Chapitre 15 : Des propos déstabilisants

588 95 0
                                    

Après une longue journée à la radio, j'allai rendre visite à mes enfants chez ma cousine Ndèye Bineta. Ils me manquaient tellement et il fallait que je leur explique les raisons pour lesquelles je passais en direct.

Ndèye Bineta était notre cousine germaine. Sa mère était la petite sœur à la mienne. Elle avait cinq enfants et nos enfants adoraient squatter chez elle car il y avait une très bonne ambiance. Ma cousine est une femme très forte. Elle a été excisée à l'âge de cinq ans. Ma tante était une femmes soumise et avait laissé sa belle-sœur faire le sale boulot sur demande de son mari.

A l'âge de 17 ans, Ndeye Bineta fut mariée à de force à un ami de son père qui tomba sous son charme. C'était un riche commerçant qui avait promis à ma tante et à son mari de refaire entièrement ce qui leurs servaient de domicile à ses frais. Ce qu'il fit bien sûr après avoir épousé ma pauvre cousine.

Ndeye Bineta passait ses nuits à pleurer. Elle en voulait tellement à ses parents. Elle eut son premier enfant à l'âge de 18 ans et son mari décéda deux ans plus tard. Toutes ses cicatrices finirent par la changer en une personne rebelle. Elle ne se laissa plus faire. Elle eut la chance de rencontrer Lamine, un émigré qui fut immédiatement épris d'elle.

Il voulut faire d'elle son épouse mais il fut contraint d'attendre la fin de son deuil. Au début, les parents de Binou, on la surnomme, n'étaient pas pour mais ma cousine s'imposa. Elle en était follement amoureuse.

C'était la toute première fois qu'elle connaissait ce sentiment. Après tout, elle avait été contrainte d'épouser très jeune quelqu'un qui avait l'âge de son père et quelqu'un pour qui elle n'éprouvait pas le moindre sentiment. Binou se maria donc avec Lamine...

Ils ont aujourd'hui cinq enfants dont celui issu de son premier et filent le parfait amour. Ce dernier fait des va et vient entre Dakar et Barcelone et a ouvert à sa femme une boutique de prêt à porter à Dakar qui marche très bien. Binou sait que malgré le fait que de nombreuses associations continuent de se battre contre l'excision, de nombreuses familles continuent de pratiquer cette mutilation génitale féminine ; Désireuse d'également contribuer à cette sensibilisation, elle a donc mis sur pied une association et continue de sensibiliser autour d'elle afin que cette vieille pratique soit définitivement éradiquée.

Je suis tellement émue quand je la vois sourire. Qui peut deviner qu'elle a enduré toutes ces horreurs ? Elle n'a jamais baissé les bras pour autant. C'est tout simplement épatant. J'aurai aimé avoir sa force, son courage.

Mais je suis tout simplement son contraire. J'ai une grande gueule, sans plus. J'essaie de faire croire à tout le monde que je suis forte, que je ne suis pas du genre à stresser, que je ne prends rien trop à cœur, or c'est faux.

Je suis une femme très fragile. Je panique et pleure très vite, même si je fais tout pour le cacher. Ce n'est pas ça le pire, le pire c'est que j'ai peur de la solitude. Je ne supporte pas la trahison. J'ai cru que j'allais mourir le jour où j'ai vu Jules et sa stagiaire devant ce restaurant où nous étions censés dîner. J'ai commencé à avoir froid alors qu'il faisait chaud. Je respirais fort. J'avais de fortes palpitations. J'avais envie de crier de douleur. Cette nuit-là, je n'avais même pas réussi à dormir. J'ai vidé toutes les larmes de mon corps, je n'avais même plus d'appétit.

Quand j'arrivai chez Binou, sa femme de ménage m'ouvrit avant de m'installer au salon, le temps d'aller chercher ma cousine en haut.

Binou descendit très bien habillée, comme d'habitude :

Elle n'avait jamais fait les bancs mais adorait parler son français, même si elle faisait des tonnes de fautes. Le plus drôle c'est qu'elle s'en foutait royalement :

Haute trahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant