Un cœur éteint peut toujours aimer

Dorian

Je fais les cent pas dans la chambre, je ne sais plus quoi penser de tout ça. J'essaie de ne pas y penser.

- Il faut que j'aille faire un tour Andrew.
- Tu veux dire... tout seul ?
- Oui, j'en ai besoin.
- D'accord...

J'ai besoin de prendre l'air quelques minutes. Je ne veux pas le mettre de côté, je ne veux pas qu'il pense que c'est de sa faute, ce n'est pas le cas. Je ne lui en veux pas d'avoir tué ma mère, il a proposé de l'aider. Il faut que je réfléchisse à tout ça un moment, c'est tout.

Je déambule dans les rues de la ville lorsque je suis attrapé par les bras. On me couvre les yeux et je suis soulevé par 4 bras. Tout va très vite, je n'ai pas vraiment le temps de réagir. Je me retrouve attaché à une sorte de poutre en bois, ça me rappelle de mauvais souvenirs.

Je n'ai aucun repaire de temps, depuis combien de temps est-ce qu'il est seul ? Je ne veux pas l'inquiéter, je ne veux pas qu'ils le trouvent. Cette femme dont m'avait parlé Linc, cette voyante discount, se tient face à moi. Linc est là d'ailleurs, Andrew avait raison depuis le début.

- Linc... tu t'es bien payé ma tête.
- Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, je ne connaissais pas vraiment son projet.
- Quel projet ?

La femme en noir prend la parole. Elle semble déterminée, mais elle ne fait pas vraiment peur.

- J'ai besoin de lui pour quelque chose qu'il est le seul à pouvoir faire.
- Alors vous ne voulez pas le tuer ?
- Pas si je n'y suis pas forcée.
- Qu'est ce qu'il est capable de faire exactement ?
- Il ne le sait pas encore mais il n'est pas seulement capable de prendre la vie, il peut aussi la rendre.
- Il peut ressusciter les morts ?
- Pas seulement les morts, il peut me ressusciter moi aussi. Il peut mettre fin à toute cette souffrance et me rendre mon humanité.
- C'est impossible...
- J'ai besoin de vous pour le convaincre. Nous sommes nombreux à vouloir revoir le soleil, manger un vrai repas, vivre tout simplement.
- Alors vous voulez vous servir de lui comme d'une machine ? Et après ?
- Il est dangereux, vous devrez l'empêcher de nuire un jour ou l'autre.
- Vous n'êtes pas censé tout voir ?
- Je ne vois pas tout, seulement le plus important.
- Alors laissez moi vous dire que je le laisserai détruire le monde s'il le voulait. Tout ce qui m'importe c'est lui. Il ne faut pas compter sur moi pour l'empêcher de nuire comme vous dites.
- Et moi tout ce qui m'importe c'est de retrouver mon humanité.

On pourrait se croire dans un film. Comment peut-il être capable de faire la transformation à l'envers, ou de ressusciter un mort ? Je t'en prie mon amour, dis-moi où tu es. C'est lui, il tente de me contacter. Je ne peux pas lui répondre, je ne veux pas qu'ils se servent de lui. J'ai encore des idées noires, j'ai cassé la fenêtre en criant. Dorian... est-ce que tu m'entends. Ça recommence... je ne peux pas le laisser se faire du mal lui-même non plus. Je dois lui parler. Je suis désolé Andrew... ils m'ont eu. Je préfère lui dire la vérité sur ce coup là. Qui ça « ils » ? Où es tu ? Je ne sais même pas où je suis... Cette folle qui, soi-disant, voit tout et son petit soldat, je ne sais pas où je suis. J'ai besoin de le retrouver moi aussi, mais je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Qu'est ce qu'ils t'ont fait ? Tu vas bien ? Je me doutais bien qu'il allait encore s'inquiéter, c'est pour ça que je ne voulais pas qu'il sache. Je vais bien ne t'inquiète pas et, s'il te plait, évite les conneries.
Dis-leur où je suis, qu'ils viennent me chercher. Qu'est ce qu'il a dans la tête encore ? Il y a sûrement un autre moyen de se sortir de là. Je suis un appât pour eux, c'est ce qu'ils veulent. Je ne sais même pas s'il accepterait de faire ce qu'elle demande, c'est tellement irréaliste. Je veux en finir avec ça, s'il te plait. Je sais à quel point cette situation le met sur les nerfs, je ferai ce qu'il veut, mais je vais m'assurer qu'il ne perde pas. Quoi qu'il arrive ne les laisse pas te faire de mal. Je n'aurais pas dû partir, je suis désolé. Si je n'en avais pas fait qu'à ma tête, il serait toujours avec moi. Je t'aime, tu le sais ça hein ? Et encore une fois, il ne m'en veut pas. Moi aussi je l'aime, plus que tout, mais je veux pouvoir le lui dire en face. Je veux que tu me le dises en face.

