Andrew

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J'ouvre les yeux, me sens léger mais j'ai toujours l'impression d'être à bout de force. Dorian est là, contre moi, il me tient là main, il est resté combien de temps comme ça ?
Il a l'air un peu perdu, à quoi il peut bien penser ? Il est resté pour moi, je rêve il a bien un défaut quelque part non ? Il ne capte plus ce que je pense ? Je peux serrer sa main, il réagit à peine.

- A quoi tu penses mon amour ?

Il lève la tête et me regarde, on dirait qu'il a vu un revenant, comme si ça l'étonnait. J'ai à peine le temps d'essayer de dire quoi que ce soit d'autre qu'il me saute dessus, sa position est folle. Il pourrait m'étouffer si c'était encore possible tellement il s'accroche à moi, mais ça me va.

- A ce point là ?
- J'ai eu tellement peur, mais tu es là, tu es bien là.
- Oui je suis là, et heureusement que je suis mort, je ne donnerais pas cher de mes côtes.

Il se relève légèrement, son expression est trop craquante, on dirait qu'il a fait une grosse bêtise.

- Excuse moi.

Je ne peux pas m'empêcher de lui sourire, comment lui résister ? Si je pouvais je l'étalerais sur ce joli matelas dégoûtant, là, tout de suite.
Il ne m'entend plus ou quoi ? D'habitude il commente quand je pense ce genre de choses. Enfin bref, on verra ça plus tard.

- Ça va, ne t'inquiète pas, tu es trop mignon.
- Tu es mort à cause de moi, et tu trouves encore que je suis mignon ?
- Ce n'est pas de ta faute, regarde, je vais bien, je ne sens plus rien. Je ne sais pas si je peux me lever par contre, et j'ai une faim de loup.
- J'ai ce qu'il te faut.

Il se lève et me rapporte les courses d'hier, il a tout laissé, pour moi ? Mais ça fait un moment qu'il tient sans presque rien à se mettre sous la dent...

- Tu te moques de moi, tu n'as rien avalé depuis combien de temps ?
- Ça va ne t'inquiète pas, j'ai gardé ça pour toi, ça fera l'affaire en attendant ce soir.
- T'abuses.
- Tu n'as pas le choix, ne fais pas ta tête de mule.

Je me relève comme je peux et fouille dans le sac, ça va me manquer toutes ces cochonneries. Quand je vois ce que je suis destiné à manger maintenant, beurk. Bon allez, pour lui ça vaut la peine.
J'attaque mon petit repas et en un temps record il ne reste plus rien. Ce n'était pas si mauvais en fait. Il me regarde, c'est presque gênant, je ne suis pas fier qu'il puisse me voir comme ça, même si j'ai vu bien pire avec lui. Il ne m'entend vraiment plus, c'est pour ça qu'il est comme ça ?

- Tu ne m'entends plus ?

Il n'a pas l'air bien, qu'est ce qu'il a ? Mais... ça veut dire qu'il ne m'aime plus, ou qu'il m'aime moins ? Ça ne peut pas être moi, je donnerai toujours ma vie pour lui.

- Andrew... Tu es fâché contre moi ?
- Mais non qu'est ce que tu racontes ?
- Alors pourquoi je ne t'entends plus ?
- Je me posais la même question, je pensais que ça venait de toi.

Je vois bien qu'il se pose des questions, là j'aimerais pouvoir l'entendre, mais je n'entends rien d'autre que les bruits de la ville au dessus de nous et deux trois autres bruits, sûrement des rats. Ce genre de situation n'est pas très confortable pour moi, pour lui non plus je suppose.
Puisqu'il me regarde toujours je lui tends les mains, je ne tenterai pas de me lever tout de suite alors je l'invite à me rejoindre, il ne tarde pas à le faire.
Nous sommes, assis face à face, on aura le temps de s'inquiéter plus tard pour ce détail. Ses yeux me font toujours autant d'effet. L'avantage c'est que, n'ayant plus besoin de dormir, je pourrai les admirer plus souvent, et plus longtemps puisque je suis devenu immortel.

- On finira par savoir pourquoi, n'y pense plus.
- Je vais essayer... Comment tu te sens là ?
- Comme une guimauve. J'ai l'impression d'être léger comme une plume mais j'ai peur de me lever.
- C'est normal, j'ai ressenti la même chose quand ça m'est arrivé, on s'y fait vite.
- Et maintenant je comprends ce que tu voulais dire quand tu disais ne plus rien ressentir. Je ne me sens plus coupable d'avoir tué Léo et Ruby, je n'ai plus de rancœur non plus, plus de colère, plus de peur, pour l'instant. Je suis devenu mauvais ?
- Est-ce que je suis mauvais ?
- Non, bien sûr que non.
- Alors tu as ta réponse.
- J'avais peur de perdre mes émotions, mais ce n'est pas si mal, plus de souffrance inutile. Mais heureusement, j'ai toujours ce que j'avais de plus cher.
- De quoi tu parles ?
- Toi andouille. Tu es ma seule émotion, tu es tout ce dont j'ai besoin, encore plus qu'avant.

Il baisse la tête en souriant, s'il pouvait rougir ce serait sûrement fait. Je me demandais comment fonctionnait un vampire, si il ressentait le contact de la même façon, s'il avait les mêmes désirs, j'ai ma réponse. J'ai envie qu'il me prenne comme jamais sur ce matelas défraîchi, entre les coussins à la douce fragrance de canalisation. Il pourrait y mettre toute sa fougue sans risque, plus d'excuses.

- Tu penses des trucs cochons là ?
- Tu m'entends maintenant ?
- Non, mais tu baves.
- Très drôle, je suis déjà tombé dans le panneau une fois.
- Je crois que tu as quelque chose de plus, je sens que tu es différent de moi, et de tous les autres.
- Qu'est ce que je pourrais avoir de plus ?
- Ça je n'en sais rien. Je crois juste que tu as quelque chose de différent.
- C'est bon signe ?
- Ça non plus, je n'en sais rien.

Il ne me rassure pas vraiment là, de toute façon comment on pourrait savoir si quelque chose cloche ? Je sais déjà que physiquement j'ai sûrement subi un ou deux dégâts. Je vois déjà que mes mains n'ont plus la même teinte qu'avant, celle là est affreuse.

- Physiquement ça donne quoi ?
- Tu es toujours magnifique.
- N'importe quoi. Mais encore ? Mes yeux sont noirs ?
- Oh que non, tes yeux sont encore plus clairs. J'ai hâte de voir avec un peu plus de lumière. Par contre ta peau est plus claire, même si ce n'est pas autant que moi. Tu vires un peu au gris.
- J'ai vu ça, je n'aimerais pas voir ce que ça donne au niveau du visage.
- Peu importe, tu es parfait.
- Ne dis pas de conneries.

Je me sens euphorique, j'ai envie de partir découvrir le monde, avec lui, rien que tous les deux. Je m'en fiche de ce qui cloche chez moi tant que ça ne change rien pour nous. Je suis devenu un monstre sanguinaire, c'était ma pire crainte. Maintenant je me dis que si c'était à refaire, je signerais sans doute, pour lui. Il est tellement plus humain que la plupart des gens, peut-être que grâce à lui, je le resterai.

- Excusez moi de vous interrompre les gars, mais il le faut.

Linc est revenu, mais il est encore tôt, je n'y comprends rien. Et pourquoi maintenant ?

- Comment tu as fait pour arriver là ? Il fait jour dehors non ?
- Non, plus maintenant.

Je regarde ma montre. Je n'avais pas vu qu'elle était arrêtée, alors Dorian m'a attendu plus longtemps que je ne le pensais.

- Qu'est ce qui se passe ?
- Depuis quelques heures tout le monde ne parle que de toi.
- Comment ça ?
- L'une des notre a le don de voir tout ce qui se passe parmi nous, elle sent tout. Après tout se sait très vite dans notre milieu.
- Mais de quoi tu parles ? Il y a des transformations à longueur d'année.
- Oui, mais pas comme la tienne.

Qu'est ce qu'il me bave encore ? Je le regarde tout penaud, je m'en fiche en fait de toutes leurs conneries. Je n'ai pas le temps de répondre, Dorian s'en mêle.

- Tu ne peux pas clairement dire ce que tu sais plutôt que de tourner autour du pot ?
- En bref, Andrew est dangereux pour eux. Ils le craignent, parce qu'il est plus fort que nous tous. Il a des possibilités qu'il ignore encore.
- Et alors, il ne dérange personne là ?
- Pour l'instant oui, mais ils pensent le contraire. S'ils te trouvent, ils te détruiront avant que tu ne découvres de quoi tu es capable.

Ils me font chier, qu'ils se mêlent de leurs fesses, je m'occuperai des miennes. Je n'ai pas que ça à faire de me battre pour ma liberté.

- Qu'ils viennent, je les accueillerai. De toute façon dans peu de temps, on sera loin.
- Mais ce n'est pas tout. J'étais cloîtré chez moi toute la journée avec des amis, ils étaient avec moi avant-hier soir aussi. Ils ont tout vu et...
- Et quoi ?
- Ruby, elle n'est pas morte. Elle est à l'hôpital mais elle s'en tire bien.
- Et alors ? C'est une bonne nouvelle, je ne l'ai pas tuée.
- Non, mais elle offre une grosse somme pour ta tête, ou celle de Dorian. Ils ne vous lâcheront pas, c'est un jeu pour eux. Ils ont une double raison de vous traquer.
- Pourquoi tu nous le dis ? Tu n'es pas intéressé par cette prime ?
- Qu'est ce que j'en ferais ? J'ai perdu ma seule richesse, toutes les autres m'importent peu.
- Alors pourquoi ?
- J'ai ma fierté, je ne suis pas prêt à en parler pour l'instant.
- D'accord... alors merci.
- Je serai toujours au même endroit si avez besoin d'aide, faites attention à vous.

Il s'apprête à partir quand Dorian le retient.

- Attend, tu sais ce qu'il est capable de faire toi ?
- Non, mais je peux essayer de le savoir.
- Merci, vraiment... merci.
- Ne me remerciez pas encore, j'ai peut être empiré les choses.

Il s'en va, je n'arrive même pas à me réjouir pour Ruby, encore moins si elle s'amuse à attaquer Dorian. Je crois qu'on peut se gratter pour avoir la paix. 

~~~ A suivre...

Un cœur éteint peut toujours aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant