Dorian

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L'attente m'est insupportable, je n'aime pas du tout lui injecter ce truc. Tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent me parait si doux comparé à la douleur que je ressens en ce moment. Mourir n'est rien, comparé à ça.

Il se réveille de la même façon que la nuit dernière, seulement là, il va bien plus mal. Il a du mal à respirer, comme s'il sortait d'un cours de Step. J'entasse des coussins pour le relever, il ne manquerait plus qu'il s'étouffe. J'ai l'impression d'avoir envie de vomir, et j'ai vraiment envie de pleurer, mais je ne peux pas, pour lui.

- Qu'est ce que tu as ? Je n'aime pas te voir comme ça.

Je ne peux pas lui répondre, je ne saurais même pas quoi lui dire. Je me contente de lui prendre la main et de rester près de lui, à le regarder. Il salut Linc de la main et se demande ce qu'il fait là sans vraiment s'y attarder. Il tourne la tête vers moi, je me sens tellement mal. Je ne connais qu'une seule solution. Si je ne veux pas le perdre, je dois le transformer. Ça me rend malade, je n'aime pas ce que je suis et je n'ai pas envie qu'il devienne comme ça, mais je ne peux pas accepter de le voir mourir.
Le pire c'est de savoir qu'il sait, il a compris qu'il était condamné, et quand il se pose la question mes doigts se resserrent sur sa main, sans que je puisse vraiment les contrôler. Il a sa réponse.
Je tente de lui exprimer ce que je veux, j'ai du mal mais il comprend vite. Il n'est pas contre si ça peut lui permettre de rester avec moi, mais je sais que ce n'est pas facile pour lui.

- Tu accepterais vraiment ça ?
- J'accepterais tout pour toi.

Il le ferait pour moi, comme tout ce qu'il a fait depuis notre rencontre, mais je ne suis pas rassuré pour autant. Je suis tétanisé à l'idée que quelque chose puisse mal tourner, si j'aggravais les choses, comme toujours.
J'évalue les risques auprès de Linc qui ne me rassure pas, ma tête va finir par exploser.
Andrew pense que je m'inquiète trop, et qu'il n'en peut plus, pour moi c'est tout ce qui compte.

Linc s'en va, me laissant une espèce de carte de visite au cas où. Je crois que c'est mieux comme ça, même si je ne le remercierais jamais assez pour son aide.
J'ai besoin de rester seul avec lui, même si je suis terrifié. Même dans cet état il pense encore et toujours à moi, il ne fait que m'élever, toujours plus haut.
Je passe au dessus de lui, il arrive encore à penser cochon alors qu'il ne peut même plus dire un mot. Je ne veux pas risquer qu'il ne soit trop tard.

- Je n'attendrai pas de te voir mourir.

Je m'approche de son cou, j'ai tellement peur pour lui. Je sais qu'il a confiance en moi, mais je ne sais même pas ce que je fais.
Je glisse ma main sur sa nuque, retenant sa tête. Je sens son cœur fatigué à travers sa peau, je me dis que bientôt, je ne l'entendrai plus, ça me fait l'effet d'un coup de poignard.
J'essaie de ne plus y penser et l'embrasse dans le creux de l'épaule, je le sens frémir. Je ne dois pas reculer, il faut que je le fasse. Je mords d'un coup sec cette peau que j'aurais préféré ne jamais avoir à blesser. Son sang caresse mes lèvres, c'est encore plus insoutenable que la première fois, mais je dois résister, et j'y parviens. Je relève la tête et le regarde, il a fermé les yeux.

- Andrew regarde moi.

Il ouvre les yeux, j'avais juste besoin de savoir que ça allait, à peu près. Je laisse délicatement tomber sa tête sur les coussins, j'aimerais tellement que ça se passe autrement.
Je ne sais pas si ça change quelque chose mais j'ai vu mon bourreau le faire pour me transformer, alors j'attrape un morceau de verre sur le sol et me coupe la main, j'aurai peut être dû choisir autre chose, mais c'est le plus pratique. Heureusement qu'une fois mort, on ne craint plus les bactéries, ce morceau de verre a sûrement une belle histoire.

- Reviens moi, j'ai besoin de toi.

Il lutte mais ses yeux se ferment, il ne sent plus rien, ça ne me rassure pas du tout. J'écoute son cœur, c'est de pire en pire, comme s'il s'arrêtait progressivement. Je ne réfléchis plus et fais couler mon sang sur ses lèvres, c'est peut être mieux qu'il soit inconscient, moi j'aurais préféré l'être.

C'est insupportable, son cœur s'éteint, peu à peu, et je reste là, impuissant, avec l'espoir de voir ses yeux s'ouvrir d'un moment à l'autre. Je donnerais tout pour revenir en arrière et l'empêcher d'entrer dans cette saleté de boite de nuit, l'emmener loin d'ici et juste profiter du temps passé avec lui. J'ai tout détruit, tout.

Je le soulève légèrement et renverse la pile de coussins pour l'allonger. Je m'allonge à côté et me serre contre lui. J'ai besoin de le sentir plus près de moi, je refuse de le lâcher tant qu'il n'a pas ouvert les yeux. Qu'il ne se réveille pas n'est pas une option. 

~~
Ça fait des heures que j'attends, des heures que je n'entends plus rien d'autre que le bruit de la ville au dessus de nous. Je ne me suis jamais senti aussi seul de toute mon existence, pourtant je l'étais vraiment, la plupart du temps. Je n'avais personne d'aussi important pour moi, c'est là toute la différence. J'étais stone à longueur de journée, je n'avais aucune attache dans ces conditions, j'avais juste besoin de ne pas penser, de ne rien capter.
Là je vois, je sais ce qui se passe, et ça a toujours été ma pire crainte. Ignorer le monde qui m'entoure m'a toujours semblé si simple, maintenant je sais que j'étais juste lâche et ignorant, j'aurais dû me battre.
Je ne veux plus rien ignorer, je ne veux plus oublier, je veux juste qu'il me revienne. Il a effacé toute ma rancœur, toute ma tristesse, grâce à lui j'ai appris que l'amour pouvait tout gommer, même les erreurs du passé.
Je garde espoir, je ne sais pas combien de temps ça a pris pour moi, mais je sais qu'il faisait jour quand je me suis réveillé, ça a bien dû prendre plusieurs heures. Je vais attendre encore un peu avant de me mettre à hurler et dépiauter tout ces affreux coussins crasseux, même si ce n'est pas l'envie qui me manque.

Je reste calme, toujours contre lui, sa main dans la mienne. Je suis incapable d'évaluer la température de son corps, je sens juste qu'il y a une différence. C'est affreux quand j'y pense, je suis couché contre le corps sans vie de l'amour de ma vie, parce que clairement, pour moi c'est ce qu'il est, il le sera toujours. J'oublie presque qu'en fait j'en suis un aussi, un corps sans vie. Au fond ce n'est pas si glauque.
Je pense à tout ce qu'on a vécu, tout ce qu'on pourrait encore vivre. Je sais que ce n'est pas la vie rêvée pour lui, ce n'est pas la vie qu'il mérite surtout, mais je jure que s'il se réveille je ferai tout pour qu'il ait la meilleure vie après la mort possible. Il a rendu la mienne tellement belle, je lui dois au moins ça.
Je rêve ou il serre vraiment ma main ?

~~~ A suivre...

Un cœur éteint peut toujours aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant