant, elle était partie dans une mission suicide avec un maudit traître et son bras droit. Skalias pouffa. C'en était pathétique. Il lâcha un rire. Un rire nerveux et faux. Il se recula alors, serra les poings. Son pouls s'accéléra. La colère monta. Il sentit son cœur battre plus fort, plus vite, sa gorge se nouer. Ses ongles s'enfonçaient dans la chair de ses paumes.

Je dois aller la chercher, se dit-il soudain. C'était évident. Il devait aller chercher sa fille. Peu importe les conséquences. Il ferait n'importe quoi pour elle. Skalias, déterminé, regarda une dernière fois l'horizon avant de se retourner vers la gauche et de partir en direction des écuries.
Il arriva rapidement aux premiers enclos. Il admira sa jument. Grande, robuste, aussi noire que sa colère.

— Elle vous reviendra, dit soudain une voix familière, quoique plus calme et sincère que d'habitude.

Skalias jeta son regard sur Greythe. Il ne répondit rien et replongea quelques fractions de secondes dans ses pensées.

BetrayedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant