42. Les liens du sang sont des menottes.

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- De ton père ? répéta Eudora, les sourcils froncés.

J'acquiesçai lentement tandis qu'elle me contemplait d'un air curieux, ses yeux bruns braqués droit vers moi.

- Oui, de mon père, affirmai-je, c'est à cause de lui que j'ai croisé la route d'Evilash.

- Ton père, c'est le type qui a surgi dans la Scaremountain ? me demanda-t-elle. Le type qui t'a sorti des atrocités ?

J'acquiesçai d'un bref hochement de tête.

- Je ne l'ai jamais porté dans mon cœur, en réalité, je le détestais plus qu'autre chose.

- Ce n'est pas un père, marmonna Eudora, vu ce qu'il t'a sorti lorsque nous étions dans la Scaremoutain, je l'appellerais plus tortionnaire que père.

- A mes yeux, les liens du sang que nous partagions étaient plus semblables à des menottes.

- Et ta mère, elle était comme lui ?

- Ma mère est morte quelques mois après ma naissance.

Eudora ouvrit la bouche dans un ''oh'' muet, surprise. Elle resta silencieuse, semblant chercher ses mots, serrant les poings par intermittence. Je décidai donc de poursuivre, lui facilitant la tâche quant aux questions à poser.

- C'est parce qu'elle est morte que mon père était aussi toxique. Pour lui, c'était de ma faute. Ma naissance avait affaibli ma mère, qui était malade, et il me tenait pour responsable de sa disparition.

Je pris une pause, lâchant un soupir tandis que je passai une main dans mes cheveux.

- Je sais que mon père aimait énormément ma mère, les fois où il était plus enclin à la discussion, où il acceptait de me parler d'elle, je voyais qu'elle lui manquait. Il me la décrivait toujours comme quelqu'un de doux et d'aimant, ayant soif de liberté. La mort de ma mère l'a tué de l'intérieur.

- Ce n'est pas une raison pour t'en tenir responsable, grinça Eudora.

- Il a évacué sa colère et sa peine là où il le pouvait, et c'est tombé sur moi. Si Circé n'avait pas été là, je doute que je serais encore en vie aujourd'hui.

- Elle t'a sauvé de ton père ?

- Elle a fait ce que lui ne savait pas faire. Elle m'a tenu compagnie, est devenue ma première amie, ma première vraie relation correcte avec un autre être vivant. Elle a partagé ses repas avec moi alors que mon père ne prenait même plus la peine de me nourrir. Elle a soigné mes blessures, m'a offert un refuge lorsque mon père devenait trop violent.

- Ton père te battait ? s'horrifia Eudora.

- Souvent oui, avouai-je. J'en ai gardé des marques.

Eudora écarquilla les yeux.

- Tu as des cicatrices ? Pourquoi ne pas avoir demandé à un Guérisseur de les guérir ?

- Pas des marques dans ce sens-là, la corrigeai-je.

Eudora me lança un regard confus. Devinant qu'elle n'allait pas comprendre où je voulais en venir si je ne lui donnais pas davantage d'explications, je retirai ma veste à écaille, me retrouvant désormais en tee-shirt, laissant mes bras à nue. Mes tatouages encrés dans ma peau étaient désormais visibles et miroitaient lentement sur ma chair, laissant découvrir diverses formes.

- Tes tatouages ? s'étonna-t-elle.

- Ce ne sont pas des tatouages classiques, ils retracent ma vie, ce que je suis. Chaque fois qu'un événement important arrive dans ma vie, il est aussitôt retranscrit sur ma peau sous forme de symbole.

Obscuras Tome 2 : L'indésirable.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant