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Lorsque je me réveille à nouveau, c'est bel et bien un peroxydé qui se trouve sur la chaise, et non pas Moh.

— T'es là depuis longtemps ? dis-je, la voix rauque.

Il semble sursauter légèrement, et coule un regard en ma direction.

— J'sais ap, une demi-heure p'têtre.

Je hoche la tête, et me redresse. Je regarde autour du lit si je vois un bouton pour appeler un médecin, mais à priori il n'y en a pas.

— Tu veux faire venir un médecin s'il te plaît ? J'aimerai bien sortir d'ici au plus vite.

Il acquiesce, se lève et sort de la chambre pour en revenir peu après avec un médecin, qui me pose les mêmes questions que l'infirmière tout à l'heure.

— Vous savez, mademoiselle Deslys, que vous présentiez vous-même un risque pour les autres en prenant la route en ayant bu ?

— Je sais, c'était une erreur et j'en suis consciente. Mais.. Je voulais juste rentrer chez moi, dis-je, penaude.

J'ai l'impression d'être une enfant se faisant gronder par ses parents pour avoir cassé le vase préférée de la grand-mère.

— Plus de peur que de mal, ceci dit. Néanmoins, Monsieur, vous ferez attention à ce que votre compagne ne fasse pas de gros efforts, sous peine de complications respiratoires. Des questions ?

Ni Mathieu ni moi ne pipons mot, et le médecin me laisse une ordonnance ainsi que mon arrêt maladie, puis repart en me disant que je peux y aller.

Je m'assieds doucement au bord du lit, grimaçant en sentant la douleur au niveau des côtes. Puis je me lève lentement, et vais dans la pièce adjacente après avoir récupéré mes affaires de la veille par terre, et vais les enfiler. Je mets la blouse dans la poubelle prévue à cet effet, et rejoins Mathieu dans la chambre. Il est prêt à partir. Je récupère mes effets personnels, et le suis pour sortir de l'hôpital.

Nous nous dirigeons rapidement vers sa voiture se trouvant près de l'entrée, et il démarre assez rapidement. Il roule vite, ne fait pas forcément attention, et tout en lui indiquant la route pour retourner chez moi, je suis obligée de lui dire de lâcher un peu l'accélérateur s'il ne veut pas se retrouver à nouveau à l'hôpital. Je sais que c'est contre son gré qu'il obéit et lève le pied, mais il le fait quand même.

Arrivés en bas de mon immeuble, et puisqu'il est garé, je me détache et grimace.

— Ça va ?

— Oui, j'ai juste mal. Tu veux monter ? Vu qu'à priori tu voulais me voir, je ne sais pourquoi.

— Ouais.

Il coupe le contact, enclenche le frein à main, et se détache le temps que je sors de la voiture. Nous rentrons dans mon immeuble, puis dans mon appartement.

— Fais comme chez toi, je reviens.

Alors qu'il s'installe, du moins je suppose, je pars enfiler un jogging et un t-shirt ample, et vais chercher une boîte de Spasfon ainsi qu'une bouteille d'eau. Je mets le temps, c'est vrai, mais je n'ai pas envie de dépendre de qui que ce soit le temps que je suis dans un piteux état.

Je m'installe nonchalamment sur le canapé, près de Mathieu, et avale un Spasfon. Je prends une grande inspiration, mais jure lorsque la douleur me rappelle à l'ordre.

— Pourquoi t'as pris ta caisse, au juste ? J'pige pas.

— Je voulais rentrer.

— Au moment où j'arrivais ? Tu voulais me vesqui ou quoi ?

— Non, loin de là. Je pensais que tu serais seul, ou du moins, avec une autre personne qu'Emma. Tu sais, je n'ai pas cautionné son hypocrisie. Et te voir arriver avec elle.. C'était le coup de trop.

— J'vois pas pourquoi. On est plus ensemble, et t'es avec Jehk.

— Non, je ne suis plus avec lui. Et ça m'a touché parce que.. Merde, parce qu'il s'agit de toi ! Et que.. Que tu te tapes mon ancienne amie qui, soit dit en passant, n'est qu'une opportuniste hypocrite et aguicheuse, ça pique.

Il esquisse un léger sourire en coin, et je soupire.

— Pourquoi tu voulais me voir, au juste ? Tu voulais juste savoir pourquoi j'ai pris ma bagnole et ai eu un accident involontaire ? Tu voulais me faire regretter quelque chose ?

— Non. J'en ai rien à foutre. L'accident c'est bien fait pour ta gueule, t'avais qu'à demander à un des gars de te ramener. Et j'ai rien à te faire regretter, c'qui est arrivé est arrivé, c'est tout.

— Si c'est pour me dire ça tu peux partir, Mathieu. J'ai déjà assez mal comme ça, je n'ai pas envie d'amplifier la douleur en passant une partie de la journée à pleurer.

Je me lève lentement, et pars en direction de ma salle de bains. Je sens que Mathieu est sur mes talons, mais je fais mine de rien. Je ferme la baignoire et fais couler l'eau nécessaire pour prendre un bain. Je mets une bonne quantité de gel douche, et pars dans ma chambre cherche deux ou trois affaires, Mathieu me suivant toujours.

— Arrête de me suivre comme un chien, veux-tu ?

— Le doc a dit que j'devais faire attention à c'que tu fasses pas de trop gros efforts.

— Je vois pas en quoi prendre un bain est un effort.

— Imagines t'as du mal à te relever, tu fais comment ?

Je soupire, et esquisse tout de même un léger sourire. Je retourne dans la salle de bains et vais pour fermer la porte, mais Mathieu m'en empêche.

— J'reste au même endroit que toi jusqu'à ce que t'ailles te coucher ce soir, m'en fous.

— Reste en dehors de la salle de bains le temps que je me déshabille.

Il grogne mais accepte. Je ferme la porte, me déshabille et rentre dans mon bain, me cache sous la mousse, et l'apostrophe lorsqu'il peut rentrer.

Il s'assied contre la porte, soit en face de la baignoire, et me fixe, tandis que je m'allonge à peu près confortablement.

— T'sais, j'ai rien à te faire regretter. Parce que c'est moi qui regrette.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant