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À peine a-t-il posé ses fesses sur la chaise à côté de la mienne, qu'il prend déjà ses aises. Et que je me rends compte qu'il a l'air de faire parti de ces gens que je n'aime pas. Ceux qui essaient d'attirer l'attention de tout le monde par tous les moyens.

— Déjà que tu arrives en retard le jour de la rentrée, évite de te faire remarquer, ça serait mieux pour tout le monde.

— J'fais rien de mal, j'm'installe.

Le professeur soupire, et je secoue la tête doucement. Je saisis un stylo d'une autre couleur, et recommence à dessiner un peu.

Je sens le regard de Mathieu sur ma feuille, et je décide alors de détacher mes cheveux afin de pouvoir me pencher sur ma feuille et que ma chevelure cache mon esquisse. Une fois que ma tignasse brune est libérée, je me penche à nouveau sur ma feuille, et reprends mon dessin.

— Eh, tu dessines quoi ?

— Quelque chose, réponds-je simplement.

— Montre moi nan ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Pruski, tais-toi ou viens distribuer les emplois du temps.

— Ok ok j'dis rien.

Il s'enfonce à nouveau sur sa chaise, et je décide de laisser tomber mon esquisse pour le moment, les emplois du temps commençant à être distribués, et étant dans les premiers à y avoir accès. Lorsque le mien arrive dans mes mains, je vois que ça n'est pas si terrible que ça, la seule chose contraignante étant une heure de cours le mercredi après-midi. Autrement, c'est un bon emploi du temps.

— Eh, j'peux voir ton emploi du temps ?

— Pour quoi faire ?

— Pour voir si on a tous les cours en commun.

Je soupire et passe ma feuille à Mathieu, qui constate par lui-même que oui, on a tous les cours en commun.

— Archi bien meuf !

— Si tu le dis.

Je récupère ma feuille, que je range dans mon agenda, et me permets de regarder l'heure rapidement, faisant mine de ranger quelque chose dans mon sac.

Constatant qu'il n'est que neuf heures, et que nous finissons à midi, je me dis que la matinée à côté de Mathieu va être longue. Très longue.

**

En effet, j'avais raison. La matinée était longue. Même lors de la pause qu'on a eu à dix heures, je pensais qu'il allait aller voir d'autres personnes, mais non. Toujours après moi. C'en devenait harassant. J'aime la solitude, j'aime la tranquillité, et quelque chose me dit que je risque de ne plus avoir ni la solitude, ni la tranquillité, le temps qu'il sera dans mes pattes.

Midi sonne, et je suis une des premières personnes à ranger ses affaires et à sortir de la salle. Je me dépêche de descendre les escaliers, espérant que Mathieu ne me suive pas, mais c'est peine perdue.

— Wesh Louna attends !

Je soupire, m'arrête et me retourne.

— Qu'est-ce que tu me veux, Mathieu ?

— T'as un truc de prévu là ?

— Oui, rentrer chez moi.

— Je devais graille dehors avec mes potes. Viens manger avec nous.

— Pourquoi j'accepterai ?

— Comme ça j'te fous la paix tout le reste de la journée, et peut-être demain aussi.

J'accepte pratiquement aussitôt, ne cherchant rien d'autre qu'un peu de paix. Il sourit, comme un gamin, et m'entraîne hors du lycée pour rejoindre ses amis. Il leur serre la main en leur faisant une accolade.

— Les gars, j'vous présente Louna ! Elle est nouvelle, du coup je l'ai prise sous mon aile t'as vu.

— Ah le polak il fait dans la charité maintenant ? demande ironiquement un grand Black après m'avoir détaillé de la tête aux pieds.

J'enfonce mes ongles dans mes paumes, me retenant de faire une réflexion déplacée.

— Tu dis de la merde polak, elle est pas nouvelle, dit un gars que j'identifie comme Assaf.

— Je l'ai jamais capté l'an dernier.

— Parce que je n'étais pas là longtemps, je soupire. Tu vas bien ?

Je m'approche d'Assaf et lui fais la bise, puis il me répond qu'il va bien, et me demande des nouvelles de la famille. Devant ma grimace, il comprend vite que ce n'est pas le moment d'en parler, et n'insiste pas plus.

— Vous vous connaissez ?

— Ouais, on était dans la même classe l'an dernier. C'était ma go sûre, on s'entendait trop bien.

— Tu étais le seul à être venu me voir en même temps, tu étais un peu mon seul ami, dis-je en ricanant.

— Dis pas ça, tout le monde t'aimait bien.

— Non Assaf, ça c'est faux.

Il essaie de me contredire à nouveau, mais je lui mets une tape sur l'épaule et il cesse de vouloir me faire avoir tord.

Je sens les regards des autres lycéens sur moi, et j'entends quelques chuchotement m'ayant pour sujet. Me sentant mal à l'aise, je demande aux gars s'il est possible qu'on s'en aille. Ils acquiescent, et Assaf reste à côté de moi, me parlant un peu tandis que Mathieu et ses trois autres comparses sont devant, parlant de tout et de rien.

On finit par atterrir dans un kebab pas très loin, et les gars passent leur temps à manger en parlant et en rappant, à priori. Quant à moi, je lis mon livre, en picorant de temps à autre, n'ayant pas faim.

— Bah mange wesh, et lâche ton livre, c'est chelou. Manquerait plus que des lunettes et on dirait les gos de fond de classe, que personne aime et qui attend encore son prince charmant, ricane un gars que j'ai identifié comme étant Elyo.

La remarque faisant rire toute la table, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Excédée, et à deux doigts de pleurer, je range mon livre, laisse le reste en plan, et récupère mon sac avant de me lever précipitamment et de quitter le kebab. Je pars vers la station de métro la plus proche, et entre dans le premier qui vient. Tant pis s'il ne me mène pas directement chez moi, je marcherai un peu plus pour me changer les idées.

Je descends pratiquement au terminus, et marche une vingtaine de minutes avant de rentrer chez moi. À peine ai-je posé un pied sur le sol de l'appartement que le voix tonitruante de mon père parvient à mes oreilles.

— T'étais où ? T'as dit que tu finissais à midi.

— Oui. Mais j'étais avec des camarades de classe.

— Fais pas genre t'as socialisé, t'es la meuf que personne veut inclure à ses potes, intervient mon frère.

Je déglutis difficilement, et pars dans ma chambre. Je ferme la porte derrière moi, et me laisse tomber sur mon lit. Là, je laisse mes larmes couler librement.

Vive la rentrée, surtout.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant