Ta promesse

17 4 0
                                    


Je sors du sas la tête vide, après le compte à rebours. Tout tourne autour de moi. La réaction de Jo m'avait rendue malade: elle avait attrapé Enrick par le cou, et lui avait chuchoté quelque chose à l'oreille, et celui-ci avait souri cruellement.
Puis, elle s'était tourné vers Assou, et avait marché droit sur lui. Le même chuchotement à son oreille, et Assou avait hoché la tête.
J'y suis ... Ma dernière épreuve: celle que je ne parviendrais pas à gagner cette fois... Avec Assou, Jo et Enrick contre moi ... Autant me tuer moi même !
Je marche dans l'hôpital désaffecté, nouveau décor de cette étape : il y avait vraiment de tout au sol: des armoires, des vitres explosées en mille morceaux, des lits retournés ... Je serre les poings quand mon pied se pose sur une peluche poussiéreuse et déchirée: ils vont beaucoup trop loin... je me demande même si ces endroits n'existent pas réellement!

Je reste aux aguets: nous ne sommes plus  beaucoup, peut-être une dizaine, voire quinze maximum, mais le reste d'entre nous était mort

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Je reste aux aguets: nous ne sommes plus  beaucoup, peut-être une dizaine, voire quinze maximum, mais le reste d'entre nous était mort. Toutes ses vies gaspillées ... Ça me serre le cœur: sans penser au reste, je m'assied dans un coin, là où personne ne pourrait me voir, et plonge ma tête dans mes genoux ramenés contre ma poitrine. Des larmes jaillissent de mes yeux, et je ne les retiens pas... Toutes ces années à imaginer l'avenir, envolées, à cause de mon coup de tête qui me vaut la vie. Oui, l'avenir, c'était mieux avant... Quand il pouvait y en avoir un... Un sanglot me secoue, et je pleure de plus belle. Jo, Assou ...  je me suis senti bien avec eux, bien plus qu'avec mes amis d'avant... Parce que nous avions un point commun : nous ne reverrions jamais ce que nous avions abandonné sans le savoir. Ma famille, mes amis, la fille que je pensais aimer... La vie que j'aurais du avoir...
Toutes ces choses auxquelles on ne fait pas vraiment attention, mais qui pourtant nous portent jusqu'à notre envol vers l'avenir, toutes ces choses qui paraissent mille fois  plus merveilleuses maintenant qu'on est face au mur, avec des fusils pointés sur notre dos.
J'essuie mes yeux mouillés de larmes, et entends, le cœur battant, quelqu'un arriver vers moi, discrètement. Il passe lentement devant moi, et c'est ma respiration sifflante qui me trahit: je n'ai pas le temps de me protéger, il me tire trois balles dessus, et mon bras droit, ma poitrine et mon épaule droite se mettent à gonfler, pour prendre une couleur rouge éclatant. Je ne lui laisse pas le temps de partir: je tire sur son dos et dans le creux de son genou détendu: ça l'empêchera d'aller vite, et je pourrais me venger la prochaine fois que je le croise.
Je me met à courir, où, je ne sais pas, loin des autres, loin de toutes ces balles fluorescentes qui nous font repérer. J'avais déjà trente points contre moi, avec ces trois foutues balles rouges... Je n'en avait tiré que deux, ce qui me donnait dix points seulement.  Je devais les battre... Ou alors me laisser là, à attendre que je perde, que les tireurs m'annoncent ma défaite, et me tuent.
Un nouveau candidat, une fille qui devait avoir mon âge, passe devant moi, totalement perdue: je la vois tomber à genoux, et éclater en sanglots. Je n'ai pas le cœur de lui tirer dessus, mais de toute façon, quelqu'un s'en charge: une balle rouge vient s'écraser dans son dos, et une autre dans son cou, derrière la mâchoire, sous l'oreille.  Je me retiens de hurler de rage: cette dernière balle lui est mortelle: elle lui ouvre le cou, et la jeune fille agonise en convulsant. De là où je suis, je ne parviens pas à voir la tête du tireur, pourtant, toute cette violence gratuite me fait penser à une personne en particulier. Je prie pour ne pas qu'il me voit, et recule un peu plus vers l'escalier, espérant ainsi que si c'est la cas, je puisse lui échapper.
- Léo !! Je sais que tu es là ! Tu as vu mon tir ! Spectaculaire, n'est ce pas ? Comme je chassais avec mon père, je trouve ce petit jeu plus qu'amusant ! Vous êtes mes proies ! TU es ma proie, Léo ! Tu ne peux pas m'échapper !
A entendre sa voix ravie, je devine avec dégoût que cette épreuve l'amuse réellement. Il est sur son terrain de jeu. Cette fois, plus question de point, Enrick a créer une nouvelle règle: tuer, tuer encore pour parvenir à ses fins.
Je sens un frisson glacial me courir le long de l'échine. J'agrippe la rampe, et recule doucement dans les escaliers.  Je sens une main gelée se poser sur la mienne et je me retiens de crier pour ne pas signaler ma position.
Je me retourne d'un bond, pour voir Jo, qui me fait signe de me taire. Elle me tire vers le bas de l'escalier, et me plaque contre un mur, un peu plus loin des dernières marches:
- Enrick a décidé de te tuer en premier. Il ne veut plus t'avoir dans les pattes. Laisse moi faire, d'accord ? Assou et moi savons quoi faire. Je te jure que si tu nous laisse agir comme c'est prévu, nous vivrons tous jusqu'à la fin. Promis. chuchote-t-elle en tournant la tête de tout les cotés pour vérifier qu'Enrick n'arrive pas.
Je me fige: c'était un plan, une "blague" depuis le début... Et ils faisaient ça pour ne pas que j'éveille les soupçons d'Enrick... Ils savaient que si j'apprenais le plan, j'allais paraître trop confiant... je détourne la tête, frustré, et en colère aussi. Je n'oublie pas qu'elle m'a pointé de son arme, et qu'elle menaçait de me tuer. Je sens son regard sur moi, et me dégage de ses mains serrées sur mon bras.
- Laisse tomber. Va voir Enrick, dis lui où je suis, et cours moi après. Peu importe avec qui tu traques, Joanne, mais ne revient certainement pas vers moi pour m'aider.
Elle baisse les yeux pendant quelques secondes, ne semblant pas apprécier que je l'appelle par son nom complet, puis semble se reprendre:
- Le plan, c'est d'avoir Enrick. C'était prévu depuis le début, mais on cherchait une façon de le berner. Alors quand il nous a demandé une alliance, c'était le moment de nous le mettre dans la poche !
J'entends mon ennemi m'appeler d'une voix mielleuse, grand sadique qu'il était, et Jo me regarde, me suppliant de ne pas intervenir. Je tourne les talons, et m'enfuie pour éviter le garçon. Je ne peux pas croire à ce que m'a dit Jo. Elle me propose son aide, après avoir tenté de me faire tomber entre les mains d'Enrick. Il est hors de question que je l'écoute une seconde fois. Je cours si vite que je ne me rends pas compte d'où je vais, et me cogne à un mur, avant de tomber à la renverse, une bosse en train de se former sur mon front.
Mais ça n'est pas un mur : c'est Assou. Plus je me cogne dans son torse au fil du concours, plus je me dis qu'il prend du muscle !
Il se penche vers moi, et j'ai l'impression qu'un building s'apprête à me relever.
- Jo n'est pas encore avec toi ?! s'étonne-t-il. Je rejette la main qu'il me tend pour me relever seul. Pas la peine de me sortir une autre version de leur plan. Je n'en peux plus de me dire qu'ils se servent de moi pour éliminer Enrick. Il se rend compte que je fulmine, et m'agrippe le bras:
- Non, mais c'est quoi cette manie d'attraper les gens et de les forcer à vous écoutez ?! je gronde furieusement, en me débattant pour échapper à la poigne d'Assou.
- L'épreuve n'est pas fini, Léo ! On peut encore l'avoir ! Si tu t'en vas sans nous avoir aidé, Enrick te tombera dessus à la prochaine étape, et là, on ne pourra pas t'aider. C'est un lion, Léo ! tu es sa souris. Il ne te laissera pas t'échapper tant qu'il n'aura pas pu te croquer une patte.
"Sa proie", oui... mais qui n'est pas la proie d'Enrick ?? Assou m'empêche de partir, et je me débat encore un moment quand une voix que je connais trop bien s'élève dans le silence de l'hôpital déserté, et me glace d'effroi.
Enrick et Jo arrivent vers moi, Enrick en souriant cruellement, Jo en tentant de capter le regard d'Assou sans que mon ennemi ne s'en rende compte.
Je regarde autour de moi, et vois qu'ils m'encerclent... les autres candidats n'osaient visiblement pas intervenir, et les tireurs se régalaient du spectacle, parce qu'ils n'ont pas eu envie de tirer pour nous rappeler à l'ordre.
Je suis fini, encerclé.

La boîteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant