L'arrivée

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Je n'avais pas pu dire au revoir à ma famille au complet. Les deux consignataires étaient venus me chercher à 7h00, un jeudi matin, deux jours après avoir reçu ma lettre d'admission au concours.
Mes parents n'étaient pas réveillés, et je pense qu'ils n'allaient pas saisir tout de suite que j'étais parti. Je n'avais pas pris le temps de les prévenir. C'était étrange pour moi de les quitter pour une durée que j'ignorais, de leur dire que je partais, sans les prévenir de mon retour. Cela me serait semblé étrange de les laisser me voir partir sans plus d'informations alors qu'ils étaient à mes côtés depuis son départ. Ils auraient mérité de savoir où j'allais, pourquoi je partais, combien de temps. Mais je n'avais pas eu le cœur à leur avouer ce que je ressentais vis-à-vis de ça. Je ne voulais pas qu'ils se sentent coupable de quelque chose.
Ainsi, le temps qu'ils comprennent, j'étais déjà en voiture, et nous roulions à toute vitesse vers le concours. J'avais un peu de mal à réaliser. La nuit que j'avais passée avait été agitée, et me lever si tôt m'avait encore plus fatigué. Mais mon cœur battait à tout rompre, dans cette voiture que je ne connaissais pas, avec deux hommes aux dimensions de frigo que je ne connaissais pas non plus. Je ne savais pas où j'allais. Aucune adresse précise n'avait été renseignée sur le flyer de présentation, que j'avais un matin reçu dans ma boite aux lettres. C'était, du plus loin que je me souvienne, la première fois que je me lançais dans une aventure comme celle-ci.

Les deux gars étaient aussi bavards qu'une brique, et j'avais dû me faire moi-même la conversation pour ne pas mourir d'ennui pendant le voyage.
Après deux arrêts de 20 minutes, durant lesquels les hommes étaient sortis prendre un café, nous étions arrivés sur un grand terrain vague, loin de toute civilisation.
Finalement, j'aurais aimé prendre un café, moi aussi. J'étais fatigué, le voyage sur le siège de la Renaud (qui, avouons-le, n'est pas confortable) m'avait courbaturé, mais heureusement, le stress me maintenait en alerte, sinon, je me serais endormi dans la voiture. Qu'auraient pensé les autres candidats s'ils avaient appris qu'un des concurrents s'endormait n'importe où ? Les hommes m'avaient aidé à porter mes bagages jusqu'au hall du bâtiment, après quoi ils m'avaient laissé seul, perdu dans cette énorme bâtisse toute en verre, avec pour seule aide une pauvre carte de l'établissement où était écrit mon nom et mon numéro de chambre.
Je me décide finalement à traverser le hall, et mes pas résonnent, faisant se retourner quelques personnes qui parlaient tout bas, en jetant des regards inquiets autour d'eux.
Sûrement des participants, je pense en les regardant du coin de l'œil tandis que je m'avance vers le guichet d'accueil. Une femme attendait à l'intérieur du local, vautrée sur une chaise haute, les yeux rivés sur un magazine de mode qui datait surement d'il y a 10 ans, vu l'icône complètement démodée qui posait sur la première page du magazine. La femme me regarde à travers ses longs faux-cils bleus, et me demande d'une voix de corneille :
- Nom, prénom, âge, lettre d'admission, s'il vous plaît...
Je toussote :
- Hum... Loweran, Léo. 17 ans.
Je tends ma lettre d'admission que j'avais pris soin de mettre dans la poche de mon pantalon avant de partir, et elle l'attrape pour la lire rapidement, et la tamponner d'un logo rouge.
- Chambre 447, Mr Loweran, bâtiment 3, couloir B12. Ne vous perdez pas en chemin, Mr Loweran, les vigiles n'aiment pas avoir à jouer à cache-cache avec ceux qui s'égarent dans les couloirs.
Je déglutis. Haha, mais qu'elle est drôle cette concierge !
Toujours est-il que je prends le chemin indiqué et grimpe les escaliers qui mènent au bâtiment 3. Il y a beaucoup trop de couloirs, de portes et d'escaliers pour moi, qui suis une quille en orientation, et à mon grand désespoir, me perdre ne fût pas compliqué.
Horrifié à l'idée de tourner en rond et de ne jamais retrouver mon chemin (et donc d'admettre que la concierge n'avait pas tort), je me mets à courir dans le long couloir, mes bagages à la main frappant mes tibias et mes mollets, et qui commencent à se faire lourds au bout de mes bras.
Je tourne à gauche à un nouveau carrefour, quand un bras m'attrape par le sac, et me tire dans une pièce sombre avant de refermer la porte derrière moi. Je me tourne dans tous les sens, cherchant qui me tient, essoufflé par mes efforts et ma précédente course à travers les couloirs. J'entends des murmures, et ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont plusieurs à vouloir ma peau.
Sois intelligent, Léo ! Je tente de me raisonner. Tu viens d'arriver, qui pourrait te vouloir du mal ?
La lampe s'allume enfin, et par la même occasion, la personne qui me tenait à une bonne vingtaine de centimètres du sol me lâche. Surpris d'être autant élevé, je tombe par terre en poussant un couinement ridicule.
- Ça n'a pas l'air d'être un dur ! ricane une fille brune assise à califourchon sur une chaise au fond de la pièce, qui s'avérait être une chambre. Elle portait un T-Shirt blanc au motif marin, un jean noir déchiré sur le genou gauche et des bottines militaires. Les bracelets à ses poignets tintèrent lorsqu'elle rassembla ses cheveux en un chignon grossier.
Un gigantesque black se penche sur moi, et me sourit de toutes ses dents étincelantes, avant de me souhaiter la bienvenue avec un fort accent. Les cordons de son sweet-shirt rouge se cognent contre mon front alors qu'il se penche vers moi en souriant.
Une seconde fille, blonde cette fois-ci, attrape ma carte de chambre que je tenais dans la main, et se recule pour la lire :

- Léo Loweran, 17 ans, chambre 447. T'y es, mon gars ! Tu avais raison, Assou, c'était bien notre petite souris !

Je sens que ce surnom va rester... je murmure en râlant.

La boîteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant