M. Chapitre 72

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Chapitre 72
- Matthew -

In your eyes there's a heavy blue
One to love and one to lose
-Wolves by Selena Gomez

🔮J'attrape mes clés en vitesse grand V et me retrouve dehors une seconde après. Même pas le temps de bien vérifier si ma porte est fermée à clé que mes jambes s'actionnent déjà. Je cours vers l'adresse que m'a indiqué Rachel, je cours comme jamais je n'avais couru avant, comme si un démon me poursuivait. Tenant mon téléphone d'une main, je manque de le laisser tomber à plusieurs reprises, notamment lors des moments bousculade de personnes. Le vent caresse mon visage pour le rafraîchir. Je ne saurais expliquer pourquoi je me donne tant de mal. J'ai un mauvais pressentiment, la voix de Rachel m'ayant paru peu rassurée. Dès qu'elle a vu Justine partir allant mal au plus haut point, elle m'a contacté. Je suis parti immédiatement, attrapant mon manteau d'une volée et ne prenant pas le temps de mettre mes lacets.

Elle m'a dit que j'étais plus compétant pour la rassurer, ce que je doute. Après ce qu'il s'est encore passé, il va falloir qu'on s'explique avant qu'on se reparle normalement. Il se passe trop de trucs avec cette meuf et pourtant je suis toujours présent, comme un canard, pour lui lécher les baskets et satisfaire ses besoins. Mais après ce qu'il est arrivé à Kate, je me vois mal ne pas venir.

Pas le temps de plus réfléchir que j'arrive déjà en bas de l'immeuble d'où je monte les marches trois à trois pour aller le plus vite possible. L'immeuble ne date pas d'hier ; une petite odeur règne même du premier au dernier étage. Je ne consacre pas plus de minutes à l'analyse détaillée de l'architecture et pousse violemment la porte de l'appartement. Personne n'a l'air de s'en rendre compte. J'observe attentivement les possibilités qui s'offrent à moi. Mon sang ne fait qu'un tour, ma colère montant de plus en plus, l'adrénaline suivant par la même occasion.

Je m'agite à l'intérieur, remuant ciel et terre pour arriver vers la porte du couloir. Les gens dansent autour de moi, essayant de m'entraîner avec eux malgré mes hurlements. Je me sens comme un ours dans une cage dans un parc zoologique. Tout semble trop petit pour que je continue à respirer. Pourtant, malgré ma respiration saccadée et mes jambes ne pouvant pratiquement plus avancée, je continue d'ouvrir chaque pièce pour n'y trouver que du mobilier habituel. Une salle de bain, une chambre parentale. Le goût de cet appartement serait à revoir mais ce n'est pas à moi d'en juger...

Et enfin, sous mes yeux, j'aperçois un mec en train de foutre ses sales mains sur une fille. Je ne reconnais ni l'un ni l'autre, priant intérieurement pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve. Ce serait idiot et égoïste de dire que j'escompte que ce ne ce soit pas Justine. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser à elle. S'il lui arrivait quoi que ce soit...

A terre, un gars, une main sur sa bouche, l'autre en train de soulever son haut, il la regarde avec envie. Mon sang ne fait qu'un tour encore une fois. Je boue intérieurement, telle l'eau brûlante dans laquelle on met des pâtes Barilla. Pas sur que la métaphore soit adaptée...

Je me bloque un court instant, mes pensées dépassant mes actes. Je repense à ma mère et à tous ces mecs ramenés pour nous faire vivre. Je ne suis pas en train de dire que ma mère est une prostituée mais je la revoie encore sur son lit dans l'impossibilité de bouger, bloquée par un homme au dessus qui l'embrasse sans son consentement. Elle, se débattant. Et moi, dans l'embrasure de la porte à regarder la scène du haut de mes 8 ans. Je n'ai rien fait. Je me dis que je n'aurais rien pu faire, que d'un coup de main il m'aurait écarté. Et pourtant, je m'en veux. Terriblement. Je me demande si parfois elle y repense, si elle ne m'aime pas à cause de ça.

Je cligne des yeux une fois lorsque j'entends un nouveau petit son s'échapper de la bouche qui est en train de se faire tripoter. Je me jette sur le mec et le dégage de la chambre à coup de poings. Il ne tente même pas de se battre, sachant pertinemment qu'il n'y gagnerai rien. Je le regarde repartir dans le salon me demandant si je ferais mieux d'aller consoler la fille ou d'aller buter le mec.

En entendant un petit reniflement, je referme la porte et me retourne, pas très sûr de moi. Mon cœur se brise en mille morceaux en la voyant se recroqueviller sur elle-même. Ma bouche s'ouvre et je retiens mes larmes de couler, me rappelant de nouveau ma mère, sur le canapé, enveloppée dans un plaid qui regardait dans le vide. Je suis passé et je l'ai salué. Elle ne m'a pas répondu, la seconde d'après, en refermant la porte, je l'ai entendu fondre en larme et crier à l'injustice. Et je n'ai rien fait. Je suis parti à l'école, ne comprenant pas cette réaction.

-Ne me faites pas de mal, chuchote-t-elle en rentrant sa tête entre ses genoux en essayant de retenir ses pleurs.

J'écarquille les yeux et fais un pas vers elle. Lentement. Je ne voudrais surtout pas la brusquer. J'arrive à sa hauteur, ne sachant que faire pour ne pas augmenter sa peur. Peut-être faudrait-il qu'elle entende ma voix ?

Je m'agenouille, passe mon bras par dessus ses épaules et l'enlace. Elle sursaute légèrement puis s'apaise dans mes bras.

-Matthew ?

Sa voix affaiblie et pleine de chagrin me fend le cœur une deuxième fois. Je ne sais pas ce qu'elle pense en ce moment mais je donnerais tout ce que j'ai pour revenir dans le passée et effacer ce moment.

-Je suis là, ne t'en fais pas Justine.

Elle pleure sur mon épaule alors qu'on reste au sol à se câliner. Je passe ma main dans son dos, le caressant aussitôt. Une larme roule sur ma joue. Je la serre plus contre moi, enfouissant ma tête dans ses cheveux qui sentent le shampoing. Je lui embrasse le front ensuite puis la regarde dans les yeux en tenant toujours sa tête. Comme si elle allait tomber si je la lâche.

J'essaye d'analyser ses yeux mais elle repose immédiatement sa tête sur mon épaule. Je respire son parfum fruité si agréable, en essayant de calmer mon cœur qui ne trouvait rien d'autre de mieux que de m'envoyer des piques de douleur quand mon cerveau se mettait à ressasser le passée. Elle sent aussi la cigarette et l'alcool.

-Pourquoi le sort s'acharne sur nous ?, murmure-t-elle comme si elle se parlait à elle-même.

Comme simple réponse, je resserre mon étreinte, lui déposant un baiser qu'elle ne peut sentir dans ses cheveux.

And I need you to know that we're fallin' so fast
We're fallin' like the stars, fallin' in love
-Falling like the stars by James Arthur

NUMBER 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant