Andrew

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- Je sais où on est. C'est ici qu'il m'a eu, il sera sûrement là. J'étais dans un sale état ce soir là, mais ça, je ne peux pas l'oublier.
- T'es sûr de vouloir me suivre ?
- Je ne te laisserai pas seul là dedans.

On entre, le videur est aussi aimable qu'une porte de prison. A l'intérieur c'est un désastre, les gens qui ne se droguent pas se galochent ou se battent. La musique est trop forte et les lumières sont toutes rouges.
Je n'ai pas envie de rester plus longtemps qu'il ne le faut et regarde autour de moi pour trouver ce que je cherche. Ça ne prend pas longtemps, il n'y a qu'une seule paire d'yeux rivée sur Dorian. Visiblement ils se sont reconnus, ils se fixent, mais pas avec le même regard.
Il nous fait signe de le suivre et passe une porte derrière le bar.
J'hésite quelques secondes mais finis par y aller. Le barman, aussi accueillant que le videur, nous laisse passer. Encore des lumières rouges, c'est très joyeux.
La pièce, qui semble être un bureau insonorisé puisque je n'entends plus l'horrible musique, est assez petite mais permet quand même de garder un peu de distance entre nous. Il nous accueille avec le sourire, mais je sais que ça va barder.
Je lui demande s'il a vraiment si peur de nous pour avoir besoin de ses deux vampires de garde. Il leur demande de sortir et de le laisser s'occuper de nous. Ça ne me rassure qu'à moitié.

- Que me vaut l'honneur de votre visite ? Vous venez vous excuser d'avoir tué mon frère ? Ou me rendre ma création ?

Sa création ? Il se prend pour qui ? J'ai envie de l'étriper et de le donner à manger aux pigeons, quoi que, les pauvres seraient malades après un repas aussi infecte. J'entends la voix de Dorian dans ma tête « Fais attention à ce que tu penses quand tu le regardes dans les yeux ». Je tourne ma tête vers lui puis sur ce vampire, qui me regarde avec un horrible sourire. Je ne dis plus rien et ne pense plus rien, enfin j'essaye.

- Alors tu arrives à lire ses pensées et communiquer avec lui sans le regarder ? Tu t'es entiché d'un pauvre humain... avec tout ce dont tu es capable, tu t'encombre d'un être aussi inutile ?
- Il vaut bien plus que toi et ton arrogance.
- Alors c'est vrai, tu l'aimes ton humain... intéressant.
- Pourquoi tu le cherchais ? Tu passes ton temps à tuer et tu veux venger la mort de ton frère, c'est le monde à l'envers.
- Je n'ai pas eu besoin de le chercher, vous m'avez facilité le travail. J'allais finir par le trouver mais tes sentiments pour lui m'ont fait gagner du temps à ce que je vois. Tu sens tout n'est ce pas ? Tu sens quand il va mal, quand il est menacé, quand il est heureux aussi. Tu sentirais même s'il avait la grippe. Ça veut dire que ce chasseur s'est entiché de sa proie lui aussi.
- Comment tu peux savoir ça ?
- Tu crois que je suis incapable d'aimer ? J'aimais mon frère plus que n'importe qui, l'amour fraternel est encore plus fort. J'aimerai que tu comprennes ce que j'ai ressenti quand il est mort.

Il se précipite devant moi, je ne sais pas ce qu'il a vu mais il n'a pas l'air d'apprécier. J'avoue que j'ai la trouille, je n'ai pas pu m'équiper correctement pour pouvoir entrer ici, je n'ai qu'un pieu, et ma petite force humaine.

- Je peux l'épargner, à une condition.
- Laquelle ?
- Maintenant que mon frère n'est plus là, j'ai besoin d'un nouveau recruteur, et ta beauté est un atout pour cette tâche.

Non mais ça ne va pas ? Je préfère encore mourir que de le voir devenir comme eux. Il me tuera de toute façon alors je t'en prie Dorian, ne fais jamais ça.

- Il va falloir que tu t'en trouves un autre.
- Tu es ma plus belle création, c'est toi que je veux.
- Je te propose autre chose, rien que toi et moi, sans arme. Si tu gagnes je te rejoins, mais si tu perds, tu nous oublie.
- Et si l'un de nous tue l'autre ?
- C'est le jeu.
- Tu sais que je vais gagner non ?
- Alors pourquoi tu hésites ?
- Je n'hésite pas, c'est d'accord.

Non ! C'est trop dangereux, je ne veux pas le perdre comme ça. Il me regarde dans les yeux « Je dois essayer ». Je n'aurais jamais dû venir ici, tout est de ma faute.
Ils commencent à se battre, c'est d'une telle violence. Je sais qu'il est en danger, que ce Dracula raté pourrait le tuer, il faut que ça s'arrête. Je ne vois qu'une solution, peu importe ce que ça me coûte.
Je sors mon couteau et m'entaille la main. Je sais ce que ça implique, mais au moins, ils ont arrêté de se battre.

- Non ! Pourquoi t'as fait ça ?
- Je suis désolé...

Dorian s'est réfugié contre un mur, je sais ce que l'odeur du sang lui fait, je ne peux pas lui en vouloir. Mais si il peut se retenir, je savais que ça ne serait pas le cas pour l'autre. En quelques secondes il s'est déjà jeté sur moi, je sens ses crocs dans mon cou, j'ai l'impression de sentir mon sang glisser hors de mon corps. J'attrape un pieu et le plante où je peux, mais ça ne fait que le ralentir. Je vais sûrement mourir, au moins j'aurais essayé. Je ne sens plus rien, ma vision se trouble, autant fermer les yeux.

~~

J'ouvre les yeux d'un coup, comme si je me réveillais au milieu d'un cauchemar. Je me sens bizarre, je crois que j'ai faim.
Je regarde autour de moi, la tête de notre hôte est près de moi, mais loin de son corps, réduit en lambeaux. Ça pourrait me choquer, mais non. Dorian est là, il me regarde. Son expression est trop mignonne, ça me fait sourire.

- Dorian... tu vas bien ?
- Tu te fous de moi là, c'est à moi que tu demandes ça ?

Je savais qu'il n'aimerait pas ce que j'ai fait, mais au moins il va bien, c'est tout ce qui compte. J'ai besoin de lui, c'est comme ça, il va devoir s'y faire.

- Il faut qu'on se tire de là, je n'aime pas cet endroit, on discutera de tout ça plus tard.

Qui aimerait cet endroit ? Je tente de me relever, j'ai la tête qui tourne. Il a raison, on doit partir. Je n'avais pas remarqué qu'il y avait quelqu'un avec nous, qui c'est celui là encore ?

- Désolé, je ne me suis pas présenté, tu peux m'appeler Linc.
- Andrew, désolé j'avais oublié qu'il ne fallait pas regarder un vampire dans les yeux.
- Je ne le prends pas mal.

S'il n'est pas mort, c'est qu'il n'est pas dangereux. Je suppose que je n'ai pas à avoir peur, même si c'est une sacrée bestiole, je vais éviter de le vexer.

- Linc m'a aidé à rattraper ta bêtise.
- Ce n'était pas grand-chose.

Je viens juste de remarquer la blessure à la cuisse de Dorian, il a d'autres égratignures mais celle là à l'air profonde.

- Il faut nettoyer ça avant de partir, ça te fait mal ?
- Mais non ce n'est pas grand-chose. C'est toi qu'il faut rafistoler.
- Je n'ai rien, ça va.
- C'est parce que tu ne peux pas voir ton cou.

Je touche mon cou, j'avais presque oublié ce passage. Ce n'est pas bien grave, ce ne sont que des dents.

- On a ce qu'il faut dans la voiture, je t'emmène loin d'ici.
- Tu veux aller où ?
- Je ne sais pas, on se débrouillera.

Il m'aide à me lever et on tente de sortir. Je regarde autour de moi, cette musique me donne mal à la tête et là je m'arrête net. Je viens de voir la dernière personne que j'avais envie de croiser.

- Qu'est ce qu'il y a ?
- Ruby... on doit faire demi-tour. 

~~ A suivre... 

Un cœur éteint peut toujours aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant