Au revoir les autres !

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Je déglutis, et tourne la tête dans tout les sens, espérant trouver une issue entre les candidats spectateurs. Mais si Enrick  voit que je tente de lui échapper, peut-être qu'il m'abbatera sans poser de question. Jo ne me lâche pas des yeux, mais Assou préfère regarder l'état de ses pieds plutôt que de me regarder mourir comme un rat. Pour le coup, je me sens proche de tout les rongeurs que j'ai pu piéger lorsque j'étais chez moi !
Je recule un peu, tandis que cet abruti d'Enrick jongle avec son arme ( j'avoue qu'il est fort, parce que les armes sont franchement lourdes ! ) en s'avançant vers moi d'un air menaçant:
- Tu a passé l'épreuve du labyrinthe alors que tu étais presque mort. Les tireurs ont été assez sentimentaux pour te laisser poursuivre... Un ami  à moi était dans cette épreuve. Nous étions venus ensembles, mais on nous a séparé lors des chambres, et je l'ai vu partir chez les B3... Il est mort, alors que personne n'avait spécifié qu'il était interdit de grimper sur les murs du labyrinthe. Alors que toi... tu étais presque mort, dans l'incapacité de marcher et de parler... Et tu te tiens devant moi aujourd'hui, vivant...
Je comprends alors : ce qu'Enrick veut, ce n'est pas me tuer pour rire, mais venger son ami ! Je baisse les yeux : et s'il avait raison ? Après tout, je n'ai aucunes chances face à lui, et ses deux nouveaux acolytes, Jo et Assou. Je sais qu'ils font semblant... Enfin, je crois ...?  Remarquant que le jeu semble s'être arrêté, et ne semblant pas d'accord sur le fait que ma mise à mort soit un spectacle, Jo vise un joueur, sûrement au hasard, et lui tire dans le flanc droit. Avec un cri d'étonnement, celui -ci tombe à la renverse, et je contemple la bulle verte qui se forme sur sa combinaison noire. Les autres joueurs comprennent plus vite que lui visiblement, car ils s'enfuient dans tous les sens, se tirant dessus au passage, histoire de gagner quelques points. Nous nous retrouvons finalement seuls, Jo, Enrick, Assou, moi, et le gars sur lequel avait tiré Jo.
Enrick s'approche de celui-ci, et le gratifie d'une balle dans la tête avant même qu'il ne puisse se relever. Je sursaute violemment quand le corps du joueur s'arque en arrière pour retombe mollement sur le sol. Encore un mort inutile à la solde de mon ennemi !
- Le but est de gagner des points, pas de faire le plus de mort, abruti ! je fulmine en serrant les poings.
- Oui, mais moins il y a de gens, plus vite il y aura un vainqueur ! susurre le jeune homme blond d'une voix presque mielleuse.
Je remarque que plus aucun de mes trois adversaires ne bloque ma droite: en ignorant royalement Enrick, qui s'approchait de moi en essayant d'être le plus intimidant possible, je m'engage vers un nouvel escalier me permettant de descendre plus bas dans l'hôpital.
Je l'entends pousser un juron, et une rafale de balles vient ricocher sur la marche sur laquelle j'allais poser le pied: visiblement, les tireurs veulent savoir ce qu'il adviendra de moi dans quelque minutes si je ne trouve pas le moyen de m'échapper.
Je me retourne aussi sec pour me trouver à quelque pas de mon ennemi, qui a le canon de son arme pointé sur mon front. Je lève la mienne à mon tour, et la pointe sur son cœur. Je ne sais pas lequel de nous deux tirera le premier, mais je me surprends à penser que je vais mourir dans quelques minutes. Après tout, la mort est une journée qui mérite d'être vécue! Je n'ai pas peur de l'entendre tirer, parce que je n'ai rien à perdre. Mais si je pouvais le voir tomber sous mes yeux après que j'ai appuyé sur la gâchette, c'est pas mal non plus ! Je ne baisse pas mon arme, et suis surpris de voir le bras d'Enrick trembler progressivement. Je ne le lâche pas des yeux, et notre échange de regard dure deux minutes tout au plus quand soudain, il m'envoie un coup violent avec son arme, et je tombe en arrière pour finalement me claquer la tête sur la première marche des escaliers. Les tireurs ricanent, et le jeune homme s'avance vers moi pour me claquer son pied dans les cotes, me faisant pousser un gémissement de douleur. Il doit m'avoir amoché fortement deux cotes, car respirer me fait ressentir une douleur lancinante dans la poitrine. Je peine à me redresser sur un coude, et il renvoie cet effort au placard d'un second coup de pied dans le ventre. Je me plie en deux dans un souffle entrecoupé de sanglots qui me remontent à travers la gorge. Je ne peux pas pleurer, pas maintenant, pas devant eux ! Mais qu'attendent Jo et Assou pour intervenir ?!
Mais je n'ai aucunes chances si je ne me relève pas:
- Prépare toi à rejoindre tout les autres ! ricane Enrick.
Je ferme les yeux et fait le décompte: 4... 3 ... 2... 1...
- Baisse ton arme ! hurle alors Jo.
J'ouvre mes yeux lentement: elle a braqué son arme sur la nuque d'Enrick, et je vois Assou lever la sienne vers Jo en tremblant. Je le pointe aussitôt de ma mitraillette, et vois avec horreur que si l'un de nous tire, nous serons plusieurs à perdre la vie dans cette histoire. Je pensais que Jo avait renoncé à me sauver, vu son temps de réaction ! Par contre, Assou... Je ne comprends pas du tout ce qu'il fait. Mais je vois à son regard insistant qu'il sait quoi faire, alors je décide de surveiller mon ennemi, qui n'a pas du tout l'air content de ce changement de situation.
- Tu es cerné, Enrick, pas la peine de tirer sur l'un d'entre nous ! clame Jo, en appuyant un peu plus son arme sur son cou. Je me lève lentement, essuie mon front ensanglanté à cause du coup du jeune homme, et me tiens droit.
- Hé, Assou ! Tue la pour moi s'il te plaît ! crie Enrick en direction du géant noir. Mais mon ancien ami dévie lentement son arme vers la tête de son "acolyte" et le fixe, la mâchoire tellement serrée que je vois ces muscles saillir sous sa peau d'ébène.
J'affiche un sourire satisfait quand mon ennemi ouvre de grands yeux à la vue des trois armes braquées sur lui.
- Un piège... C'était un piège depuis le début... souffle-t-il alors, en comprenant seulement ce qui lui arrive.
- Si on le tue, combien de points on a ? je hurle aux tireurs rendus muets par le guet-appends qu'on a fait.
Ils toussotent, et l'un d'entre eux bredouille:
- Heu... on vous en donne 15 .
Bonne nouvelle: les points contre moi pourraient diminuer si je tue moi même Enrick. Ce n'est pas un problème. Une fois abattu, nous irons en gagner d'autre avec les autres candidats.
Mais visiblement, Enrick ne vois pas ça de la même façon: il se retourne d'un bond, tire une première fois vers Assou, une seconde fois sur Jo, au niveau du genou, se tourne vers moi, mais je l'abats avant qu'il ai pu tirer sa troisième balle.
Jo soupire de soulagement, et je jette un coup d'œil à Assou, qui s'est plié en avant, pour souffler. Je lui claque une main sur le dos, et il tombe à genoux dans un rire étouffé. Étonné de l'avoir fait tomber, lui, qui a la même corpulence qu'un camion de 18 tonnes, je me penche pour le regarder. Mais mon ami n'est ni en train de rire, ni en train de souffler: il presse sa gorge sanglante en tentant de respirer, n'en laissant s'échapper qu'un sifflement entrecoupé.
- Ho non, non ! Assou ! Jo bondit vers nous, et hurle à mon ami de se coucher sur le dos. Il s'exécute en se laissant tomber en arrière, toujours en gardant ses trois doigts de la main droite pressés sur sa blessure. Un joueur passe devant nous, et je lui envoie trois balles dans le bassin, avant qu'il parvienne à s'échapper par la cage d'escalier.
Assou se cramponne de sa main gauche à mon bras, comme pour se raccrocher à la dernière chose qu'il puisse avoir.
- Prenez soin de vous... hoquette-il, en nous regardant de ses yeux marrons. Une larme coule sur ma joue, puis deux... J'ai bientôt le visage complètement mouillé. Jo me secoue l'épaule:
- J'ai vu un distributeur quand l'épreuve a commencée ! Avec les points qu'on a, on  peut sûrement avoir des bandages et des médicaments !
Une lueur d'espoir s'allume dans ses grands yeux noyés de larmes. J'aquiesse, et sort en tremblant ma carte de ma poche pour la lui tendre. Elle presse le bras d'Assou, lui murmure qu'elle va revenir vite, qu'il faut qu'il tienne le coup, et s'en va en courant.
- Ça va aller, pour toi aussi ! tente de me rassurer Assou, en souriant faiblement, ce qui au final ressemble plus à une grimace de douleur qu'à un sourire.
 - C'est pas parce que tu arrêtes de jouer que le jeu s'arrête aussi, Assou... je souffle, en essuyant mes larmes mêlées au sang de mon arcade sourcilière ouverte.
Il penche la tête sur le coté, et respire un grand coup, avant de me chuchoter faiblement:
- La mort est paisible, simple... Je t'assure que c'est beaucoup plus difficile de vivre ! Alors ne t'en fais pas pour moi, petite souris, je pars serein. Mais promets moi de gagner, ou au moins d'être dans les derniers...
- Je ... je te jure...
- Très bien... alors au revoir, les autres... A bientôt, peut-être, Léo.
Je sanglote et pose ma tête sur son torse sans lâcher sa main. Jo ne revient que 10 minutes après, mais j'ai eu le temps de sentir la main d'Assou mollir dans la mienne, et sa poitrine se bloquer. Elle comprends, et vient me relever en pleurant. Assou était comme un père pour moi. Je suis seul, faible, inutile sans lui... Le dernier ami que je pouvais avoir avant de mourir.
Je me dégage des bras de Jo:
- Tu m'avais promis qu'on serait vivants, tous les trois, après avoir tué Enrick ! je hurle, en la faisant reculer.
- Je ne pouvais pas savoir qu'il allait faire ça ! bredouille Jo, en battant très vite des paupières pour chasser ses larmes.
- Tu pouvais tirer dès que tu en avais l'occasion! Ta promesse est rompue, mon ami est mort, et toi ... Tu te permets de dire que ce n'est pas ta faute ?!
Je suis furieux, et aveuglé par ma fureur, je la bouscule en partant à grandes enjambées. Je pars me faire des points, et je laisse Jo sauve. Mais elle n'a pas tenue sa promesse, alors je ne tiendrai pas celle que je me suis faite à moi même: plus rien ne m'oblige à la sauver désormais.

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