14. Ode à elle

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Ce soir-là, elle me dit que mon problème était que je ne savais voir que les mauvais côtés de ma vie : les sombres, les lugubres, que je n’aurais jamais voulu vivre, et que les autres ne voudraient pas tester non plus. Cette partie noire où les milliers de flashs m’éblouissaient, abasourdi, où les hurlements incessants me rendaient sourd, muet, perdu, ne me laissant même plus libre de mon propre corps, où que je sois, quelle que soit la chose que je fasse. Je n’étais plus à moi, j’étais aux autres : comme une miss, qui est officiellement fiancée à toute sa nation, et non plus seulement à celui ou celle qu’elle aime. Elle est à tout le monde. Sauf à elle. J’aurais dû essayer d’en rencontrer une : peut-être que l’on aurait pu se partager nos âmes et nos corps volés, pour se les rendre mutuellement.

Cependant, Etoilée me fit comprendre qu'il y avait aussi de bons côtés dans la célébrité. Etre connu, c’est être exposé, voir trop, mais pourquoi ne pas en profiter pour faire passer des messages ? L’élite n’est, matériellement, ni plus avisée ni meilleure que la masse, aurait dit Henry David Thoreau, certes, mais pourquoi pas montrer ce que ma petite personne valait ? me demanda-t-elle avec un immense sourire gravé sur le visage. Pour mettre en avant de belles causes, de belles actions ? Pour défendre ceux qui ne peuvent pas le faire, pour se battre contre ceux qui en profitent ? Pourquoi ne penser qu’à soit, alors qu’il y a des milliers de personnes qui auraient justement besoin de toutes ses caméras ? Et si je n’étais pas fort pour parler, pour m’exprimer, je pouvais transmettre toutes mes valeurs, toute mon éthique au travers de mes chansons. Parce qu’elle me confia qu’elle n’avait pas lu quelque chose d’aussi beau depuis longtemps.

-          Mais comment ? l'ai-je questionné, alors que je voyais dans ses yeux que tout lui semblait si simple. Je ne parle pas en mon nom. Je n’écris pas en mon nom. Je ne vis pas en mon nom. Je suis l’image, le porte-parole, la vie d’un groupe. D’un groupe de sa maison de disque. D’un groupe et de son management, et de toute sa team. De tous les gens qui dépendent de moi. Je ne peux faire ce que je désire. J’aimerais, mais je ne peux pas. Il faudrait que j’aille au travers de ce qui est fixé. Au travers de ce que je me suis fixé. Je devrais, parce que ce n’est pas juste ce qu’il se passe. Mais je ne dois pas, parce que c’est comme un registre de loi, on vit avec.

-          Non Zayn, me répondit-elle, après un court silence. Ce n’est pas vrai. Parce que, comme dirait Henry David Thoreau, encore une fois : La vérité du juriste n’est pas la Vérité. Il a aussi dit quelque chose signifiant que si les lois ne convenaient pas à tes valeurs, il fallait les trangresser. Et je suis d’accord avec lui.

Je l’ai alors regardée, longuement. Je l’ai admirée, dévorée du regard, une fois de plus. Mais non pas pour sa beauté, pour ses formes, pour sa voluptuosité, pour son odeur, pour son regard, pour sa personnalité pleine de vie et de sincérité, mais pour son intelligence. Elle venait de me donner la solution d’un des plus grands problèmes de ma vie, réponse que je n'avais su trouver par moi-même, malgré mes multiples réflexions. Parce que je me voyais comme coincé dans un cadre, qui au fond, pouvait facilement, mais aussi avec tenacité, être ouvert :

-          Fais-le à la Gandhi. Combat pacifiste, mais efficace.

J’ai repassé  mon bras sur son épaule, avec douceur, et j’ai senti sa tête se coller contre la mienne. En plus de vouloir mon bonheur, elle venait de trouver le moyen de me l’apporter. 

Douce Etoilée // z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant