8. Silence

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Contrairement à ce que je m’imaginais, il n’y eut que peu de personnes dans le bus que fréquentait la demoiselle qui hantait l'intégralité de mon être. J’eus beau regardé tous les coins et recoins de cette carcasse de fer dénuée de tous sens sans vie humaine, je ne pouvais en voir que quelques unes lui donnant un tant soit peu de logique dans ce monde de décadence : sans compter le conducteur, nous devions être cinq personnes à le fréquenter, malgré l’heure de pointe dans laquelle nous vivions. Cela me surprit à tel point que je regardai une nouvelle fois ma montre lorsque ma camarade se dirigea vers la machine lui permettant de payer son ticket. Cependant, je constatai que j’avais bel et bien raison : personne a part certains privilégiés finissait par arpenter le couloir sinueux de ce véhicule, malgré tous les facteurs pouvant s’adresser en sa faveur. Cela me fit titiller maintes et maintes fois, lorsque les doigts d’Etoilée touchèrent certaines parties de l’écran de cette boite à laquelle elle indiquait sa destination : pour qu’il n’y ait aussi peu de monde, où allait-elle donc tous les jours ? Où étudiait-elle ? Ou alors, où travaillait-elle, que faisait-elle dans la vie ?

J’aurai pu regarder sur l’écran ce qu’elle s’appliquait à écrire du bout de ses doigts délicats et légèrement enrobés à la fois. Cependant, mes questions avaient pris une telle place, me laissant proche d'une possible crise de nerf où je rirais à en pleurer de tristesse, faisant passer cela pour de la joie en souriant comme un enfant de dix ans, que je ne pouvais plus réfléchir à comment agir pour trouver des réponses à mes nombreuses demandes. Je ne pouvais qu’essayer de me calmer, pour espérer retrouver mon intégrité physique et psychique par la suite. Alors, je fixais Etoilée, l’admirais, la sentais, encore et encore. Mais même si cela ne m’avançait en rien, je devais admettre que cela avait le don de me rendre plus doux, plus sucré, moins amer, moins acide, me donnant ainsi un goût plus agréable, pour moi, comme pour les autres.

Cela me permit alors d’ouvrir mes lèvres, sachant que je ne perdrai ni ma voix, ni celle se dirigeant droit vers le coeur de mon amie, en cours de route. Ces quelques mots sortirent donc alors qu’elle était visiblement entrain d’acheter un deuxième ticket pour ma simple et mélancolique personne :

-          Où est-ce que l’on va ?

-          On va où je travaille, mon petit gars.

Elle glissa quelques pièces dans les petits trous prévus à cet effet, et lorsqu’elle vit que je cherchais mon porte-monnaie pour rembourser ce qu’elle avait payé pour ma place, elle me mit une petite tape sur la jambe, qui me fit une nouvelle fois un électro-choque. Je ne voulus pas le lui montrer, cependant, elle le constata, car elle rit en me fixant bizarrement quelque peu. Je fis comme si de rien n’était, et je n’eus pas besoin de lui faire comprendre qu’elle n’avait pas répondu ce que j’attendais pour qu’elle m’explique :

-          Je suis infirmière dans un hôpital psychiatrique.

 Pour la première fois depuis le début de notre discussion, un véritable silence lourd s’installa entre nous. Je ne savais que répondre à cette affirmation, qui venait complètement de me retourner : peut-être que finalement, elle n’était pas si dupe, et savait que j’avais un problème. Mais elle avait l’air d’aimer les problèmes, et de vouloir les résoudre. Alors, peut-être que sans me soigner, elle saurait me sauver. 

Douce Etoilée // z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant