La clé

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" Je  peux savoir ce que tu fais là ?? " gronde une voix derrière moi.
Je me retourne d'un bond et aperçois Jo. Elle a trouvé son masque, et une machette, qu'elle tient dans sa main droite:
- A quoi elle te sert ? je demande, sans la lâcher des yeux.
- La plupart des gens que je croise sont rendus fous par le gaz: j'ai trouvé de quoi dégager le passage ! 
Je ne dis rien, mais serre les dents: si j'avais été dans le même état que tout à l'heure, elle m'aurait tué sans état d'âme.
- Qu'est ce qu'il a ton copain ? me demande Jo en se penchant par dessus mon épaule.
Je fulmine . 
- T'as pas autre chose à faire que de le regarder souffrir ? Comme tu as fait avec moi ? !
Elle recule devant l'agressivité de mes propos, mais n'ajoute rien, et se contente de serrer les lèvres.
J'arrache la chemise de Tim, lui  en coupe un morceau et casse deux branches  d'arbre relativement droites. Je lui noue le tout de façon à lui maintenir la cheville pendant un moment.
- Je peux marcher, ne t'en fais pas. m'assure mon ami en se levant pour me prouver que je pouvais le lâcher.
- Où est ta clé, la p'tite souris ? lance alors Jo, qui nous suivait.
Je lui lance un regard noir, mais lui tends tout de même le papier. Elle peut toujours m'aider.
Elle lit le texte, tandis que je repousse un candidat qui demandait où était la piste d'atterrissage, et la regarde à nouveau pour voir ce qu'elle en pense.
Elle est toute blanche.
- C'est de moi qu'il parle. bredouille-t-elle alors.
Tim s'assied, et je m'approche de Jo:
- Tu sais où est ma clé ?
Elle hoche lentement la tête, et je tressaillis. Je l'attrape brusquement pas les épaules, et la secoue sans faire attention au fait qu'elle sanglote doucement.
Tim se relève et pose une main sur mon épaule:
- Vous devez y aller, je suis un poids pour vous.
Je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se passe, il retire son masque, attrape la machette de Jo, et arrête net sa vie devant nous.
Je hoquette de surprise: Jo sanglote encore, puis se reprends, pour m'attraper par le bras pour me tirer loin de mon ami défunt, en prenant soin de reprendre sa machette avant de partir.
Un bourdonnement sans fin résonne dans ma tête: Tim m'a sauvé. Je n'ai rien fait pour l'empêcher de se tuer.Des larmes m'aveuglent, et me dévalent les joues. Je suis trop choqué pour les essuyer. Jo me trimballe sur la route, entre deux maisons, puis entre dans une maison blanche: la sienne.
Je tombe à genoux, et sens qu'elle tente de me relever:
- Léo... Ton ami a donné sa vie pour toi, fais en sorte que ça serve...
Je lève un regard vide vers elle: elle se recule, s'attendant sûrement à ce que je pète un câble.
Mais non. Je me contente de me lever, et de passer devant elle sans la regarder
Il faut qu'on trouve ma clé. Pas le temps de s'attarder sur le sort de mon ami. Je suis bouleversé, mais il faut mettre de côté ma peine pour éviter d'y penser, et d'ainsi, causer ma perte.
- Par où on commence ? je murmure.
- Le papier dit qu'il te laisse une chance d'avoir une conversation avec moi... Sûrement dans ma chambre !
Je lève un sourcil: pourquoi les Créateurs m'ont-ils donné une occasion de parler avec elle ?
Ce n'est pas comme si je ne demandais que ça !
Je monte les escaliers quatre à quatre: Jo me rejoint, et me regarde, silencieuse.
- Tu peux tout fouiller si tu veux.. Je n'ai rien à cacher.
- Je n'en doute pas, mais aide moi. Tim est mort, je dois réussir, pour lui.
Et pour Assou.
Elle se baisse pour regarder sous son lit: elle tire une lourde boîte en métal, l'ouvre et cherche dedans.
- Pas de clé... murmure-t-elle, en baissant les yeux au sol.  J'attrape sa main: un élan de gentillesse ? Je ne contrôle pas ce qui suis: je passe ma main derrière sa nuque, et rapproche mon visage du sien. Je sens son souffle sur mon visage, sa peau douce malgré ses blessures récentes, sa main qui se pose doucement sur mon genou replié...

                                                                           Et je l'embrasse.

Doux moment de solitude... Simple passage au paradis... Je croise le bonheur, et je m'enfuis.
Je retombe sur Terre comme un oiseau de son nid: un tireur arrive, et attrape mon amie par le bras:
- Première vague de rassemblement: toutes les personnes qui ont leur clé doivent être évacuées. Les autres restent.
Jo me lance un appel au secours silencieux: je me lève, et sans réfléchir, j'attrape la machette de Jo, et déchire le flanc du soldat, qui tombe à la renverse dans une éclaboussure de sang. Jo saute pour attraper l'arme du tireur, une mitraillette plutôt légère, et nous nous élançons dans le couloir de sa maison pour sortir dans la rue.
Je ne sais pas ce qu'on fait, mais il est impossible de faire demi-tour. Un tireur tué, par moi ... Je n'ai plus aucunes chances de vivre. Dès qu'ils me trouveront, ils me tueront.
Jo et moi nous engouffrons dans une maison en bois et en brique: je ferme la porte derrière moi, en faisant attention à ce que personne ne nous ait suivi.
Jo tente de reprendre son souffle, et je regarde autour de moi: l'intérieur est coquet, et des cadres présentant des photos de famille sont posés sur les meubles, comme pour ne pas  oublier le visage des photographiés.
Je marche à travers le salon, et sens le regard bienveillant des gens dans les cadres. Un peu gênant, j'avoue !
- J'ai trouvé de quoi manger ! s'exclame Jo en me tendant un sandwich triangle au poulet.
Ma vie ne dépend que de la cachette que je me trouve.
Et de la vie de Jo. Je ne sais pas ce qui m'a fait changer d'avis, mais désormais...
Ma vie dépend de sa survie. 

La boîteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant