18. Sans adieu

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Je n’avais jamais été fort pour les adieux. Je n’avais jamais réussi à en écrire, et encore moins à en dire. Alors, lorsque j’avais pris mon ordinateur, j’avais pensé que le faire faire par le biais des mots d’un autre pourrait rendre la chose plus belle que si ma maladresse tentait d’agir par elle-même. J’avais divagué sur la toile, longuement, doucement, mais surement, pour tenter de trouver ce que je n’arrivais pas à formuler. Peut-être que chercher quelqu’un pour le faire mieux que moi était une action lâche, et sans intérêt. Peut-être que j’avais tord de croire que cela serait plus beau si cela ne venait pas de moi. Parce que je n’étais peut-être pas si mauvais que cela. Si piteux, si mauvais, incapable de quitter ceux qui vous font vivre depuis si longtemps.

Peut-être oui. Cela me montrait même surement que je devais rester, travailler, dur comme fer, jusqu’à me tuer, et m’en aller sans que cela ne soit vraiment de ma faute, mais que ce soit vraiment de celle de mes managers. Et là, pas besoin d’adieux. Les adieux se feraient tout seul. Comme des grands, trop grands, trop matures. Peut-être. Mais je ne voulais pas l’imaginer. Je ne voulais pas me voir crever dans leurs bras entrebâillés. Je voulais me voir vivre sous un Soleil enflammé, dégustant ce que l’on m’avait retiré durant de longs mois. Et lorsque je me fis cette réflexion, je suis tombé sur mon au revoir.

Mon au revoir que j’avais traduit par google pour en trouver le sens, sans espoir, mais qui se révélait être la lumière au fond d’un long tunnel de larmes. Je pensais que je devais abandonner, alors que la perfection était sous mes yeux. Cela ne pouvait qu’être un signe. Le signe que j’avais raison. Qu’une vie plus heureuse m’attendait, dehors, de cette hôtel, de mon métier, de ma vie de maintenant.  Mais dans une vie d’après, ou d’avant. Avec Etoilée qui m’y menait en me serrant les doigts si forts que j’en aurais presque mal. Je voulais lui parler. Je voulais avoir de ses nouvelles. Je voulais la voir. Je voulais la sentir, que ce soit dans mes narines, comme sur ma peau. Je voulais trembler pour elle jusqu’à la fin de mes jours, et je voulais lui montrer qu’elle avait un don pour aider les autres, et que comme moi, elle était désormais à sa place.

Alors, je cherchais une version karaoké de celle-ci, et je chuchotais les paroles quelques heures durant, en ayant l’originale dans les oreilles, pour mieux entendre comment prononcer les mots, les phrases, et comment leur donner le sens qu’il fallait. Le sens que je n’avais peut-être pas écrit, mais que j’allais transmettre. Ce sens sur lequel j’avais travaillé une nuit durant, n’attendant plus que mon équipe débarque devant ma porte le lendemain, m’hurlant que j’aurais dû dormir au lieu de faire le crétin, pour la leur chanter, sachant pertinemment que certains, voir même beaucoup, sauraient la comprendre : non pas par leur savoir, mais grâce aux grandes feuilles que j’avais prises dans ma valise pour dessiner, sur lesquelles j’avais écrit les paroles en anglais de cette chanson, qui serait ma dernière. C’est ce que je souhaitais.

Et c’est ce qu’il se passa. Alors qu’ils entrèrent tous à cinq heures du matin pour me faire la peau, je fis la leur. J’allumai mon appareil photo au coin de ma chambre, ensuite, je me dirigeai vers mon téléphone, alors que les cris continuaient de retentir, sans que je ne les écoute, mais qui m’arrangeait pour donner les preuves de mon départ, avant de prendre à côté de mon lit la paperasse qui n’attendait rien que moi. Je la dressai devant moi, et voyant que cela ne changeait rien, je me râclai la gorge, et ils remarquèrent le début de mon manège. Tous se turent, sauf un qui cria :

-          Qu’est-ce que tu nous fais pour un cinéma encore ?

-          J’aimerais que vous transmettiez cette vidéo aux fans, dès que j’aurais quitté cette chambre.

-          Tu ne la quitteras pas.

Je souris doucement, et le regardai avec des yeux remplis de défi, ce qui le fit rapidement taire. Ce n’était pas le patron, d’où son manque d’adresse évident, qui me fit pouffer de rire. Celui-ci était trop occupé à me regarder depuis la caméra, où à être caché derrière pour ne pas trop se mouiller durant cette scène, alors qu’elle n’existait que par lui. Il avait compris que l’heure était grave. Que je pétai un câble. Et que je ne reviendrai pas en arrière. Et si on essayait de le faire, je casserais tout sur mon passage.

-          Rien de moins sur.

Et j’enclenchai le karaoké après une longue respiration, commençant à chanter ses paroles.

-          Mes chers parents
Je pars
Je vous aime mais je pars 
Vous n'aurez plus d'enfant
Ce soir (...)

NB : Si vous voulez entendre la chanson en entier, je l'ai mise en média dans la colonne juste à côté. Avec amour. 

Douce Etoilée // z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant