Calypso n'avait pas bougé depuis qu'il était parti. Adossée au vieux mur, son esprit semblait flotter dans l'air, extérieur à ses pensées, et elle se vit, les yeux vides perdus et noyés dans le vide, le coeur brisé par les déceptions et les angoisses. Sa voix résonnait dans ses tempes, lui crachant remords et regrets. Elle aurait aimé pouvoir étrangler sa conscience, la faire disparaître, l'enfouir jusqu'aux tréfonds des ténèbres, et, avec une violence haineuse, la faire taire.
Si la Mort se présentait à elle à l'instant-même, elle aura accepter avec un sourire soulagé la délivrance qu'elle lui proposait ; mais, atterrée, incapable de quitter le présent monde, ni d'y rester, elle continuait de vaciller entre ses songes tortionnaires.
Les secondes s'écoulaient avec une lenteur désarmante ; ces quelques heures de solitudes lui semblaient être des jours. Ses erreurs la dévoraient, et, comme pour lui rappeler les conséquences désastreuses de celles-ci, elle pouvait sentir le sourire narquois du monstre en elle, et elle se maudissait. Elle maudissait cette part d'elle-même, cette Bête, cette créature sans coeur ni sentiments ; mais elle maudissait avec une rage décuplée sa propre personne, possédée par l'angoisse d'aimer, et de se tromper à nouveau.
Baissant des yeux ternes pour observer la rose qu'il lui avait offerte, elle la détailla à nouveau. Elle admira ses pétales sombres, ténébreux, et pourtant si doux, si glorieux, si splendides. Elle passa ses doigts sur la tige, sans même sentir les épines cruelles qui déchiraient sa chair. Une goutte de sang glissa le long de son majeur et vint tinter le sol, à l'image sadique de la larme qui coulait sur sa joue. Elle caressa tendrement la rose en humectant son parfum - retrouva, durant une infime seconde, l'odeur de celui qu'elle aime. Mais alors que ses yeux commençaient déjà à se détacher de la fleur, les rayons du soleil se refletèrent sur ses pétales et un sillon aveuglant ramena l'attention de Calypso. Elle remarqua alors l'imperceptible lueur qui se dégageait du coeur de la rose, et elle put enfin observer, semblable à une étoile rayonnante, son coeur doré.
Elle n'entendit pas le vacarme des soldats royaux fracasser la porte et s'introduire dans son manoir en poussant des cris fielleux. Elle ne les vit pas dévaster la pièce avant de se ruer brutalement sur elle. Elle ne sentit pas les coups sauvages de presque vingt hommes sur son corps qui se cambrait à chaque choc, ni le goût cuivré du sang dans sa bouche.
On la prit par les bras et la traîna, à même le sol, en chantant victorieusement l'extermination de la Bête ; mais elle demeurait comme inconsciente, sans éprouver les gravillons érafler son dos dans une atroce souffrance et les pierres cogner durement ses jambes engourdies. Elle ne sentit pas non plus sa tête heurter sévèrement le sol ni le craquement qui s'en suivit quand les soldats la lâchèrent.
La rose...
Jefferson lui avait donné cette rose parce qu'elle lui ressemblait, à elle. Oui, il avait su voir en cette fleur la même chose qu'en Calypso.
Une approche sanglante.
Une âme sombre.
Mais un coeur pur.
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Dark Rose
FantasyIl était une fois, dans un royaume appelé Génésis, une Bête, condamnée à rester le monstre qu'elle était devenue. Mais un jour, le roi de Génésis - l'homme qui l'avait maudite - lui demanda un service. Pour enfin tenir sa vengeance contre celui qui...