- Si je vous dis où il est, et que je peux vous garantir qu'il se laissera faire, vous pouvez me promettre que vous ne lui ferez pas de mal ?
- Vous feriez ça ?
- Je sais comment faire pour qu'il accepte de faire ce que vous voulez. En échange, je veux que vous me détachiez, parce que je ne supporte pas les chaînes, ça me rappelle de très mauvais souvenirs. Et surtout, je veux que vous le laissiez partir après ça.
- Comment je peux être sûr que ce n'est pas un piège ?
- Vous ne pouvez pas, mais vous avez une meilleure option ?
- Comment je peux faire pour qu'il accepte ?
- Son seul point faible, c'est moi. Menacez moi, jouez avec ses sentiments, il fera tout ce que vous voudrez. Son but, c'est de me retrouver. Si vous allez le chercher, il se laissera guider, pour moi. Après ça, il n'y aura plus qu'à négocier.

Elle a accepté. Je lui ai dit où il était et lorsqu'elle a eu la confirmation que ses petits soldats l'avaient trouvé, elle m'a détaché. Je me retrouve seul dans cette grande pièce grise, sans fenêtre, mais loin de ces affreuses chaînes.
Je ne vais pas tenter de le contacter, je ne veux pas le distraire. Je n'ai plus qu'à espérer que mon plan fonctionne.
Si cette folle fait ce que je lui ai conseillé, ça va l'énerver. Au mieux, il ne fera pas ce qu'elle veut, au pire... il la tuera.
Il est plus fort que tout, je sais qu'il s'en sortira.

Le temps me parait tellement long. J'entends des voix, mais je ne comprends rien, on doit être trop loin. Je commence à ne plus rien entendre d'ailleurs, je commence à avoir faim.

J'ai entendu comme des corps qui tombaient au sol puis un fracas, comme si quelque chose venait d'être défoncé. J'en entends encore, de plus en plus fort, comme si ça se rapprochait. J'essaie de percevoir d'autres sons, mais je n'y arrive pas. Ça se rapproche, encore et encore. Je me colle au mur, vers l'extérieur de la pièce pour essayer de comprendre. Quelqu'un défonce les portes, ça ne peut être que ça.
Je n'ai pas le temps de me décoller du mur que la porte cède. Je n'ose pas bouger, je reste derrière la porte qui a failli m'écraser contre le mur.
Je ne mets pas longtemps à le voir marcher vers les chaînes, c'est lui, c'est Andrew.

- Andrew !

Il se retourne et se jette dans mes bras. Je suis tellement heureux qu'il ne lui soit rien arrivé.

- Tu vas bien ? Tu n'as rien ?
- Maintenant ça va oui, qu'est ce que tu as ?
- J'ai cru que tu étais mort, que je t'avais tué.

Je caresse son visage et cherche son regard. Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé, mais je n'aime pas le voir dans cet état. Il avait l'air paniqué, et je n'entends plus ce qu'il pense, plus vraiment.

- Andrew, tout va bien, calme toi. Pourquoi tu m'aurais tué ?
- J'ai dit qu'ils pouvaient tous mourir, tous les vampires de la ville. Ils sont tous morts à cause de moi...
- Alors tu m'as loupé, peut-être une prochaine fois.
- Ce n'est pas drôle, j'ai eu la peur de ma vie.

Peu importe la raison pour laquelle je suis encore debout, il doit bien y avoir une explication logique. On aura le temps de s'y intéresser plus tard.

- N'y pense plus, je n'ai rien.
- Je ne l'ai pas laissée me dire ce qu'elle me voulait, elle voulait qu'on fasse une sorte d'échange...
- Ce qu'elle voulait n'a pas d'importance, elle voulait se servir de toi. Je t'en parlerai quand tu seras calmé d'accord ?
- Je n'ai pas besoin de le savoir. Je n'ai pas supporté qu'elle te menace alors je lui ai dit d'aller mourir ?
- Ça c'était de ma faute, je suis désolé. Je lui ai conseillé de le faire, je ne voulais pas qu'elle se serve de toi comme d'un vulgaire objet.
- J'aurais pu te tuer aussi à cause de ça...
- Tu ne pouvais pas me tuer avant de m'avoir dit en face que tu m'aimes.
- Ne plaisante pas avec ça. Evidemment que je t'aime, je t'aime comme un fou.
- Moi aussi je t'aime Andrew, plus que tu ne l'imagines.

Je me sens idiot. Ce n'est pas dans mes habitudes de dire ce genre de chose. Je crois même que c'est la première fois que ça m'arrive. Je sais que je ne devrais pas avoir honte, je l'aime après tout, pourquoi serait-ce tabou ?
J'ai encore du mal à exprimer mes sentiments, quoi que je fasse, il faut que je change de sujet.

- Avant que la situation ne devienne gênante, qu'est ce qu'on fait maintenant ?
- Maintenant... on peut commencer à vivre.

~~~ A suivre...