Chapitre 23

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- '' Peuple de Génésis, aujourd’hui, votre roi va éliminer définitivement la créature qui vous menace depuis tant d’années ! Enfin, vous n’aurez plus à avoir peur du monstre qui rôde dans nos rues, saccage nos maisons et volle nos biens ! ''

Stephen, définitivement possédé par sa folie et sa haine, continuait son discours de mort en espérant attiser la colère des milliers de personnes qui l’écoutaient et qui arrivaient encore. Cependant, même si tous connaissaient la réputation de la Bête qui hantait le Septième Domaine, ils savaient tous mieux encore à quel point leur souverain pouvait être fourbe. Alors, ils écoutaient attentivement ses paroles venimeuses et acerbes, sans qu’aucun n’est réellement le courage de croire en leur véracité. Pour être honnête, une bonne partie se demandait plutôt comment avait-il fait pour être de nouveau sur pieds, alors qu’il y a quelques jours à peine, on annonçait sa mort éminente.

Stephen, du haut du balcon royal, surplombait les têtes intriguées par son discours. Même s’il continuait de vociférer d’une voix ferme et forte, il avait remarqué tous ceux qui parlaient entre eux, et n’eût aucune peine à deviner leur sujet de discussion. Seulement, il était tant pris par sa proclamation qu’il ne trouva pas le moyen de s’arrêter reprendre ses esprits. Alors, il continua, pendant encore un long moment, avant de s’arrêter brutallement, ramenant enfin le silence dans la foule qui se demanda pourquoi s’était-il subitemment tût.

- '' Mes amis… tonna-t-il d’une voix suave et perfide. Aujourd’hui, je vous offre la tête de notre ennemi commun. Ammenez la Bête ! ''

À ces mots, une porte claqua. Des voix s’exclamèrent. On se bouscula. Des soldats reculèrent. Une agitation étrange frappa quiconque se trouvait en ces lieux. 

Stephen se tenait sur le balcon et c’est en-dessous que se trouvait la petite estrade gardée par des soldats où s’éxecutait habituellement les mises à mort. Il ne vit donc pas Calypso, mais se figea en découvrant les visages ahuris et bouche bée des villageois et des gardes qui s’écriaient et chuchottaient entre eux. N’étant pas vraiment la réaction qu’il attendait, il se pencha pour découvrir le sujet de cette stupéfaction. 

En effet, il avait promis une Bête. Mais la personne qui se tenait debout, fière, le menton levée, sur l’estrade de pendaison, n’était nulle autre que Calypso. 

La princesse Calypso. 

Elle toisa de ses prunelles scintillantes chaque regard qui osait les croiser avec un sourire féroce, et tous s’écartèrent pour la laisser passer. Un éclatement sourd retentit sous leurs pieds lorsque les siens touchèrent l’estrade. 

- '' J’ai entendu dire qu’on devait pendre une Bête ? commença-t-elle d’une voix puissante, qui grondait comme le tonerre et résonnait plus loin. Très chers, la voici ! ''

Dans un geste théâtrale, elle ouvrit subitement les bras pour se présenter. Elle savait qu’on la reconnaitrait. Nul ignorait son histoire ni son visage ; et même si elle n’était plus l’enfant qui avait disparu six ans plus tôt, ses traits ressemblaient tant à ceux de sa mère qu’elle ne douta pas un seul instant de la confiance du peuple en ses paroles. 

- '' Avant qu’on me pende, je tiens à me présenter… ''

Elle fit une rapide pause, et s’autorisa un regard vers Jefferson qui, le regard plein d’admiration, la poussa à continuer d’un geste de la main, en souriant devant son sens du spectacle. Quand elle pencha la tête pour reprendre, son regard perçant et inébranlable fixait les pairs d’yeux incrédules qui la regardaient.

- '' Je suis Calypso de Génésis ! Fille du Roi Henry de Génésis, septième du nom ! Et de sang royal, je revendique le trône qui me revient de droit ! ''

Une huée de brouhaha suivirent ses paroles et l’écho des milliers de personnes fit vibrer le sol. Elle se mit alors à raconter brièvement ce qui lui était arrivé, pour que le peuple de Genesis ait enfin les réponses à leurs questions. Elle commença par sa maladie, des années auparavant, soignée par le Fourbe, puis l'assassinat de son Père et la prise de pouvoir de Stephen. Et, déçidant de passer sur les détails, elle expliqua simplement que sa rencontre avec Jefferson l’avait aidé à se libérer. Chacun de ses mots faisaient l'effet d'un coup de fouet et paralysait un peu plus Stephen dans la terreur. 

Personne ne remit en cause son histoire, connaissaient mieux que personne la cruauté du roi, et bien trop heureux de retrouver dans les expressions et les paroles de Calypso ceux de sa mère bien-aimée. 

Aussitôt, on se mit à crier contre Stephen : 

- '' Pendez-le !

- Brulons-le !

- On va lui faire regretter tout ce qu'il nous a fait subir ! ''

Et parmi ces paroles, on entendait, bien plus fort que les autres, ces quelques mots qui planaient, et qui se répétaient constamment :

- '' Vive notre Reine Calypso ! Vive notre Reine Calypso ! ''

Quand il entendit ces exclamations, Stephen faillit vomir, et fit volte-face, affolé, avant de descendre précipitamment les marches pour s'enfuir. Mais il avait oublié la présence de son fils ; et son air glacial le frappa quand il le vit, bien droit, à la tête d’une douzaine de soldats qui pointèrent ses armes sur lui dès qu’ils le virent, le stoppant dans sa course. Aussitôt, il tomba à genoux devant lui, face contre terre et, pitoyable, supplia :

- '' Mon fils… ''

Jefferson regarda son visage consumé par la folie et s’accroupit pour poser une main sur l’épaule frêle de son père, avant d'articuler :

- '' Tu vas devoir faire face aux conséquences de tes actions. ''

Stephen se mit alors à pleurer ; il ressemblait à un enfant qu’on venait de gronder. Jefferson se redressa et ordonna aux gardes de le saisir, qui hésitèrent un instant avant d’obéir suite à un geste de la main de leur Capitaine. La troupe saisit le roi déchu en le soutenant puisqu’il ne parvenait plus à tenir sur ses jambes, et c’est pris de secousses qu’on l’emmena dehors. 

Jefferson fut pris de vertige en voyant son père disparaître, et s’assit sur les marches en se passant les mains dans les cheveux. Une vague de fatigue le submergea ; il était harassé. Et même s’il se disait que Génésis aurait désormais un bien meilleur souverain, son coeur ne put s’empêcher de se froisser à l’idée qu’il venait de trahir sa famille. Il ne savait plus s’il devait se réjouir pour Génésis, ou culpabiliser pour avoir envoyer son propre père en prison.

Comme s'il avait pensé à voix haute, le Capitaine de la garde, qui était resté, vint lui tapoter l’épaule d’une main ferme et rassurante.

- '' Bravo, petit. Tu as fait ce qu’il fallait. ''

Il inclina respectueusement la tête et ses yeux noisettes traduisaient une sincère estime. Jefferson fit de même pour le remercier de son soutien

- '' Fabien ! ''

Le Capitaine tourna la tête, puis, muet, demanda en un regard vers Jefferson si ça irait pour lui. Après un hochement de la tête, le dénommé Fabien alla rejoindre les hommes qui avaient besoin de son aide pour retenir la foule déchaînée et protéger Calypso de l’agitation.

Jefferson se releva et se dirigea vers la fenêtre la plus proche pour voir la situation. Et, alors qu’il s’attristait en attendant la foule souhaiter la mort de son père, la voix de Calypso tonna et surpassa les cris qui se turent subitement : 

- '' Plus personne ne sera exécuté ! Stephen sura emprisonné et jugé pour ses actes !... ''

Et il regarda plein de fierté la femme qui allait devenir la Souveraine de Génésis.

Dark RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant