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Même si Sam a réussi à détendre l'atmosphère le temps d'un instant, je sens que c'est toujours glacial. Il y a de quoi, c'est vrai que les laisser dans l'ignorance de ma vie pendant longtemps, ce n'était pas la meilleure des décisions que j'ai prise.

Mais j'ai souvent agi sous le coup de l'impulsion et des sentiments, et je sais que je finirais par m'en mordre les doigts à un moment ou à un autre si je ne change pas ma façon d'être.

— Viens, on va parler un peu, s'exprime ma mère.

Elle se lève et m'entraîne avec elle dans la cuisine, et c'est une fois dans cette dernière que je me permets de la détailler. Elle a maigri, c'est flagrant. Certes cela fait un moment que je ne l'ai pas vu, mais j'ai quand même gardé des souvenirs joyeux ancrés dans ma mémoire. Elle a maigri, son teint est pâle, et ses joues creusées. Elle a plus de rides que la dernière fois, et elle a nettement cessé de prendre soin d'elle.

— Je pense que.. Qu'on a certaines choses à mettre à plat, admet-elle.

— En effet. Du moins, je pense qu'on a des choses à se dire. La dernière discussion qu'on a eu était assez chaotique, je l'avoue.

— Comprends ma position aussi. Tu te sépares de Mathieu, tu rentres à la maison en pleurs. Tu vas de mieux en mieux après des semaines entières d'efforts et de tentatives ratées, et tu nous ramènes un homme d'environ dix ans ton aîné. Il y a de quoi être réticente, surtout quand on est mère et qu'on se fait du souci pour son enfant.

— Là est le problème. Je comprends tes réticences, du moins, je vois pourquoi tu l'étais. Mais Max n'était pas un parfait inconnu que j'ai décidé de côtoyer. Max, c'est Jehkyl. Le frère de Deen, le papy de l'Entourage. On s'est toujours bien entendus, et c'est lui qui m'a le plus aidé à remonter la pente. Tous les autres étaient présents aussi, énormément d'ailleurs. Mais Jehk l'était un peu plus. Je n'ai jamais prévu de l'aimer, tout s'est fait naturellement. Et l'âge n'est pas un problème si important. Il avait vingt-cinq ans, j'en avais pratiquement dix-huit. Sept ans d'écart c'est beaucoup ? Vraiment ? Alors qu'il y a des couples qui ont douze ans d'écart voire même plus ? C'est ridicule. Oui je comprends que tu te sois fait du souci, mais j'étais heureuse avec lui. J'allais mieux, beaucoup mieux.

Elle soupire, et se masse les tempes.

— J'aurais dû te parler au lieu de te dire que je ne l'appréciais pas, ça se serait peut-être soldé différemment. Quoiqu'il en soit, évitons de retourner sur le sujet, parlons plutôt de Mathieu. Explique-moi tout, j'ai raté beaucoup de choses.

Je souris doucement, et lui explique comment nous nous sommes retrouvés. Comme els choses se sont faites. Comment tout s'est passé. Et le déroulement de la semaine.

— Ah. Sympathique. Sa soeur t'a remercié j'espère ?

— Non, mais je ne m'attends à rien. Puis.. Il y a fortement moyen que je finisse par vivre définitivement avec Mathieu, ça serait d'ailleurs préférable.

— Pas faux. Mais.. Vous allez vraiment pouvoir gérer un enfant ?

— J'en sais rien.. J'espère. Je n'ai pas envie d'avorter, ni d'accoucher sous X, et j'ai beaucoup d'appréhension quant à mon rôle de mère. Je ne sais pas si je serais à la hauteur, je suis encore trop jeune et..

— Détends-toi. C'est normal que tu sois stressée, que tu te poses énormément de questions. J'étais pareille quand j'étais enceinte de ton frère. Pour autant, rien ne s'est passé comme prévu. Ton père et moi nous sommes séparés quelques mois, il m'a laissé seule, enceinte, et avec ma tonne de questions en tête. J'étais enceinte de deux ou trois mois quand on s'est séparés, je suis retournée vivre avec mes parents. Ils ont compris et m'ont conseillé de garder mon enfant, tu sais comment sont tes grands-parents, très vieux jeu. Pour eux l'avortement c'est un meurtre, donc j'ai gardé ton frère. C'set peu avant mon arrivée à terme que ton père est revenu dans ma vie. Avec tout l'attirail nécessaire pour élever un bébé. Mes parents n'étaient pas très enchantés qu'il revienne, surtout que je m'étais faite à l'idée d'élever un enfant seule. Mais il a su faire ses preuves, et voilà où on en est. Ton père est devenu un vrai con, ton frère n'en parlons pas, mais je ne regrette pas d'avoir gardé cet enfant alors que j'étais jeune.

— Donc.. Je suis censée en conclure quoi ? Parce que là ce que je comprends c'est que Mathieu est susceptible de me larguer alors que je porte son enfant, qu'il peut potentiellement revenir avant que j'accouche et que je finira par me séparer après avoir eu un deuxième enfant avec lui.

Elle ricane, et prend ma main dans la sienne.

— Je ne pense pas que ça se passera comme ton père et moi. Pour autant, dis-toi que rien ne se passe jamais comme prévu. Il peut y avoir beaucoup de hauts comme de bas, mais c'est à toi de savoir les affronter comme il se doit. Et tu pourras toujours compter sur ta vieille mère pour t'aider à gérer ton enfant, te donner des conseils, et te le garder parfois, quand tu voudras avoir un moment pour toi.

— Merci, c'est gentil.

— C'est normal. Tu restes ma fille avant tout.

Je lui fais signe de venir dans mes bras, et nous nous étreignons. Un sanglot se coince dans ma gorge, et je crois que ma mère pleure, mais je ne suis sûre de rien. Lorsque nous nous séparons, elle me regarde de la tête aux pieds.

— Il a vraiment beaucoup de chance de t'avoir à nouveau. Qu'il ne foire pas tout, sinon je lui botte le cul.

Je souris, et nous retournons dans le salon. Les autres membres de la famille me regardent toujours de travers, je décide alors de partir.

— Tu peux rester, me dit ma mère.

— Non, ça ira. Peut-être que je viendrais te voir dans la semaine, quand je serais sûre que je ne dérangerai personne. Je vais rentrer, il faut que j'annonce ça aux autres.

Je l'embrasse sur la joue, et étreints rapidement Adam.

— Bah, je te raccompagnes pas ?

— Ne t'en fais pas, je vais prendre le métro. On s'appelle vite.

— Au r'voir tata !

— Au revoir Sam.

Je sors de l'appartement de ma mère, et sors mon téléphone. L'ayant mis en sourdine, je n'ai pas pu entendre les différents appels manqués que j'ai eu.

À savoir trois de Mathieu, Ken et Moh, deux d'Iris et d'Adèle, et un de Maxime.

Aïe.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant