7. Ce soir ou jamais

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Nous restâmes quelques minutes dans cette position. Dans cette douce et belle position qui, je le comprenais au fil des centièmes, des secondes, des minutes qui passaient, ne rendait pas heureuse que ma simple, nulle et inintéressante petite personne : son souffle chaud s’accélérait dans ma nuque, je pouvais comment à sentir battre son cœur sur mon épaule, ce qui m’arracha un sourire encore plus grand que le précédant. Peut-être qu’elle n’éprouvait pas les mêmes sentiments que moi, ne pouvant le faire à cause de son manque de folie, d’envie-suicidaire régulière et imminente, mais si elle avait été quelqu’un de semblable à cette personne que je me devais d’appeler « moi », elles les auraient peut-être ressenties de la même façon. J’aimais m’imaginer des choses, des gens, des moments, s’ils avaient été vécus autrement, depuis toujours. Alors, le fait de pouvoir aussi le faire avec elle ne pouvait que terrasser mon cœur avec encore plus de force.

Je sentais ma main caresser mon bras, doucement, calmement, alors que je sentais mon propre souffle suivre petit à petit ce rythme qu’elle m’imposait avec candeur, surement sans s’en rendre compte. Je me calmais, de plus en plus, si bien que je retrouvais peut-être enfin un sentiment de simplicité dans ma vie qui me semblait si compliquée, si impossible à vivre. Cependant cet instant s’arrêta d’un coup, lorsque ce fichu bus arriva à l’arrêt et qu’elle se releva rapidement. Sa chaleur corporelle s’en alla d’un coup, laissant le froid glacial de cette fichue journée se coller à moi, alors que je sentais le malheur me revenir en pleine figure : toutes les bonnes choses ont une fin, mais les mauvaises choses finissent toujours par prendre tout ce qu’il reste, infinies, et répétitives. Mon sourire allait se transformer une nouvelle fois en larmes, je le savais, mais j’attendais de la voir disparaitre pour laisser véritablement la mélancolie m’assaillir. Pour une fois que j’arrivais à faire quelque chose de mes émotions en sa présence. Peut-être était-ce justement parce qu’elle n’était pas encore partie ? Je la laissai reprendre son manteau, passant ses bras à l’intérieur en me regardant avec des yeux emplis de désolation et de désespoir. Et alors qu’elle ouvrit la bouche, je m’attendais à ce qu’elle me dise au revoir, à bientôt, à jamais, merci pour ce moment, elle dit quelque chose d’autre qui m’apporta finalement bien plus de foudre que de joie au final :

-          Eh, en fait, tu n’as pas de bus à prendre toi, non ? Tu viens juste pleurer ici ? Alors viens me rejoindre dans le bus du bonheur tiens, on va se taper des barres en pleurant comme des laitues. Ca te tente ?

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé un moment dans votre vie, où vous vous êtes rendu compte que le seul moment de joie, le seul moment attendu peut-être, n’allait se présenter qu’à cet instant précis ? Que si vous le laissiez passer, vous ne vivriez plus que dans le regret de n’avoir pas su le saisir ? Et qu’il ne fallait donc pas réfléchir aux conséquences et sauter dans le tas pour savoir ce que vous auriez pu rater ? Eh bien, c’est exactement ce que je ressenti lorsque je me levai d’un coup, en haussant la tête. C’était maintenant ou jamais : je pourrais savoir si elle allait pouvoir rester dans ma vie, ou si elle allait devoir de toute façon la quitter, et je voulais une réponse. Et au fond, même si je doutais de la nature de la réponse, j’espérais, lorsqu’elle me passa le bras sur l’épaule, me trainant en direction du bus, qu’elle serait positive. 

Douce Etoilée // z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant