Coup Monté (terminé)

1- La rencontre

Tout commence par ce fichu déménagement, organisé à la dernière minute. Maman a finalement accepté cette fameuse promotion qui ne peut que nous donner une vie meilleure, cependant différente de l'ancienne.

Il m'est impossible de lui en vouloir, elle n'était plus heureuse dans cette ville qui lui servait d'abattoir permanent. Chaque jour l'achevait un peu plus, coincée dans son enfer personnel, entre problèmes familiaux et professionnels.

Tout ça depuis qu'il nous a abandonné. Maintenant il n'y a plus que nous deux contre le reste du monde.

Étant arrivée il y a quelques jours et avec le peu de cartons que nous avions, tout a été rapide à déballer. Mes vêtements sont fraîchement pliés de la veille dans ma commode, rien ne traîne sur mon bureau si ce n'est mon sac de cours.

La maison est silencieuse, seul le bruit des voitures passant toutes les minutes ne plonge pas le quartier dans un silence total. Je suis affalée sur mon lit, bouquin en main, mon esprit divaguant entre chaque lignes. La lumière éclaire mon visage et l'ombre de mes cils se reflète sur le papier.

Mon quartier n'est qu'une étendue de personnes âgés, assises sous leurs porches, muni d'un café. Et ça, dès l'aube. Ces couples me rendent triste, ils me font penser à mes parents, quand ils étaient plus inséparables que jamais, encore amoureux.

Sans m'en rendre compte une photo de nous trois est pincée entre mes doigts. Un pincement au cœur comme à chaque fois m'envahit, suivi d'une once de culpabilité. Si il n'est plus ici ce n'est pas sans raison, il y a bien une explication. Et celle-ci me déchire de l'intérieur rien que d'y penser.

*

Comme prévu à sept heure mon alarme se déclenche. Je m'étire puis m'assied en tailleur, frottant mes paupières fatiguées comme une enfant. Un pli vient se loger entre mes sourcils et mes yeux essaient de s'adapter à la luminosité. Mes cheveux sont en batailles et ma bouche est pâteuse.

Le sang bat dans mes tempes et les pensées négatives se bousculent dans ma tête. Dans mon ancien lycée je n'ai jamais eu de problèmes de mauvaises fréquentations, de mauvais comportements, et je ne vois pas pourquoi ça commencerais maintenant. Mais une petite voix n'arrête pas de me crier qu'il y a un début à tout.

Je fixe ma fenêtre donnant vu sur la rue, et ce que je vois ne m'étonne pas. Même tôt le matin, les habitants de cette ville sont d'attaques. Une femme fait un jogging accompagnée de son labrador. Un homme proche de la cinquantaine, passe la tondeuse sur sa pelouse d'un vert éclatant. Et une vielle dame aux cheveux gris exécute une promenade matinale, sûrement régulière.

Je traîne des pieds jusqu'à la salle de bain, me douche, m'habille d'une tenue légère accompagnée de mes éternelles converses. J'applique une couche de mascara sur mes cils du haut et du baume sur mes lèvres. Je laisse mes cheveux bruns tomber en cascade sur mes épaules. La mine légèrement sombre et le teint blême, je soupire d'exaspération et abandonne toute modification à améliorer mon apparence.

Je descend les escaliers avec, à chaque mouvement, un peu plus envie de prendre le premier avion et de retourner d'où je viens. Chaque seconde j'appréhende un peu plus, tellement qu'à chaque battement de cœur, celui-ci menace de lâcher.

La maison résonne à chaque claquement de semelle sur le parquet, je suis seule. Si la promotion a de bon côtés, tel que le nouveau salaire de ma mère, elle a aussi des inconvénients, comme ses horaire. Elle démarre sa voiture quand mon réveil sonne, ne nous laissant pas de chance pour se saluer autrement que par SMS.

Moi qui suis habituellement un estomac sur patte, je dois dire qu'aujourd'hui rien ne passe, pas même mon jus d'orange. Je pèse le pour et le contre, dois-je me forcer à prendre une tartine quitte à mal la digérer ou emporter quelque chose ? Le choix est vite fait, un sandwich est rapatrié dans mon sac la seconde qui suit.