Andrew

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Il fait les cent pas dans la chambre en ruminant, ça m'inquiète. J'ai l'impression qu'il dirige ses pensées, qu'il les retient.

- Il faut que j'aille faire un tour Andrew.
- Tu veux dire... tout seul ?
- Oui, j'en ai besoin.
- D'accord...

Oui ça me fait chier. Mais s'il en a besoin je ne peux pas le retenir. Je le regarde partir et claquer la porte. Je me sens mal pour lui, et je ne peux rien faire.
Je ne paniquais pas avant de ne plus l'entendre du tout. Je ne sais pas où il est, ce qu'il fait, à quoi il pense. C'est normal, mais pas pour moi.
Je n'ai pas d'autre choix que de rester ici à l'attendre en espérant qu'il revienne avant l'aube.

Ça fait une heure qu'il est parti, je tourne en rond. J'ai de nouveau envie de me foutre en l'air, de me jeter sous une voiture ou de sauter d'un pont tout en sachant que ça ne servirait à rien.
S'il ne rentre pas, s'il a changé d'avis ou s'il ne veut plus me voir... qu'est ce que je vais devenir ?
Je t'en prie mon amour dis-moi où tu es. Evidemment, il ne répond pas. Je ne sais pas quoi faire, je vais exploser. Je me sens tellement mal que je me mets à hurler de rage. Tout a tremblé autour de moi, la fenêtre de la chambre s'est cassée, le miroir aussi.
J'ai encore des idées noires, j'ai cassé la fenêtre en criant. Dorian... est-ce que tu m'entends.
Merde ! Si je ne peux même pas me séparer de lui une heure, je suis foutu.
Je suis désolé Andrew... ils m'ont eu. Quoi ? Alors il m'a entendu ? Qui ça « ils » ? Où es tu ? J'espère qu'il n'a pas fait exprès de ne pas me dire ça avant...
Cette folle qui, soi-disant, voit tout et son petit soldat, je ne sais pas où je suis. Comment ils ont pu l'avoir comme ça ? Qu'est ce qu'ils t'ont fait ? Tu vas bien ? Je vais les trucider les uns après les autres. Je vais bien ne t'inquiète pas et, s'il te plait, évite les conneries.
Dis-leur où je suis, qu'ils viennent me chercher. Je veux savoir qui est cette femme, et ce qu'elle me veut vraiment. Je suis un appât pour eux, c'est ce qu'ils veulent. J'avais bien compris oui, ils vont le regretter. Je veux en finir avec ça, s'il te plait. Je ne vais pas les laisser me pourrir l'existence, et encore moins toucher à mon amour. Quoi qu'il arrive ne les laisse pas te faire de mal. Je n'aurais pas dû partir, je suis désolé. Comment lui en vouloir ? Je l'aime comme un dingue. Je t'aime, tu le sais ça hein ? Au cas où ça tournerait mal, au moins ce sera sur une bonne note. Je veux que tu me le dises en face.

~~~

Ils sont venus me chercher, je me suis laissé faire, et me voilà dans leur repaire trop propre. Linc est là, ça ne m'étonne pas. Il est à côté de cette femme, une grande brune habillée d'une longue robe noire et d'une grosse paire de lunettes de soleil. Elle a sûrement de vilains secrets qu'elle ne veut pas révéler. Alors c'est elle qui cherche la merde depuis tout ce temps...

- Où est-il ?
- Il va bien.
- Je peux savoir qui vous êtes ? Et surtout qu'est ce que j'ai bien pu faire pour ne pas mériter de vivre en paix ?
- Je m'appelle Luna, et je sais de quoi vous êtes capable.
- Vous voulez dire casser des fenêtres et fissurer des murs ?
- Vous savez très bien que ça ne s'arrête pas là, cet abruti de Linc ne s'est pas privé de vous le faire savoir.

Linc a baissé les yeux. Je préfère ne pas savoir ce qu'il pense ce con.
La pièce est petite et les murs gris sont peu accueillants. Ils m'ont saucissonné avec des chaînes contre une poutre en plein milieu de la pièce.

- Vous voyez vraiment tout ?
- J'ai votre transformation, vos capacités, cette relation particulière que vous entretenez avec celui qui vous a fait ça. Je sais qu'il est devenu vital pour vous, et que vous êtes capable du pire pour lui. C'est ce qui vous rend dangereux.
- Qu'est ce que vous voulez exactement ?
- Votre coopération.
- Pour ?
- Vous avez un pouvoir dont j'ai besoin, dont vous n'avez pas encore connaissance. On peut trouver un accord qui nous permettrait d'avoir la paix tous les deux.
- Vous avez mis nos têtes à prix et vous pensez que je vais vous aider ?
- Je n'ai jamais voulu votre mort, ni celle de votre ami. Je voulais juste vous retrouver. J'offrais un bon prix à celui qui vous trouverait, vivant.
- Sauf que vous avez fait l'erreur de le mêler à ça.
- Vous n'imaginez pas ce qu'il risque pour ce qu'il a fait.
- L'amour ça vous dit quelque chose, ou votre cœur est-il aussi noir que votre robe ?
- Ce sont des souvenirs bien trop lointains, mais là n'est pas la question. Vous allez coopérer ?
- Qu'est ce que j'y gagne ?
- Ça épargnerait quelques souffrances à votre rouquin.
- Faites attention à ce que vous dites. Je pourrais tous vous éliminer rien qu'en y pensant et ces chaînes ne sont que des accessoires. Vous êtes censé le savoir non ?
- Vous êtes peut être fort, mais lui ne l'est pas autant. Je suis sûre que vous ne voulez pas qu'on en arrive là.

Je ne supporte pas ça. Me menacer ça passe, mais toucher à ma seule raison d'exister, c'est différent.

- Très bien, vous avez gagné. Allez mourir, vous et toutes les saletés de vampires de cette ville.

Je n'en reviens pas d'avoir dit ça. Ils me regardent tous les deux sans rien dire, comme s'ils avaient vu un extra-terrestre. En quelques secondes seulement ils se sont écroulés sur le sol.
Merde, ça fonctionne vraiment...
La réalité me frappe en pleine poire, j'ai dit « tous les vampires de la ville ». La panique me gagne, dites moi que je n'ai pas fait ça...
Je casse mes chaînes et me jette sur la porte. Je l'ai décrochée du mur sans avoir pris le temps de voir si elle était verrouillée. Je pourrais essayer de lui parler comme tout à l'heure mais, s'il ne me répond pas ça ne fera qu'empirer les choses pour moi. Il va bien tant que je n'ai pas la preuve du contraire.
Je défonce toutes les portes sur mon passage. Il n'y a que des cadavres de suceurs de sang un peu partout sur le sol au milieu de ces murs gris, on pourrait se croire à la morgue.
J'ai l'impression de mourir encore une fois tellement je flippe. Je cherche encore et encore avec le peu d'espoir qu'il me reste, je crois même sentir des larmes couler sur mes joues.
Je finis par défoncer la porte d'une salle vide. Elle ressemble à celle où j'étais attaché il y a quelques minutes. Il y a la même poutre, avec les mêmes chaînes, mais elles ne tiennent plus rien. J'entends des choses, mais je suis incapable de dire si c'est dans mon imagination, si je deviens fou, c'est tellement flou.
J'entre dans la pièce et marche jusqu'à la poutre à la recherche d'une trace de son passage. Je crois que je commence à faiblir, tout est brouillé dans ma tête, comme si j'avais vidé mon stock d'énergie en quelques minutes.

- Andrew !

Je me retourne et l'aperçois, contre le mur, derrière la porte. Je ne rêve pas, il est bien là ?
Je me jette dans ses bras, comme si je le retrouvais après des jours.

- Tu vas bien ? Tu n'as rien ?
- Maintenant ça va oui, qu'est ce que tu as ?
- J'ai cru que tu étais mort, que je t'avais tué.

Il passe ses mains sur mes joues et me regarde avec ses gros yeux noirs. Je n'arrive pas à entendre ce qu'il pense, je ne perçois que des sons presque inaudibles. J'ai besoin d'énergie.

- Andrew, tout va bien, calme toi. Pourquoi tu m'aurais tué ?
- J'ai dit qu'ils pouvaient tous mourir, tous les vampires de la ville. Ils sont tous morts à cause de moi...
- Alors tu m'as loupé, peut-être une prochaine fois.
- Ce n'est pas drôle, j'ai eu la peur de ma vie.

Je ne sais pas par quel miracle il est encore vivant. Je n'ai plus envie de me poser de question sur ce qui me parait insensé.

- N'y pense plus, je n'ai rien.
- Je ne l'ai pas laissée me dire ce qu'elle me voulait, elle voulait qu'on fasse une sorte d'échange...
- Ce qu'elle voulait n'a pas d'importance, elle voulait se servir de toi. Je t'en parlerai quand tu seras calmé d'accord ?
- Je n'ai pas besoin de le savoir. Je n'ai pas supporté qu'elle te menace alors je lui ai dit d'aller mourir ?
- Ça c'était de ma faute, je suis désolé. Je lui ai conseillé de le faire, je ne voulais pas qu'elle se serve de toi comme d'un vulgaire objet.
- J'aurais pu te tuer aussi à cause de ça...
- Tu ne pouvais pas me tuer avant de m'avoir dit en face que tu m'aimes.
- Ne plaisante pas avec ça. Evidemment que je t'aime, je t'aime comme un fou.
- Moi aussi je t'aime Andrew, plus que tu ne l'imagines.

J'ai bien entendu ? Il m'a dit qu'il m'aimait... lui ? Je le savais, mais je pensais qu'il ne me le dirait jamais, il est tellement discret pour ce genre de choses.

- Avant que la situation ne devienne gênante, qu'est ce qu'on fait maintenant ?
- Maintenant... on peut commencer à vivre.

~~~ A suivre...

Un cœur éteint peut toujours aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant