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— Mathieu, la dernière chose dont j'ai envie c'est que tu t'en mêles toi aussi. J'ai pas envie que tu t'attires des problèmes à cause de moi.

— Je vais pas rester les bras croisés alors qu'il a mytho à ton sujet, j'supporte pas ça.

— C'est la dernière fois que je te le dis, je ne veux pas que tu t'en mêles. Je ne voulais pas qu'Adam le fasse, et pourtant il va y aller.

— Il t'a touché sans ton consentement bordel ! Tu piges que c'est grave ou pas ? dit-il en se relevant d'un bond.

Il passe sa main dans ses cheveux décolorés, et je soupire. Il est énervé, et c'est compréhensible. Mais c'est incompréhensible qu'il le soit autant, sachant qu'il n'a jamais réellement été ami avec Jeremy.

— Mathieu.. Calme-toi s'il te plait. Il n'y a pas mort d'homme. Oui c'est grave, mais il ne m'a pas menacé, ni contrainte à faire des choses que je ne voulais pas faire. Le degré de gravité est baissé, ce n'est pas un viol ni des attouchements sexuels.

— Louna, autant t'es grave intelligente, autant là t'es complètement conne.

— Pardon ?

Trois coups sont frappés à la porte, et Adam fait son apparition dans l'embrasure de la porte.

— J'y vais, je vais prendre un peu d'avance. À tout à l'heure, et pas de bêtises !

Je lui montre mon majeur avant qu'il ne parte, et une fois que j'entends la porte d'entrée se refermer, je regarde Mathieu.

— En quoi je suis "complètement conne", là ? Je dis juste mon point de vue.

— Mais ton point de vue est complètement claqué ! Tu trouves encore le moyen de le défendre alors que.. Que.. Putain, il a posé sa sale patte sur toi !

Il serre ses poings, je sens qu'il est à deux doigts de frapper contre un mur, ou de s'en prendre à moi. Je déglutis difficilement.

— Math..

— Non Louna, y'a pas de "Math" qui compte. Il t'a touché, il mérite qu'on lui éclate la gueule. Adam, ASF, Elyo, moi. On devrait tous lui tomber dessus et tu le sais. Imagine il aurait fait ça à ta pote, t'aurais réagi comment ?

— Parle pas de Flavie, s'il te plaît.., dis-je en enfonçant mes ongles dans mes paumes.

— T'aurais réagi comment, si ta pote avait pas cané, et qu'elle était pote avec lui ? Que c'est sur elle qu'il avait posé sa main ? Tu lui aurais cherché des excuses ?

— Ferme-là, s'il te plait, dis-je en me levant.

— Non, j'veux que tu te rendes comptes que t'es conne de prendre sa défense alors qu'il t'a touché sans que tu le veuilles. T'as voulu lui décaler sa main, il a refusé. T'aurais aimé qu'il fasse ça sur Flavie ? Ou qu'il essaie de faire ça à une autre go ? Tu sais jusqu'où il aurait pu aller ? Avec toi ? Flavie ? Une autre ?

— Flavie est morte à cause de connards comme lui Mathieu, alors ferme ta gueule ! crié-je, les nerfs à fleur de peau.

Mon verre, que j'avais pris afin de boire, se retrouve par terre, en morceaux. Dans un accès de colère, tout ce qui passe sous ma main peut finir détruit, ou en piteux état.

Mathieu, étonné de mon énervement soudain, recule d'un pas.

— Flavie.. Elle a subi. Plus que moi, plus que quiconque ici. Elle en a connu, des gars comme Jeremy. Et personne l'a jamais cru. C'est pour ça qu'elle est plus là. Alors, un conseil, arrête de parler d'elle si tu veux pas que je t'en colle une.

Mon polonais s'approche de moi, et pose sa main sur mon épaule afin de m'attirer contre lui. Une fois blottie dans ses bras, je me laisse éclater en sanglots.

Le fait qu'il ait parlé de Flavie, en plus de la sensation de la main de Jeremy sur ma cuisse, a rouvert une brèche que je pensais fermée depuis quelques temps. Malheureusement, on ne guérit jamais réellement de ses blessures, c'est pourquoi on a des cicatrices. Elles nous montrent que, quand bien même on pense être totalement remis, il restera toujours des marques de notre combat contre la vie.

C'est la première fois que je me montre faible devant quelqu'un d'autre que ma mère, Philippe et Adam, et je ne sais pas trop si c'est une bonne chose ou pas. Certains diront que c'est une preuve de confiance, d'autre que c'est un trop-plein qui avait besoin d'être évacué, peu importe la personne en face de moi.

— Eh, Nana, calme-toi. J'suis désolé d'avoir parlé d'elle, j'voulais juste que tu t'rendes compte que t'as aucune raison de lui trouver une excuse.

Je m'écarte de lui et essuie mes larmes rapidement, et garde la tête baissée.

— Je t'en veux pas. C'est juste que.. C'est dur, de me dire que j'ai vécu une petite part de ce qu'a pu vivre Flavie. Je l'admirais parce qu'elle arrivait à rester forte, et dès qu'une main se pose sur ma cuisse je me mets dans tous mes états, ricané-je. Je suis faible.

— Nan tu l'es pas. Et Flavie aurait dû être prise au sérieux. On peut pas changer le passé, mais on peut faire en sorte que le futur soit meilleur. En éclatant la gueule de c'bâtard.

— Adam s'en charge..

— Ouais, mais j'ai pas envie de rester à rien foutre alors que lui doit être saucé de ouf.

Je soupire, et une idée me vient. J'avais déjà vu Flavie faire ça avec son copain, et ça avait fonctionné. Je change alors de discours.

— Écoute, Mathieu, je ne vais pas t'empêcher de faire ce que tu veux faire. Tu veux aller lui refaire le portrait ? Vas-y, je t'ouvre la porte si tu veux. Mais retiens bien une chose, c'est que si tu pars de cet appartement pour aller cogner Jeremy, tu pars aussi de ma vie.

Je commence à ramasser les débris de verre en faisant attention à ne pas me couper, et les jette dans la poubelle en dessous de mon bureau. Quand je me relève, Mathieu est allongé sur mon lit. Je pars m'allonger à côté de lui en ayant pris soin de récupérer mon ordinateur, et le rallume.

Une fois que j'ai rallumé Netflix et que j'ai remis mon épisode non-fini, il passe son bras autour de mes épaules et me rapproche de lui. Je finis donc avec ma tête posée sur son épaule, sa tête reposant sur la mienne.

— Tu m'casses les couilles avec tes dilemmes à deux balles.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant