23. Opium

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Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi le moment fatidique des cadeaux pour m’enfuir discrètement par la petite porte au fond de la salle que j’avais moi-même réservé. Peut-être parce que je savais qu’on pourrait m’attendre, car mes cadeaux ne seraient pas les premiers à être ouverts, prenant le temps d’abord de satisfaire la curiosité des enfants avant de considérer la mienne. Aussi parce qu’ils étaient moins gros, moins importants que pour les bambins à qui on pourrait offrir le monde entier devant leurs yeux ébahis. Et puis, ils avaient l’habitude de ne pas me voir ou de me voir partir, un moment, longtemps, puis revenir, comme si de rien n’était, continuant ma vie là où elle s’était arrêtée. Alors, lorsque je me suis retrouvé dehors, je n’ai pas regretté mon acte, l’appréciant même, partant alors en courant à travers le petit village où Etoilée m’avait invitée à la rejoindre, enfin, dans ma version des choses.

                Je regardais, à gauche, à droite, en haut, en bas, à la recherche désespérée de l’autre petite salle dans laquelle le père de la demoiselle aurait pu accueillir la fête de la nativité de toute sa famille, normalement éparpillée dans le monde entier. Je ne savais pas où elle était, où elle pourrait être, et là était tout le défi. Au fond, je ne savais même pas l’allure qu’elle avait. Elle pouvait être complètement différente que celle qu’on avait, et m’induire en erreur, faisant que je la rate sans m’en rende compte. De plus, mon cœur battait trop vite, si bien qu’il résonnait dans mes tempes, m’empêchant presque de voir les choses correctement, ne me permettant alors pas de les analyser et de les saisir, pour découvrir si j’étais au bon endroit. Mes émotions pour elles avaient encore une fois pris le dessus sur toutes mes capacités mentales et physiques, me faisant presque déambulé comme un homme saoul, drogué, d’amour pour elle, dans un lieu qui ne pouvait être que des mirages, vu la manière dont je les voyais.

                D’ailleurs, je ne l’aurais jamais trouvé, si Etoilée n’avait pas été à l’extérieur du lieu où elle festoyait, me voyant passer en courant sans qu’elle ne comprenne la raison, et partant à mes trousses, voulant savoir ce qu’il se passait dans ma tête à ce moment précis de ma vie. Lorsque j’ai entendu ses pas, j’ai fait volte-face, et je ne sais pas pourquoi, je ne saurais surement pourquoi, je suis parti en courant dans sa direction. Elle n’a pas ralenti pour autant. On savait qu’on était entrain de se diriger inopinément l’un vers l’autre, et que le seul impact possible, si on ne freinait pas, était celui de nos deux corps, qui se trouveraient ainsi dans un état que je ne préférais pas imaginer au préalable. Pourtant, on continuait, toujours, encore, et lorsque plus que quelques mètres nous séparaient, j’ai écarté les bras. Elle est venue s’y loger, mon étreinte se refermant d’un coup sur elle, et je la levai du sol.

                Je ne saurais expliquer l’état de plénitude dans lequel je me trouvais, alors que ses bras entouraient mon coup avec douceur, que mes mains caressaient sa taille alors que je portais tout mon poids sur elle, le serrant, le gardant comme un présent dont je ne voulais jamais plus me séparer, que tout son corps était collé sensuellement au mien, me permettant ne serait-ce que d’entendre son corps battre si vite dans sa cage thoracique. J’étais comme sous l’effet d’une multitude de drogues, et même, encore, ce n'était pas assez. On ne pouvait atteindre ce niveau de bonheur, de joie, rien qu'avec de la poudre. Il fallait seulement qu'elle soit là, elle, et personne d'autre, là, tout contre moi. Malgré qu’elle soit un peu enveloppée, je n’en avais rien à faire, et je ne sentais pas la différence. Peut-être parce que je n’avais jamais porté une fille que j’aimais ainsi auparavant. Que je n’avais jamais senti son souffle dans ma nuque, que je n’avais jamais fermé les yeux pour mieux ressentir toutes les sensations que cela me procurait. Peut-être aussi parce que je n’avais jamais aimé une fille comme elle, et que je sentais que ce serait la seule que je pourrais aimer ainsi. Parce qu’elle tenait à moi, comme j’étais, comme je voulais être, et qu’elle voulait mon réel bien, et non pas tout ce qui pouvait voler, se balader autour de moi comme des feuilles dans le vent, qu’on aime attraper sans qu’elles n’aient vraiment de l’importance. Parce qu’elle avait voulu m’aider, me sauver, et qu’elle m’avait donné les ailes pour le faire. Et parce que je voulais être ce même soutient pour elle, pour que tout aille mieux pour elle, toujours, sans s’arrêter, et que malgré les épreuves qu’elle devrait vivre, elle ait toujours mes bras sur lesquels s’approcher. Elle était l’amour de ma vie. J’avais envie d’être le sien.

                Alors, lorsque je la reposai, je n’hésitai pas une seule seconde avant de glisser mes doigts sur ses joues, pour l’embrasser doucement, puis, lorsqu’elle répondit, bien plus fougueusement. J’étais aimé. Et elle était aimée. Et nous étions libres de le subir.

"Si lui est tombé amoureux de son manteau rouge, de ses hauts talons noirs, de sa petite taille, de ses formes, de son odeur, de son franc parlé, puis de sa personnalité, elle est avant tout tombée amoureuse de ses défauts, ses défauts qui le rendaient plus beau."

Douce Etoilée // z.mOù les histoires vivent. Découvrez maintenant