J'engloutis les trois sandwichs que Jo me tend au fur et à mesure que je mange. Elle s'en garde deux, et met le reste des vivres dans un sac à dos, qu'elle trouve dans un placard :
- Par où on va ? La deuxième vague est passée... On va pas tuer tous les tireurs qui viennent ici, les autres vont s'en rendre compte trop vite ! dit-elle, en désignant du doigt le corps du soldat qui était entré récemment.
Je hoche la tête : elle a raison. Soit nous restons ici, et les autres tireurs vont vite se rendre compte que deux rebelles déciment leur équipe, soit on va dans une maison différente, toutes les heures, pourquoi pas, et nous restons cachés.
Mais après ? La sortie existe-elle ? Ou alors la base où nous sommes va simplement s'autodétruire, nous condamnant, soit dit en passant. J'expose mon idée à Jo, qui n'a pas l'air de la trouver si lumineuse:
- Si on bouge toutes les heures, ils risquent de nous repérer pendant qu'on traverse la rue pour aller ailleurs ! Il vaut mieux rester ici, et attendre.
Je secoue la tête:
- S'ils comprennent ce qu'on fait, ils vont aller là où leurs soldats ont disparus, et ils vont nous tomber dessus! Une dizaine de soldats armés contre nous, il y a tout de suite des morts, et crois-moi, ils ne vont pas nous faire de cadeau !
- Alors par où tu veux passer ?? demande mon amie, en palissant légèrement.
- Toutes les maisons sont voisines, séparées par un bon mètres-vingt. Il y a forcément une fenêtre qui donne sur une autre de la maison d'à côté !
- J'espère que t'es pas en train de me dire qu'on va sauter d'une maison à l'autre ! grogne Jo, en me faisant bien comprendre qu'elle refusait de le faire.
Je hoche cependant la tête: c'est notre seule chance. Je me lève, et attrape le sac de nourriture, puis l'arme du soldat, ce qui fait que nous avions une arme à feu chacun, et une machette en plus. Nous défendre pourrait ne pas paraitre compliqué, pourtant, je sens que ça va mal se terminer.
Je monte les escaliers quatre à quatre, puis traverse les chambres pour chercher une fenêtre donnant sur celle de la maison d'à côté.
- On va se faire tirer dessus comme des canards ! me souffle Jo tandis que je trouve un passage, et que j'ouvre la fenêtre.
- Pas si tu te fais discrète, et que tu me fais confiance ! je rétorque, en passant une jambe par dessus l'appui de fenêtre. Je mets mes deux jambes dans le vide, mets mes bras en arrière, toujours en me tenant à la fenêtre, et prends appui sur mes pieds pour sauter: j'atterris face contre le mur, étouffe un gémissement en entendant mon nez craquer bizarrement.
Je me hisse pour regarder par la fenêtre, et prends la machette pour frapper la vitre, profitant d'un cri d'un des candidats pour la briser.
Je dégage les bouts de verre encore accrochés avec ma main, qui est entaillée à cause du tranchant du verre, et entre à l'intérieur de la pièce.
Jo m'imite, et je lui attrape les poignets pour la tirer vers moi.
- Il n'y a personne ? me demande-t-elle, en retirant un bout de verre de son genou.
Je secoue la tête pour dire non. En tout cas, pas en haut. Nous descendons les escaliers à pas de loup, puis marchons le plus silencieusement dans le couloir, prêts à tirer sur quelqu'un s'il le faut.
J'entends alors des bribes de voix, et fais signe à Jo de stopper:
- Ils n'ont pas mis toutes les clés ?? Mais c'est illégal ! panique une femme.
- Maman, calme-toi ! Moi, j'en ai une! Une des candidates m'en a donné une ! Elle l'avait en trop ! explique une fillette, qui ne devait pas voir plus de 13 ans.
Je me tends d'un coup: pas assez de clé pour tout le monde ?? Et en plus de ça, une des clés appartenant à quelqu'un ne lui sera jamais donnée, parce que c'est cette fillette qui l'a !
Jo me tire par la manche: la couleur a déserté son visage: elle semble paniquée:
- Faut qu'on se tire, Léo ! Tout de suite ! murmure-t-elle, en me tirant par la manche.
Je reste pourtant planté dans le sol. Tout s'éclaire dans ma tête: elle n'a pas insisté pour chercher ma clé parce qu'elle l'a donné à cette fillette en pensant que je n'avais aucune chance !
Je me retourne d'un bond, en la fusillant du regard:
- Comment t'as pu ?? je souffle, hors de moi.
Elle roule des yeux, essayant surement de me dire de me taire.
Elle tente de me rattraper le poignet mais j'évite sa main furieusement.
- Tu as donné ma clé à cette enfant ?? je fulmine.
Elle tente de me faire taire en plaquant sa main contre ma bouche mais je me débats et recule vers la lumière de la pièce où est la fillette quand une fusillade sur le mur à gauche de nous retentit: la fille et sa mère hurlent alors et je les vois se jeter à terre avant que la porte ne se détache de ses gonds avec bruit.
Je saute sur le coté, évitant les balles tirées dans la pièce et me plaque contre le mur en tentant de masquer ma respiration. Je vois Jo glisser un œil vers la pièce, et mettre sa main sur sa bouche pour ne pas crier en ouvrant de grands yeux.
Inutile de chercher pourquoi, je comprends tout de suite que la femme et sa fille n'ont pas eu la même chance que nous. Je me retourne lentement, et avance à pas de loup vers l'escalier.
Je sens Jo me suivre quand une voix glaciale et sombre me fige. Un terrible frisson me parcourt l'échine:
C'est fini . Nous sommes perdus.
''Voila donc les deux assassins de la dernière épreuve ! s'exclame l'homme en gris du premier jour .
Il esquisse un sourire carnassier et je me surprend à trouver une ressemblance avec les hyènes du '' Roi lion ! ''
Les soldats derrière lui lèvent leur arme en le voyant agiter la main:
- Vous vous dégonflez, les enfants ? Ricane-t-il en avançant vers nous.
Jo attrape mon bras et se colle dans mon dos . Je lève un regard méprisant à l'homme en gris et serre les dents :
- Vous nous avez engagés comme à l'armée, sans nous laisser le temps de dire au revoir à nos familles !
Vous nous avez jetés dans une arène sanglante dans le seul but de vous divertir et vous avez tué tous les candidats qui avaient le malheur de comprendre ce qui se tramait dans cet endroit !
N'importe qui aurait pu se dégonfler, même le plus robuste des boxeurs. Comment faites vous pour trouver du plaisir à regarder mourir des gens, à les regarder dans les yeux tandis qu'ils rendent l'âme dans les plus atroces souffrances, comment osez vous penser une seule seconde que vous pouvez contrôler la vie de 40 personnes ??
Comment osez vous simplement vous lever le matin en pensant à l'homicide que vous avez fait ? À toutes ces personnes innocentes à qui vous avez arraché la vie ?
Rien qu'à vous regarder, j'ai envie de vomir ! J'espère qu'un jour vous aurez la ''chance'' de vivre ce que vous nous avez infligé !
Je vois l'homme en gris serrer la mâchoire, et ses yeux se perdent quelques instant dans le vide.
Aurais-je atteint son âme ? Au plus profond de cette carapace dure qui enveloppe son cœur ?
Il lève les yeux vers moi après un long silence. Sa main retombe mollement sur sa cuisse, et passe l'autre sur son visage en soupirant... Je tourne la tête vers Jo et elle fronce les sourcils. Les soldats derrière l'homme semblent ne pas comprendre non plus, et se regardent en haussant les épaules...
- Il n'y a qu'un vainqueur. Fais en sorte que ça soit toi. Sinon je n'hésiterai pas à te régler ton compte comme il se doit . Mais comme il n'y a qu'un seul gagnant... Tuez la fille ! S'exclame alors l'homme en tournant les talons.
Jo sursaute derrière moi : je ne réfléchis pas, et l'entraîne dans les escaliers. Les balles ricochent sur le mur, s'ancrent dans les marches recouvertes de moquette: les tireurs nous suivent et je pousse Jo vers la fenêtre:
- Saute !! je hurle en protégeant ma tête de mes bras avant de traverser la vitre .
Une douleur aigüe dans le flanc droit me fait pousser un cri de douleur mais ce n'est pas ça qui me fait le plus peur : je tombe de 4mètres de haut, sans matelas à l'arrivée.
Je suis un parachutiste en chute libre... Jo hurle en dessous de moi ... Un seul vainqueur...
Un, ou une ? Je ferme les yeux et me prépare à m'écraser au sol ...
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La boîte
Narrativa generaleJe pensais que c'était une sorte de concours. Jamais je n'aurais cru que ça allait se passer comme ça. Je ne connais personne. Et personne ne me connait. De toutes façons, qu'est-ce que cela peut faire ?! A la fin, il n'y aura plus personne.