Chapitre 4

8 1 0
                                    

« On ne tombe pas dans la solitude, parfois on y monte. »

- Henri Thomas

Éléonore se réveillait doucement après une nuit agitée. Les rayons de l'Astre du jour commençaient à peine à traverser l'immense fenêtre de sa chambre. Ils lui picotaient tout de même les yeux, l'obligeant à poser ses deux pieds au sol. La jeune femme se leva alors avec un certain entrain et se dirigea vers sa garde- « robe ». Sa tenue favorite y était disposée. Elle se composait d'une longue cotte de maille gris clair, d'un bas serré noir et de son armure légère mais résistante, complétée par des bottes noires, dignes des bottes d'une cavalière, et de quelques tissus bordeaux pour rajouter une touche féminine. Elle l'enfila en quelques minutes et finit de se préparer pour effacer cette nuit mouvementée de son visage.

Ce matin-là, elle n'avait pas faim. Elle ressentait quelque chose d'anormal. Les jours à venir allaient être étranges. Elle en était sûre. Et à son instinct, elle lui faisait pleinement confiance. Éléonore se dirigea alors vers l'Atelier. Lorsqu'elle ouvrit la porte qui la séparait de l'extérieur, un bol d'air frais remplit ses poumons. Elle ferma les yeux et respira profondément, oubliant presque son mauvais pressentiment. Son regard se posa ensuite vers ses cibles qui l'attendaient, puis sur l'horizon. Quelle vue ! L'immensité, la nature, les arbres de Loreïa, les feuilles vertes qui les habillaient... La sérénité en somme. Cet endroit était aussi magique que ce pont à l'aile droite du palais. De temps en temps, elle se demandait même pourquoi une fille comme elle pouvait autant aimer à la fois le calme et le combat. Suis-je normale ? pensa-t-elle. Bien sûr que non. Une princesse qui aime la guerre ne peut être normale, fit une petite voix dans sa tête. Détestable.

Elle disposait d'environ une heure pour s'entraîner tranquillement avant que sa servante ne vienne la chercher pour participer à la vie du Royaume. Encore plus détestable.

— Éléonore, je crois que tu n'es pas faite pour la sociabilité, déclara la jeune femme tout haut en se saisissant d'une flèche.

Elle préférait être comme ça, après tout. La flèche était lâchée. La cible était vaincue.

*

Le Royaume venait à peine d'ouvrir les yeux lorsqu'Éléonore plantaient pour la centième fois ses cibles. Cette fois-ci, c'était la dernière. L'entraînement était terminé et il était temps pour elle de sortir de son Atelier qui l'attirait tant. Elle se retrouva rapidement à l'intérieur du palais, dans le hall. Il était plutôt grand. Ce long et large couloir mélangeant l'or, le blanc du marbre et le brun du bronze menait à la salle du trône - Mais il fallait marcher de longues minutes avant d'y accéder- Tout le long, des portes menaient à différents endroits ; trop d'endroits pour les retenir tous du premier coup. A mi-chemin, on rencontrait deux escaliers en marbres. Ils emmenaient les visiteurs au premier étage où se trouvaient toutes les chambres. Éléonore posa son regard sur le plafond, recouvert de phrases écrites dans la langue ancestrale galïenne. L'héritage laissé par les anciens était sacré dans les royaumes, encore plus à Galïa. Ici, ils croyaient au pouvoir des connaissances gravées dans les livres de l'immense bibliothèque du palais. Mais les yeux d'Éléonore toisaient surtout, et toujours avec autant de fascination, le symbole de Galïa. Une merveille ! Je la verrai un jour, c'est sûr, pensa Éléonore. Elle continua alors son chemin vers l'entrée du palais.

Ce jour-là, elle avait envie de sortir, se promener dans le Grand Village, croiser les habitants -sans pour autant leur parler-, voir la Vie, la vraie. Celle qu'elle délaissait depuis quelques mois. Celle dont tout le monde parlait constamment alors que ce n'était qu'un souvenir lointain pour elle. Ce matin, elle voulait de la tranquillité. Et bien que les rues soient traversées par un bon nombre de gens, elle pouvait très bien la trouver là-bas. Passer inaperçue en se drapant d'une cape de laine grise, elle l'avait déjà fait et elle allait une fois de plus le faire. Elle descendit donc les larges marches, posa ses pieds l'un après l'autre sur le symbole gravé et continua à marcher tout droit. Elle passa l'immense cour qui comportait une écurie sur la gauche et le fameux pont qui menait à une partie du Grand Village sur la droite. Le long et large fleuve longeait le palais, passait sous le pont et venait dégringoler la falaise. Il faisait penser à un sablier sans fin où le pont représenterait le milieu, étroit, débouchant sur deux grandes étendues d'eau scintillante. Le reste de la cour, n'était qu'un espace de gravier, disponible pour des occasions particulières, particulièrement ennuyantes.

BetrayedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant