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— Je veux une réponse. Comment t'as eu les clés de MON appart', et pourquoi t'es là ?

Un silence de mort règne. Nina a beau être plus âgée que moi de deux ou trois ans, ça n'empêche qu'à l'heure actuelle, mes nerfs sont tellement à vifs que le respect de son aîné m'importe peu.

— C'est moi qui lui ai dit de venir ici, avoue Mathieu. Son mec l'a tej, elle m'a appelé en pleurs, je lui ai dit de venir jusqu'à ce qu'elle aille mieux.

— T'aurais pas pu la faire venir chez toi ? Putain mais rends-toi comptes que ça dépasse l'entendement !

— J'allais pas la laisser seule chez oim, j'sais pas ce qu'elle aurait pu faire.

— T'aurais pu rester avec elle aussi. Là on parle quand même de MON appartement que je retrouve dans un état déplorable, avec les placards vides parce qu'aucun d'entre vous est foutu de faire des courses à priori. J'me retrouve à assister à un porno en direct, et le voisin qui me sort que je dois faire moins de bruits quand je m'envoie en l'air le soir avec toi Mathieu, parce que ses petits-enfants on tout entendu.

Je me pince le nez, soufflant d'exaspération, et me tourne à nouveau vers Nina.

— Donc si je comprends bien, t'as passé ta semaine à te faire sauter par j'sais pas combien de mecs chez moi ? J'espère que t'as pas été dans ma chambre sinon je pète un plomb.

— Non j'ai pas été dans ta chambre. Mathieu m'a dit que ça te dérangeait pas que je vienne.

— Encore aurait-il fallu que je sois au courant qu'il te proposait de venir chez moi.

Je les regarde à tour de rôle. Mathieu reste stoïque, quoique ses yeux reflètent une certaine gêne. Nina, elle, est tout aussi gênée que tout à l'heure.

— Ok, j'en ai ma claque.

Je pars dans ma chambre, ouvre mon armoire en grand, et récupère quelques affaires à la va-vite que je mets dans un sac. J'ouvre ma valise afin de récupérer ma trousse de toilettes et mon chargeur que je fourre dans le même sac que mes affaires, et le pose sur mon épaule.

— Tu vas où ?

Mes yeux me piquent. J'ai envie de pleurer. Pas de tristesse non, mais de colère. C'est rare, extrêmement rare, que je me trouve dans cet état-là. Mais ils l'ont cherché.

Je ne réponds pas à Mathieu, et retourne dans l'entrée. Je récupère une bouteille de Jack que j'ai acheté tout à l'heure, et la mets dans mon sac à main, que je récupère.

— Oh, tu vas où ?

Je regarde Mathieu, et essaie de répondre calmement, même si j'ai envie de le gifler puissamment.

— Tu fais tellement pas attention à ce que je peux te dire, que tu t'es même pas souvenu que je rentrais aujourd'hui, et que j'imaginais notre soirée autrement. Faites ce que vous voulez de l'appartement, j'en ai plus rien à foutre.

Je claque la porte derrière moi, et mon voisin de tout à l'heure m'interpelle.

— Sincèrement désolé, je ne pensais que ça prendrait de telles proportions. Venez, je ne vais pas vous laisser dehors.

— C'est gentil, mais je sais déjà chez qui aller. Merci quand même.

Il m'adresse un sourire désolé, et je me précipite vers l'ascenseur. Alors que j'appuie sur le bouton du rez-de-chaussée, la voix de Mathieu arrive à mes oreilles.

— Louna, attends !

Il apparaît devant l'ascenseur lorsque les portes se referment. Il a à peine le temps de voir la peine et la colère dans mes yeux. Je sors en trombe du bâtiment une fois au rez-de-chaussée, et monte rapidement dans ma voiture, balançant mes sacs sur la banquette arrière.

Je mets le contact, et connecte mon téléphone à ma voiture, pour appeler quelqu'un.

En réalité, je pourrais aller chez Adèle, Iris ou Deen. Mais aller chez eux inclue devoir tout leur raconter, et les voir se précipiter sur leur téléphone pour appeler ou envoyer un message à Mathieu lui disant je ne sais quoi.

Je trouve le numéro assez rapidement, n'ayant pas eu énormément de communications ces trois dernière semaines, et l'appelle.

Je ne sais pas s'il répondra, mais j'espère sincèrement que si.

Allô ?

Il a répondu. Je soupire.

— Allô ?

— Salut, c'est.. C'est Louna.

Je ne m'attendais pas à t'avoir au téléphone, je dois te l'avouer. Tu vas bien ?

— Non, pas vraiment. Désolée d'appeler et de revenir à l'improviste dans ta vie, mais est-ce que se raconter nos malheurs autour d'une bouteille de Jack t'intéresse ?

— Euh bah euh, bredouille-t-il. Je.. Si tu veux oui, je t'envoie mon adresse.

— Merci, j'en ai bien besoin.

— Je peux juste te poser une question ?

— Bien sûr.

— Pourquoi moi, et pas Ken ou Moh, ou un autre ? Tu n'es plus en contact avec eux ?

— Si, je suis toujours en très bons termes avec eux. Mais Ken n'est pas sur Paris, et quand bien même il le serait, il se serait mêlé de ce qu'il ne le regarde pas. Alors que toi, tu sais faire la part des choses, depuis toujours.

Il ne répond pas, mais je l'imagine hocher la tête. Il m'assure qu'il m'envoie son adresse, et je le remercie à nouveau avant de mettre fin à l'appel. Quelques secondes après, je reçois un message de sa part, m'indiquant son adresse. À un feu rouge, j'en profite pour rentrer son adresse dans le GPS de la voiture, qui me signale que je suis tout près. Je parcours la centaine de mètres qui me reste pour arriver jusque chez lui, et me gare devant. C'est une aubaine qu'il y ait une place de livre devant chez lui, sachant qu'on est en plein coeur de Paris.

Je récupère mon sac à main, sors de la voiture et la ferme, puis me dirige vers l'entrée de l'immeuble. Je parcours les noms sur les sonnettes, puis appuie sur celle qui m'intéresse. La porte se déverrouille, et je monte jusqu'au premier étage, comme il me l'a indiqué dans son message.

Devant la porte 21, je souffle, et frappe. Il vient m'ouvrir à la volée, et me prend dans ses bras.

— Tu m'as manqué, p'tite soeur.

— Tu m'as légèrement manqué toi aussi, Adam.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant