Chapitre 5

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La veille, Calypso avait gracieusement guidé Jefferson vers une chambre où reposait un lit bien plus décent, quoique poussièreux du fait de son inutilité. Avec un délicatesse surprenante, Jefferson l’avait regardé étaler sur ses doigts abîmés un gel étrange avant de les bander dans du lin. Il avait proposé de se soigner seul, mais Calypso l’avait qualifié de “pas suffisamment doué” pour le faire. Décontenancé par l'inattendue douceur de cette étrange créature, il s’endormit, épuisé par le flot de ses questions.

Les lueurs de l’aube illuminaient tranquillement la chambre, perçant les vitraux, et vint la recouvrir d’une atmosphère chatoyante. Le jeune prince ouvrit des yeux encore endormis, les oreilles caressées par le chant attendri des oiseaux. Pendant cet instant, qui lui sembla durer des heures, il se contenta d’écouter leurs pépiements mélodieux, se forçant à oublier la réalité qui le frappera lorsqu’il décidera de se lever.

Puis, quand le soleil se retrouva si haut dans le ciel qu’il baignait la pièce de ses rayons lumineux, Jefferson n’eut pas d’autre choix que de briser cet instant de tranquilité. Il fut pris d’un vertige lorsqu’il voulut se redresser. Il s’arrêta un instant, fermant les yeux et les rouvrant, essayant difficilement de stabiliser la pièce qui tournait autour de lui. Quand il y parvint, son ventre rompit le silence en grognant ; il avait faim.

Lentement, il marcha vers la porte. A sa plus grande surprise, celle-ci n’était pas fermée. Il fronça les sourcils malgré lui : la veille, sa géôlière l’avait sequestré dans un endroit infecte, et maintenant, elle prenait soin de lui et le laissait même libre de se déplacer dans le manoir. Cela n’avait décidement aucun sens. Il passa le seuil de sa chambre, et marcha doucement le long de ses couloirs, passant devant des dizaines de portes fermées, en ouvrant même quelques unes, poussé par son imprudente curiosité. Ce qu’il y vit le fit profondèment réfléchir ; alors qu’au début, il avait pour objectif de trouver un moyen de s’échapper, il souhaitait maintenant rester un peu plus longtemps. Il avait toujours adoré résoudre enquêtes et casse-têtes, et l’énigme de la Bête le fascinait au plus haut point. 

La Bête. 

Comment avait-elle dit s’appeler, déjà ?

Ah, oui : Calypso.

Il parvint enfin à retrouver la grande pièce dans laquelle il avait atterit la veille. En se rappelant cet instant, la pensée de son père vint assombrir son esprit, rapidement chassée par la vue de Calypso, juste en face de lui. Elle était prise dans une lecture effrénée, sur un fauteuil, les pieds sur le dossier et la tête frôlant le sol. Bien trop absorbée par ce roman trépidant, elle n’avait pas encore remarqué son invité. 

Jefferson pencha la tête et ne put retenir un sourire presque amusé. 

- '' Tu as de bien drôles de façons de lire… '' soupira-t-il.

Calypso leva les yeux de ses pages et découvrit un Jefferson à l’envers. Elle sourit bêtement, et demanda innocemment : 

- '' Pourquoi ? Comment lis-tu, toi ? ''

Il haussa les épaules. 

- '' Je ne lis pas. C’est plus simple. ''

À ces mots, les yeux de Calypso s’arrondirent ; elle se releva, tomba lourdement sur le sol, et s’avança à toute allure vers lui, outrée, comme s’il venait de lui annoncer quelque chose d’invraisemblablement stupide.

- '' Tu ne lis pas ? répéta-t-elle, choquée.

- Non, je n’aime pas ça. Je trouve cela ennuyant, et la lecture prend bien trop de temps. ''

Calypsa pointa un doigt accusateur sous le nez de Jefferson. 

- '' Je devrais te bannir pour ce genre de comportement inadmissible, mais je t’ai déjà banni de chez toi en t’emmenant ici, alors… ''

Dark RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant