Dark Rose

Chapitre 20

Cela faisait bientôt une demie-heure qu’Isallys attendait avec autant de patience que possible le retour de son ami. Elle tapotait nerveusement de ses longs doigts le siège sur lequel elle était confortablement assise ; et plus les minutes défilaient, plus l'angoisse lui serrait la gorge.

Elle jeta un vif coup d'oeil par la fenêtre, où, un peu plus tôt, après avoir enfilé une tenue décente et coiffé ses cheveux d'or, elle avait apperçut des soldats partir avec empressement, d'une marche ferme, pour s'enfoncer dans la forêt. Son coeur s'était alors mit à battre plus fort ; quelque chose se tramait, et elle pouvait le sentir jusqu'au plus profond de ses entrailles. Elle s’était tout de même décidée à attendre encore quelques instants, tentant de se persuader que les gardes n’avaient rien à voir dans cette histoire.

Mais au bout de cinq interminables minutes, elle ne pût s’empêcher de quitter la chambre pour se diriger vers celle du roi. Et c’est après avoir descendu plusieurs marches, traversé de longs couloirs, salué tous les serviteurs, qu’elle vit avec stupeur le roi Stephen lui-même, debout, en pleine forme, discutant ferveusement avec ses conseillers. Elle fut si surprise qu’elle ne bougea pas pendant un long moment, fixant cet homme qu'elle pensait mort comme on dévisage un fantôme. Après ce que lui avait raconté Jefferson, elle reconnaissait maintenant en Stephen les troubles déséquilibrés qu'il dissimulait. Mais, afin de ne pas attirer son attention, elle décida de jouer la carte de l’innocence. 

Elle s’avança rapidement vers lui et, quand il tourna le regard vers elle, lui fit un joli sourire troublé.

- '' Roi Stephen ! Vous êtes debout ! ''

Il sourit à son tour, attendri devant le visage de cette fille qu’il affectionnait, puis jeta un coup d’oeil sévère à ses conseillers, qui déguerpirent en vitesse après un geste de leur roi.

- '' Isallys, cela me fait vraiment plaisir de te revoir, articula Stephen, un sourire maladroit aux lèvres. J’avais oublier à quel point ton sourire était lumineux. ''

Il la regardait comme on regarde un être cher, comme un père regarde sa fille ; et si cette attention l'avait toujours gênée, elle ne s'était jamais sentie aussi mal-à-l'aise devant lui. Elle le cacha derrière une sourire rayonnant et une voix un peu trop aiguë. 

- '' Et je suis réellement ravie de vous revoir sur pieds. Les médecins ont donc trouvé un remède ?

- Non, pas exactement. ''

Il hésita, jeta un coup d'oeil discret derrière elle, avant d'ajouter, un peu plus bas :

- '' Disons que… c’est mon fils, Jefferson, qui m’a sauvé. ''

Faisant mine d'être à la fois extrêmement surprise et complètement ignorante, elle se demanda comment elle avait pu loupé la folie qui empoisonnait les yeux de Stephen. 

- '' Jefferson ? Il est de retour ? ''

Stephen l'observa un instant, mais ne voyant aucun hypocrisie dans ses traits si angéliques, il continua :

- '' Oui, mais c’est une longue histoire. Et maintenant que je dois reprendre mon rôle de roi, j’ai beaucoup de chose à faire. Mais je te promets de tout te raconter. ''

Il posa une main ferme sur son épaule frêle, mais elle se retint de ciller. Quelque chose n'allait pas ; dans sa voix, dans son visage, dans son regard. C'était comme s'il était étranger à son corps, jouant une scène qu'il connaissait désormais par coeur. Ses mots étaient trop fluides, trop bien choisis, trop alignés. Rien n'était naturel, dans sa démarche, dans sa façon de sourire. 

Il fit quelques pas et l'incita à le suivre, ce qu'elle fit docilement, vigilante. 

- '' Isallys, j'ai un projet te concernant. À vrai dire, il s'agit de toi, et de mon fils aîné, Richard. ''