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Deux jours sont passés depuis que Mathieu m'a dit qu'il pouvait essayer de réduire sa consommation de stups, et d'essayer d'arrêter de vendre. Comme promis, il a eu son massage dorsal, et s'est endormi comme un bébé. Nous n'avons rien fait de spécial ces deux jours, mis à part regarder des films sur Netflix les trois quarts de la journée.

J'ai d'ailleurs beaucoup parlé avec Ken aussi, sous le regard désapprobateur de Mathieu. Je dois voir le rappeur aujourd'hui, il aimerait mon avis sur quelque chose. J'ai tout de suite accepté, puisque je vais aussi avoir besoin de son aide pour quelque chose. Nous nous sommes donnés rendez-vous devant le studio de la dernière fois à onze heures aujourd'hui.

Je me réveille en sursaut, les rayons du soleil m'agressant le visage. La veille au soir, après avoir longtemps parlé de tout et de rien avec Mathieu, on s'est endormis sans prendre la peine de fermer les volets. Résultat : je suis réveillée à cause de ça, ce qui en soit est une bonne chose, je ne risque pas d'être en retard comme cela.

Je me dépêche donc d'aller prendre quelques affaires et de prendre ma douche, puis retourne dans la chambre le réveiller doucement. Je passe le bout de mes doigts dans ses cheveux peroxydés qui commencent à repousser, et chuchote de se lever.

— Pourquoi j'dois me lever ?

— Parce que je m'en vais, je te rappelle que je dois aller voir Ken.

Mon ami grogne, et ouvre doucement ses yeux.

— Pourquoi tu dois aller le voir ? J'voulais que tu passes la journée avec moi.

— Il a besoin de moi pour quelque chose, tu n'en sauras pas plus. Et ne râles pas, on a passé les deux derniers jours tous les deux, et ça va être le cas jusqu'à ce que ma mère rentre.

— Elle rentre quand ?

— Le 29, soit mercredi.

Il se redresse en bâillant, et me prend rapidement dans ses bras.

— Tu rentres tard ?

— Je sais pas, tout dépend de ce pourquoi il a besoin de moi. De toute façon je te tiens au courant, et je préviens ta mamie aussi. Je ramènerai le repas de ce soir si je ne rentre pas entre temps.

— Domac ?

— Si tu veux.

— T'es la meilleure wesh, viens on sort ensemble.

Je ricane nerveusement, et récupère mon téléphone et mon portefeuilles, ainsi que ma veste en cuir. Je dépose un baiser sur la joue à Mathieu (comme chaque matin).

— Allez je file, bonne journée mon polak.

— Remballe-le s'il tente de te pécho, personne te touche sauf moi hein !

— Personne ne me touche, pas même toi, polak !

Je sors de sa chambre après qu'il m'ait fait voir son majeur, et je rejoins sa grand-mère dans le salon.

— Odeta, je pars la journée. Un ami a besoin de moi, donc je le rejoins. Je ne sais pas à quelle heure je rentre, mais si je rentre qu'en fin d'après-midi je prends le repas pour ce soir.

— Tu n'es pas obligée ma petite !

— Si c'est déjà gentil de ta part de m'héberger le temps que ma mère est en déplacement, alors j'estime que c'est le moins que je puisse faire. Si tu as besoin de quelque chose tant que je suis dehors, demande à Mathieu mon numéro, ou dis-lui de m'envoyer un message avec ce qu'il te faut.

— D'accord Louna, j'y penserai. Allez, file t'amuser.

Je souris et la salue, avant de sortir de l'appartement et du bâtiment. Une fois dans le métro, j'envoie un message à Ken pour lui dire que je serais là d'ici trente minutes.

Je suis la première devant le bâtiment, je décide alors de sonner et d'entrer, histoire de ne pas avoir froid. Nous ne sommes que fin Octobre, mais le froid se fait déjà un peu ressentir, nous savons que nous sommes en automne. La porte s'ouvre avec un déclic, et je file au premier étage. Je vois Ken, penché sur la table basse devant des feuilles.

— Hey, t'es là depuis longtemps ?

Il sursaute, et se tourne vers moi.

— Wesh tu m'as fait reup, j'ai cru que c'était un des gars. Bien ou quoi ?

Il se lève pour me faire la bise, et se rassied.

— Fais comme chez oit hein, mets toi bien.

J'enlève ma veste en cuir et récupère mon téléphone que je mets dans la poche arrière de mon jean.

— Alors, t'avais besoin de moi pour quoi ?

— J'suis en train d'écrire certains sons, et de les poser. L'album du L est sorti y'a quelques mois, et mon solo devrait sortir l'an pro. Mais du coup j'suis pas sûre d'un son, et même si mes khos me disent qu'il est ienb, j'ai besoin d'un avis extérieur.

— Ça serait avec plaisir.

Il me tend une feuille, et je fronce les sourcils.

— Ah bah non, lire le texte c'est bien mignon, mais je veux écouter, pour voir ce que ça donne. Ça se trouve, en lisant les paroles, je vais pas aimer, mais je vais adorer ta façon de l'interpréter. Ou inversement.

— T'es relou comme meuf.

— C'est de mon âge, à priori.

— Ouais, bah j'suis pas d'accord. Même ma reus elle est moins casse-couilles.

— Alors pourquoi tu l'as pas appelé ?

Je croise les bras et hausse un sourcil, tandis qu'il ricane.

— Ok, j'ai rien dit. J'ai déjà fait une prise, je te la fais écouter.

Il se lève, va trifouiller quelque chose sur l'ordinateur, et revient s'asseoir lorsque la musique emplit la pièce.

Les paroles me touchent de plein fouet. Je ne sais pas si c'est sa voix, la mélodie, les paroles, ou les trois, mais je sais que j'ai une larme qui coule. Puis une autre.

Je m'identifie dans sa chanson, étonnamment. Et je me dis qu'il faudrait peut-être que je commence à écouter ce qu'il fait, ainsi que ce que font les autres.

À la fin de sa chanson, il se tourne vers moi.

— T'en penses quoi ?

— T'as intérêt de la mettre dans ton album, sinon je t'étripe. Elle est puissante, j'me suis reconnue dans les paroles, et j'pense que pas mal de tes fans pourront se reconnaître aussi.

Il ricane un peu, et passe son bras au dessus de mes épaules.

— Tu t'es tellement reconnue que t'as chialé ?

— Eh, oublie pas que je suis ado, que je suis en pleine puberté et que, par conséquent, je peux avoir des changements d'humeur brusques.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant