Coup Monté (terminé)

23- Le chant des grillons

L'humidité du lac rafraîchi la température et nous fait trembler de froids. J'enfile une deuxième veste sur mes épaules, attendant patiemment qu'Hunter réapparaisse avec son briquet. Des rondins de bois sont posés autour du foyer, je m'y installe aux côtés des filles. Jake et Nash se balancent un ballon ovale à moins de dix mètres d'intervalle.

Nous restons silencieuses et les observons. Les cheveux bruns de Jake sont coupés courts et pointent sur son crâne. Les boucles de Nash retombent sur son front lorsqu'il saute pour attraper le ballon.

Hunter fait craquer des brindilles lorsqu'il réapparaît, sortant des bois sombres et nous sursautons. Il tient dans ses mains un pack de bière et une glacière. Il les déposent près des rondins de bois, s'agenouille devant le foyer et sort de la poche arrière de son jean un briquet bic rouge. Il fait rouler son pousse sur la mollette et une flamme s'en échappe. Il la laisse flotter quelques instants devant ses yeux avant d'enflammer les morceaux de bois que nous avons préalablement déposés dans le foyer.

Olivia penche ses mains au-dessus des braises qui prennent feux, gelée. Hope l'imite. Je reste immobile, le regard perdu dans les flammes qui s'intensifient devant mes yeux. La chaleur que propage le feu de camp après quelques minutes vient chatouiller le bout de mon nez.

Nash envoie le ballon à Hunter, qui s'est assit sur le rondin en face de moi, les flammes nous séparant. Il le rattrape d'une main agile et le pose à ses pieds, le visage fermé. Les deux garçons nous rejoignent, amusés.

-Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? Demande Olivia, les mains toujours perchées au-dessus du feu.

-D'abord, on trinque, clame Nash en attrapant des cannettes de bières et en nous les tendant, jetant celle d'Hunter par-dessus les flammes.

J'observe la mienne, réticente et l'ouvre. Je bois une gorgée, grimaçant au contact du liquide amer.

-Non mais j'hallucine ! S'exclame Olivia en me fixant. Tu bois, toi maintenant ?

Je hausse les épaules, posant la cannette à mes pieds.

-Le soir où tu l'as rencontrée, elle venait de boire au baril, lui rappelle Hope.

-C'était marrant, ajoute Nash.

Ils enchaînent la conversation sur la dernière fois qu'ils sont venues ici, le temps, les délires, les souvenirs, je me sens de trop. Je pose mes coudes sur mes genoux et les regardent sans les écouter. Les crépitements des flammes s'ajoutent à leurs paroles et me bercent.

À travers le feu, j'aperçois la silhouette d'Hunter, effacé dans la nuit noire. Il a opté pour la même position que moi, les coudes sur les genoux et la tête posée sur ses poings. Ses yeux sont perdues dans les flammes, absorbé par des souvenirs lointain. Sa canette de bière est posée à ses pieds, fermée.

Le voir ainsi, à travers les flammes dansantes, me rappel le feu de bois d'il y a quelques semaines. Lorsque nous ne nous étions encore jamais adressés la parole, excepté son « félicitation », et qu'il nous avait raccompagnées chez Olivia. Ce soir là, il était assit en face de moi, comme maintenant, détaché et ennuyé par ce qu'il se passait autour de lui. À ce moment, c'était le Hunter renfermé.

Sans m'en rendre compte, je le fixe sans discrétion. Il relève les yeux vers moi, me faisant louper un battement de cœur. Ses sourcils son froncés, ses lèvres pincées et ses cheveux emmêlés. Rien d'inhabituel.

Nos yeux se scellent, réveillant en moi un brasier de colère et de désir. Ma bouche s'entre-ouvre, mes poumons manquant d'air. Mes joues s'échauffent, face à la dureté de son regard. Ses yeux me sondent froidement, malmenant mon estomac.