Je sors dans le couloir du B7 et remonte les escaliers jusqu'au pont, sans cesser de réfléchir.
Cette énigme me fait perdre toute assurance. Moi qui pensais avoir trouvé, me revoilà avec une nouvelle énigme.Arrivé sur le pont où déferlent des vaguesencore plus grosses qu'à mon arrivée, je remarque du coin de l'œil un écrangéant fixé à un mât, affichant les noms des éliminés des épreuves précédentes.
Les mettre maintenant n'a aucun sens, mais à vrai dire, plus rien ici n'a desens. Ça doit sûrement être un moyen de nous faire paniquer encore plus...
Je renonce donc à regarder les morts qui s'affichent lentement, et vais dans ladite cabine du capitaine. Elle n'est pas si compliquée à trouver : elle esttout en haut au-dessus des terrasses !
Je ne croise personne sur le chemin qui me mène à la cabine. C'est à croire quetous les sauveurs se sont entendus pour ne pas me ralentir. Une fois dans lacabine, où se trouvait le gouvernail et de nombreuses autres machines quidevaient surement servir à diriger, je m'assieds sur la chaise devant le bureaudu commandant, et m'assurant que je suis seul dans la cabine de direction, jeschématise sur une feuille qui trainait en quelque traits tremblants l'énigme,et la répète à voix haute. Je note les pensées qui se bousculent dans ma tête,et me dépêche de comprendre.
Il doit me rester un quart d'heure, peut-être un tout petit peu plus, et aucunde mes amis n'a été retrouvé...
J'entends les pas d'un sauveur arrivant derrière moi, et m'empresse de cacherma feuille de calcul dans la poche ou se trouve ma carte.
Mais ce n'est pas un sauveur, et je suis tellement surpris qu'un cri à peineaudible sort de ma bouche. L'inconnu s'approche de moi avec un grand sourire.Il devait avoir une quarantaine d'années, et ses cheveux déjà poivre et selétaient brossés impeccablement. Son costume blanc lui faisait une carrure desportif coincé dans un tailleur trop serré :
- Bien le bonjour, jeune homme. Alors, ce code, vous l'avez ?
Je secoue la tête, interdit :
- Non- Monsieur, je ne sais pas. Mes amis sont enfermés quelque part, et jesuppose que vous ne pouvez pas m'aider ?
Je cligne des yeux rapidement pour m'assurer que ce n'est pas un hologramme ousimplement mon imagination.
C'est à son tour de secouer la tête négativement, et je vois son sourires'effacer quelques instants. Il a l'air inquiet et désolé. Je suis presque sûrqu'il joue bel et bien un rôle, puisqu'il remarque mes sourcils froncés etplaque immédiatement un grand sourire forcé sur ses lèvres :
- Je ne peux rien faire pour toi, mais quand tu auras trouvé le code, vadéverrouiller le cadenas du coffre. Ton dernier indice est à l'intérieur.
Il me tends la main et je lui donne la mienne avec un peu de retenue. Il laserre vigoureusement, et me murmure à travers sa moustache grise :
- Je suis désolé que vous soyez-là, jeune homme.
Puis il reprend un ton confiant et lance :
- Il ne vous reste plus beaucoup de temps !
Il tourne finalement les talons, et sort de la cabine, me laissant abasourdi.
Je dois rêver. C'est impossible que quelqu'un de gentil soit dans ce jeuvolontairement. Il avait l'air sincère durant ses excuses. Je n'arrive pas àcroire que cet homme soit ici de son plein gré.
Mais je dois me remuer un peu : le cadenas du coffre nécessite un nombre à deuxchiffres. Cela me facilite grandement les choses ! Je reprends mon brouillon etcherche encore quelques minutes, le cerveau en surchauffe, et tout s'éclairesoudain : « 13 ». 13 personnes ont été sauvées ! Je saute de joie etde soulagement.
En effet, ma réflexion me conduit à cette conclusion :
1er aller : 5 personnes sur l'île.
1er retour : -1 personne qui doit retourner conduire le bateau.
Il reste 11 minutes.
2ème aller : encore 5 personnes.
2ème retour (18 minutes) : -1 personne qui doit retourner au bateau.
Il reste 2 minutes et le canot est prêt à repartir.
3ème aller : encore 5 personnes.
5 - 1 + 5 - 1 + 5 = 13 »
Je saute vers le coffre et tourne les deux mollettes du cadenas. A mon grandsoulagement, il se déverrouille. J'attrape le dernier parchemin, et le lis àvoix haute :
- Je danse, sans musique ni pas. Je roule, sans roue ni moteur.
Si un jour je m'assèche, tu mourras.
Dans un deuxième paragraphe semblant séparer l'énigme en deux, je lisde nouveau :
Je n'ai rien pour me protéger de la pluie, mais peu importe. Je profite bienplus du soleil !
Tes amis vont bientôt me rejoindre... Écoute mon chant, et trouve-les... Ou tuseras éliminé.
La réponse est la mer, c'est certain... Mais pourquoi mes amis la rejoindraient? De plus, l'énigme semble être en deux parties, peut-être que les premièreslignes ne concernent pas les dernières ? Je sors de la cabine les sourcilsfroncés, et descends en taguant jusqu'au pont en me tenant le plus fortpossible à la barrière. Le vent violent et froid me frappe en plein visage, mesyeux piquent à cause du sel, et j'ai du mal à voir où je vais.
J'entends une fille hurler, et je la vois disparaitre sous une vague, quil'entraine par-dessus la balustrade. Mon cœur se serre : nager n'est pas monsport favori, et vu l'humeur de la mer, je sais que je ne passerais pas plus de3 minutes dans l'eau sans me noyer !
Arrivé en bas de l'escalier, je m'apprête à partir vers un couloir où je mesentais plus en sécurité que sur le pont à la vue de tous, quand un candidat meheurte à nouveau de plein fouet, et je m'écroule sur le pont, la tête cognantbrutalement sur le sol froid et trempé. Les mouvements du bateau me fontglisser jusqu'à un mur, sans que je puisse me raccrocher à quoi que ce soit, etmon dos claque avec force. La douleur de mon bras déjà réveillé s'accentuemaintenant que mon coude s'est cogné, et le sang se met à couler de lablessure, se mêlant à ma sueur et à l'eau de mer qui rentre dans l'entailleboursoufflée. Je serre les dents du plus fort que je peux, et regarde le garçonqui m'avait heurté : il était s'était empalé sur un manche de balai casséqui trainait sur le sol, et tentait encore de retirer la pointe de bois luitraversant l'abdomen, qui n'avait pas l'air simple à retirer. Sa combinaisondéjà trempée d'eau de mer se maculait de sang.
De la bile me remonte le long de l'œsophage, et je recrache le peu de chose quej'avais dans le ventre. Je détourne les yeux du sauveur qui m'appelaitdésespérément, et me relève pour prendre la fuite. Encore secoué de la scèneque je viens de voir, et étourdi par ma chute, je ne remarque pas que je foncedroit sur un sauveur. Je percute un torse musclé et titube en arrière. Décidément, ce n'est pas mon jour.
Mais le sauveur que j'avais percuté se met à rire cruellement, et je comprendsimmédiatement à qui j'ai affaire. Il fallait vraiment que je tombe sur lui !Enrick se penche vers moi en tendant le bras pour m'attraper, mais j'esquive samain avant de tourner les talons. Je cours le plus vite possible vers lepremier escalier qui se présente et saute les marches pour avoir un peud'avance, mais Enrick me suit de près.
Épouvanté à l'idée qu'il me roue de coups, je ne contrôle plus le mouvement demes jambes. C'est comme si j'étais dirigé par quelqu'un d'autre. Mais le jeunehomme garde la forme malgré ma tentative pour le semer dans les couloirs.
Je n'oublie cependant pas ma destination : je dois retrouver Assou et Jo, ethormis le pont, sur lequel je n'avais vu aucun prisonnier, le seul endroit encontact avec la mer était la partie immergée du bateau. La seule façon dont mesamis pouvaient la rejoindre était de rompre la paroi de la coque et de selaisser engloutir. Autrement dit, de faire naufrage.
Un frisson me parcourt le dos : je préfère ne pas envisager cettepossibilité. Contrairement à Enrick, quine semblait pas inquiet à l'idée de ne pas encore avoir sauver son équipe,j'avais des sueurs froides rien qu'en imaginant la fin de l'épreuve sans mesamis.
Je m'apprête à descendre encore un escalier quand une sirène retentit, et jeplaque mes mains sur mes oreilles. Le son strident ne semble pas dérangerEnrick, qui regarde autour de lui, attentif. Une lumière semble s'allumer danssa tête vide : il me laisse là, éberlué de le voir abandonner sa proie, et parten sens inverse, sans un mot et à toute vitesse.
Étonné, mais rassuré qu'il soit parti sans se venger, je cours dans le couloirdu tout dernier sous-sol du bateau, l'étage B1 : ce n'est qu'en arrivant versle fond du couloir que je remarque que le sol est mouillé, et que les murs sonthumides.
Un pressentiment m'assaille alors. La sirène se coupait pendant quelquessecondes avant de reprendre de plus belle, comme un avertissement. Un mouvementbrusque du bateau me fait basculer en avant et je me raccroche tant bien quemal à une poignée de porte. Un craquement retentit, profond et sourd et moncœur se met à battre dans mes tempes. La terreur ne peut pas prendre possessionde moi maintenant, mais ma peur panique des espaces fermés ne va pas tarder àme faire faire une crise d'angoisse. Je tente de me ressaisir, en m'aspergeantle visage d'eau de mer. Je me frappe les joues aussi fort que je le peux, puisme relève et me remets en route.
J'arrive finalement face à une lourde porte de fer, identique à celle quiséparait nos parcours de la salle commune lors de l'épreuve précédente, et sanshésiter, je tourne la roue permettant d'ouvrir la porte : elle s'ouvre avec ungrincement, et l'eau de l'autre côté ainsi libérée se déverse dans le couloir.Épouvanté à la vue de l'eau de mer, je passe la porte la gorge serrée, etl'entends se refermer derrière moi dans le même grincement. La lumière ducouloir disparait derrière la porte, et désormais, seul le courant retentit àmes oreilles. Bien que l'eau m'arrive aux chevilles, je me force à traverser lehangar gigantesque, rempli de voiture et de toutes sortes de véhicules.Celles-ci commençaient à bouger au rythme des vagues qui se créaient dans lasalle, et certaines flottaient même déjà.
Ces voitures devaient appartenir aux passagers... je pense un instant. Maisce que t'es bête, Léo, personne n'a été passager ici ! C'est un décor !
J'avance de plus en plus difficilement dans l'eau : elle m'arrive maintenantaux genoux. Heureusement, aucun poisson ou autre animal aquatique ne venait sefrotter à mes jambes.
- Assou !!! Jo !! je hurle en mettant mes mains en porte-voix.
Le hangar n'étant pas éclairé, hormis par les phares de quelques voituresallumés, je plisse les yeux pour tenter d'apercevoir quelque chose entre lesvoitures, et les remous de l'eau. Mes yeux s'habituent peu à peu à l'obscuritéet je répète faiblement mon énigme :
"Je n'ai rien pour me protéger de la pluie... Mais je profite encoreplus du soleil... ".... "tes amis vont bientôt me rejoindre..."
Cette dernière phrase, je l'avais comprise... Il y avait une fissure dans lacoque du bateau, et l'eau n'allait pas tarder à nous noyer si on restait dansles sous-sols. Maintenant à hauteur de cuisse, l'eau me faisait trébucher et medonnait de la peine pour avancer. Mes jambes frigorifiées se crispaient àchaque pas.
Je hurle à nouveaux les noms de mes coéquipiers, quand un cri étouffé me faittourner la tête vers la droite. Presque 40 voitures étaient garées là où lebruit semblait être parti, et je me dirige vers elles, ralenti par la montée del'eau.
Celle-ci grimpait à une vitesse alarmante ! Je me faufile entre les voitures.Elles sont toutes différentes, il y a tellement de modèles que je suisincapable de reconnaitre celles que j'ai déjà croisé. Je pose la main sur laportière d'une BMW série 4. Les vitres sont abaissées, et le toit ouvrant estreplié. L'eau ne tardera pas à engloutir ce beau modèle. Cette voiture m'avaittoujours attirée. Non seulement parce que c'était une BMW, ce qui, pour moi,était une des meilleures marques de voiture, mais aussi pour son modèledécapotable.
Soudain, je me fige. Tout semble se remettre en ordre dans ma tête.
La partie de l'énigme, " je n'ai rien pour me protéger de la pluie,mais je profite encore plus du soleil...", c'est un indice ! Assou et Josont dans une voiture qui craint la pluie, donc une décapotable !
Dans l'obscurité, je ne fais pas attention aux obstacles et je me cogne à unrétroviseur de voiture, ce qui me fait tomber à la renverse. L'eau glacée merentre dans la bouche et m'asphyxie. Les remous de l'eau sont bien plus fortsque lorsque j'étais rentré dans la salle, et désormais, des objets flottaientavec le courant. Entrainé par les flots, je peine à sortir la tête de l'eau, etje me sens me cogner à une, puis deux voitures. Le dos meurtri, je m'accrochedésespérément à un pneu de voiture, et arrive tant bien que mal à me relever.En toussant et en vomissant l'eau de mer, je tente de crier le nom de mes amis.
La combinaison collant à ma peau, me maintenant encore plus figé et contraintque d'ordinaire, je grimpe difficilement sur le capot d'une voiture et crie àpleins poumons :
- Jo !!!! Assou !! Faites du bruit, je suis prêt de vous !!
J'ai à peine fini ma phrase qu'un klaxon de voiture quelque mètres plus loin mefait sursauter : je saute vers le bruit, tout en me cognant à tout ce qui estsur mon chemin, et arrive devant une voiture décapotable, (je ne m'étais pastrompé !) où Jo se tordait dans tous les sens pour se libérer. Je grimpe dansle véhicule, et arrache les cordes solides qui la maintenaient. Je mets plus detemps pour enlever celles qui l'attachaient au volant, mais je parviens à finirma tâche en quelque minutes pendant lesquelles elle me supplie à travers sonbâillon d'aller trouver Assou. A peine libérée, elle me saute au cou, et je laserre le plus fort possible. J'ai eu peur, peur de ne plus la voir, de lalaisser se noyer pendant que je cherchais la solution... Je me détachedoucement d'elle, attrape son visage humide entre mes mains et plonge mes yeuxdans les siens, soudain sérieux :
- Souviens-toi, Jo, qu'ont-ils fait d'Assou ? Où est ce qu'ils l'ont mis ?
Elle baisse la tête :
- Je n'ai rien entendu... Ils nous ont endormis, et je venais à peine de meréveiller quand j'ai été placée dans cette voiture... Ho, Léo, je suis vraimentdésolée ! Je ne sais pas du tout où il est !
Elle fond en larmes devant moi, et je reste bouche bée.
- Va m'attendre devant la grande porte ! Si je ne reviens pas, échappe-toi, etdis aux créateurs que je t'ai sauvé, mais que je suis mort. Ils sont obligés dete laisser continuer !
- Je refuse de te laisser. J'ai eu peur de ne plus vous revoir, de mouriren t'attendant désespérément, et que tu ne me trouves pas, et qu'à force de mechercher, le désespoir ait raison de toi... A ces mots, elle se lève, sauteau-dessus la portière pour atterrir dans l'eau avec un cri de surprise :
- L'eau est si haute ?! On doit faire vite, la brèche dans la coque dubateau doit être faite exprès pour faire entrer de plus en plus vite l'eau...
Nous nous mettons d'accord pour prendre chacun une partie du hangar pour ychercher Assou, et je pars vers le fond tandis que Jo s'occupe de chercher dansla partie éclairée. Je regarde partout, de plus en plus oppressé par l'eau quimonte... Elle m'arrive aux hanches, et m'arrivera bientôt au nombril... TrouverAssou devient plus qu'urgent !
La peur d'échouer double mes capacités de réussir : je m'habitue à marcher dansl'eau, et parviens à aller plus vite. Je pose alors les yeux sur le mur en facede moi, et remarque avec stupeur un corps attaché en hauteur par les poignetset les chevilles, collé au mur, immobile :
Assou.

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General FictionJe pensais que c'était une sorte de concours. Jamais je n'aurais cru que ça allait se passer comme ça. Je ne connais personne. Et personne ne me connait. De toutes façons, qu'est-ce que cela peut faire ?! A la fin, il n'y aura plus personne.