10. Votre main

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-          Zayn… marmonne-t-elle. Ce n’est pas aussi simple que cela.

Je me compris pas le ton qu’elle utilisa, lorsqu’elle m’arrêta d’un geste de la main. J’avançai dans sa direction lorsqu’elle tendit sa paume contre moi, heurtant ma cage thoracique, ayant pour effet de me bloquer immédiatement, comme paralysé par son contact. Mais non pas par la beauté de ce mouvement, comme à son habitude, mais par sa froideur cette fois-ci. Alors qu’elle avait toujours usé d’une voix douce, amicale, et joviale en ma présence, malgré les nouvelles qu’elle pouvait parfois y faire passer, elle avait désormais une tout autre manière de me parler : un mix entre de la pitié et de l’agacement, de la tristesse et de l’énervement. Comme si elle compatissait à ma douleur, autant qu’elle la trouvait ennuyante. Comme si elle me comprenait, sans que je ne puisse la comprendre. Je ravalai ma salive, alors qu’elle baissa les yeux sur ses chaussures,  essayant de retrouver son calme, surement, habituel, qui faisait sa beauté d’âme. Mais elle n’avait pas l’air de l’avoir retrouvé lorsqu’elle commença:

-          Zayn, tu as des problèmes, oui. Je n’ai pas besoin de te connaitre plus que ce que je te connais, et ce n’est pas encore des masses, pour le constater et te le tendre sur un plateau comme un fait. Je suis d’accord avec toi. Par contre, Zayn, ils ne sont pas si graves tes soucis.

Ne voulant pas montrer ma réaction face à ce début de tirade, me retournant déjà du tout au tout, je fis volte-face, regardant par la fenêtre les voitures passant rapidement à côté de notre autocar statique, qui n’attendait plus que ce que nous sortions pour repartir vadrouiller, nous laissant seuls et abandonnés dans cette nature en mouvement qui n’allait pas forcément à notre rythme : qui, en réalité, allait bien trop vite pour tous. Enfin, peut-être pas pour tous, mais pour moi. Le monde tourne sur lui-même plus vite que je ne prends le temps de penser à moi-même, me dis-je alors que je sentis mes yeux se mouiller. A moi-même, à mes conneries, et aux conséquences de celles-ci qui me tuaient à petits feux. Elle me fendait le cœur sans le vouloir. En le sachant, surement, car avant de reprendre, elle me toucha l’épaule du bout des doigts, ce qui ne me fit ni du bien, ni du mal : pour la première fois, avec elle, j’avais dépassé ce stade.

-          C’est juste toi qui, en voulant te donner du sens, te morfond à l’intérieur de ceux-ci, tu comprends ? me demanda-t-elle d’une voix tremblante. Je ne veux pas te juger, mais j’aimerais t’aider sans que tu ne croies vraiment que tu as la pire vie qu’il soit. Tes soucis te rendent attachants, mais te rongent, et vont te tuer si tu continues de croire que tout ce que tu vis maintenant en dépend.

Une larme coula sur mon visage, et je ne pus la retenir. Je voulus me passer la main sur les pommettes pour l’enlever le plus vite possible, jusqu’à ce que je me rappelle que cela encore plus me griller que si je la laissais me caresser, me griffer, me taillader, me tuer. Une goutte me faisait la peau. Tout me faisait la peau : et elle avait peut-être raison, au fond. Je n’allais pas bien, mais il y avait pire. Il y a des personnes dans ce monde qui n’ont même plus de larmes pour se sentir faiblir. Alors que moi si. Et je pourrais en avoir beaucoup avec toute l’eau que je pouvais m’offrir.

-          On peut t’aider à faire changer cela, sans passer par une structure médical. Je pense même que ce n’est que souhaitable.

Elle attendit une réaction, me tenant le bras de plus en plus fort, comme pour me montrer qu’elle était un soutient, un maintien, et que malgré la dureté, mais la réalité surement, tranchée dans ses mots qui me faisaient peut-être autant bien que de mal, elle était là. Elle serait toujours là. J’avais envie de partir en asile pour elle, et maintenant, je sentais que je n’en avais pas besoin. Je n’en avais pas besoin de ses chambres, lits, meubles, personnes, pièces, corridors sans vie pour aller mieux. Je n’avais pas besoin de m’enfermer dans un lieu aussi vide que moi, que ce soit de sens comme de lumière, pour que je puisse de nouveau la joie que j’avais laissée derrière moi quelques temps plus tôt. J’avais besoin simplement qu’on trouve un moyen de me la ramener. Comme elle avait su le faire, malgré que ce ne soit que des ébauches, un commencement. Mais il fallait un commencement à tout.

Ma bouée de sauvetage n’était pas un hôpital bourré de médecins pour soigner mon cas, mais d’une infirmière pouvant recoller mon cœur brisé. Alors, lorsqu’elle voulut lâcher l’emprise qu’elle avait sur mon épaule, comme pour me laisser méditer ce qu’elle disait, je la rattrapai, serrant mes doigts autour : non, je ne la laisserai pas de sitôt. 

Douce Etoilée // z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant