Chapitre 1

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Des années plus tard

Le Royaume de la Contrée Génésis avait toujours été un symbole de richesse et de puissance ; mais depuis que le Fourbe, qui se prénommait Stephen, s’était attribué la couronne, celui-ci avait perdu en valeur et en alliés. La réputation du Royaume s’était affaiblie ; le peuple n’avait jamais été aussi pauvre ;  une atmosphère sombre semblait peser sur les six Domaines et leurs habitants. 

Seulement, depuis quelques jours, le coeur de Stephen semblait pris de tourments, et son esprit, troublé, s'empoisonnait d’une seule et unique pensée.

Il avait deux fils, et bientôt, l'aîné, Richard, deviendra roi. Mais ce jour se rapprochait dangereusement ; il se faisait vieux et il avait été très affaibli avec la charge du Royaume. Seconde après seconde, il sentait son coeur ralentir, sa respiration se faire de plus en plus lente et douloureuse. Chaque soir, il luttait avec la mort pour qu’elle ne l’emporte pas. 

Richard était approuvé par son père, s'efforçant de lui ressembler en tout point et de suivre ses directives et ses façons de faire. À l’image de Stephen, il était cruel, violent, et intéressé. Il ne séjournait jamais bien longtemps dans la Contrée Génésis, régulièrement en voyage, en quête d’alliance, de pouvoir et de plaisir.

Seulement, le Royaume était soumis à une certaine loi, que même l’autorité de Stephen n’avait pu changer. Celle qu’il aurait voulut effacer stipulait ceci : “ Un héritier sera obligatoirement accompagné d’une aide - un conjoint, un membre de sa famille, un ami proche, ou tout autre personne en qui il ait confiance - pour accéder au trône ”.

Richard devait devenir roi, mais il serait impossible pour lui, son père, d’être cette aide. De plus, son deuxième fils lui était profondément désagréable et il ne souhaitait en aucun cas qu’il eût un quelconque pouvoir dans les décisions que Richard viendrait à prendre. Alors, il se mit en quête d’une femme convenable - sans arriver à trouver un parti intéressant ; suffisamment stupide pour avoir peur de son fils, suffisamment intelligente pour se taire et obéir.

Ne point arriver à trouver une femme, tel était le tourment de cet homme. Mais ce qui le terrifiait était l’idée qu’il meurt avant d’avoir marié son aîné, car dans ce cas, les villageois élisent leur souverain et son aide, départageant ainsi les successeurs. À son plus grand désespoir, Stephen savait mieux que quiconque que son deuxième fils était aimé des villageois, et que tous les espoirs étaient portés sur lui ; s’ils craignaient Richard et abhorraient Stephen, ils admiraient le coeur bon de Jefferson. 

Stephen le détestait ; oui, il haïssait son propre fils. Pour le simple et unique crime qu’il était particulièrement aimé de sa mère, et qu’il ne supportait point de voir qu’elle aimait intensément une autre personne que lui. Lorsqu’elle mourût, ce fils lui rappelait constamment l’absence de sa femme, et il en vint à ne plus supporter la présence de Jefferson.

Tourmenté par la quête d’une femme pour Richard, dépouillé de forces et de remèdes, et hanté par l’idée que Jefferson hérite de la couronne et perde la terreur et l’ordre qu’il avait créé dans la Contrée, Stephen ne trouvait même plus le sommeil.

C’est alors que, dépourvu de tout espoir, il se souvint d’une vieille amie. 


C’était une matinée d’avril. Une fine brise soufflait sur les roseraies, chassait les fins nuages dans le ciel clair. 

Stephen, appuyé sur le rebord de sa fenêtre, regardait ses jardins de roses - blanches, rouges, roses, noires, dorées ; et les haies immenses, recouvertes de somptueuses fleurs, emprisonnant le Royaume. Depuis que ses forces ne lui permettait plus d’aller dehors, il avait appris à apprécier la vue de ses jardins depuis sa chambre ; regarder les oiseaux voler, admirer les sommets des montagnes avoisinantes, et le vent soulever ses fleurs, étaient bien le seul divertissement qui l’empêcher de sombrer dans la folie. 

Dark RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant