- Mais qu'est-ce que c'est que ça .... S'inquiète Jo en regardant par-dessus mon épaule.
Ça, c'était surement l'épreuve la plus dure que nous ayons eu depuis le début. Le couloir n'avait pas été long à traverser, et nous avions dû escalader une sorte de barrière afin d'entrer dans le parcours suivant. Maintenant que nous étions arrivés devant, je n'avais qu'une envie : repartir en sens inverse.
Une cage de serpents trônait dans un coin de la pièce sombre. Une autre remplie d'araignée à l'aspect plus que venimeux, une troisième de lézards jaune et noir à l'aspect granuleux. Une boite en verre de 4 mètres cube environ était au milieu de la pièce, remplie d'eau, et d'anguille, sûrement électriques. Au fond de cette boite d'eau, il y avait une cible.
- Bon, je prends les anguilles et les araignées, tu prends les serpents et les lézards, d'accord ? réfléchit Jo à toute vitesse. Avant que je puisse la retenir, elle saute vers la première cage, celle des araignées, et entre dedans. Je l'entends jurer, et sans la lâcher des yeux, je traverse la pièce pour entrer doucement dans celle des serpents. Je prends sur moi pour ne pas partir tout de suite, et cherche des yeux la cible qui se cachait dans la pièce.
- Je ne la vois pas ! je lance à Jo, qui continuait de marmonner.
- Logique, si tu te contentes de regarder ! grogne mon amie. Elle se redresse et me montre une mygale qu'elle tenait dans sa main. Je grimace.
- Je ne vais pas les prendre dans mes mains, ce sont des serpents venimeux ! S'ils me mordent, je meurs !
- Tu crois que j'ai le choix, moi, de caresser des mygales pour trouver la cible ?! Dans cette cage, il y en a au moins 2000 ! Alors tu ne fais pas ta tapette, et tu les prends !
Je renonce à toute résistance, et attrape avec réserve le premier serpent d'un bleu étonnamment flashy. Il siffle, visiblement mécontent d'être soulevé à cette hauteur, et se tortille sur mes bras. En tremblant, je le pose sur deux autres serpents, et je répète ce geste pour une dizaine de reptiles. Un morceau de la cible se dévoile, mais malheureusement pas la partie magnétique. Je repousse la tête du serpent qui avait décidé de se mettre juste là où il ne fallait pas, quand je le vois se redresser en sifflant.
N'y connaissant absolument rien aux serpents, je lui donne un coup de pied et l'envoie plus loin sur d'autres de ses congénères avant d'aplatir ma carte sur la cible enfin dégagée.
Jo tambourine alors sur la paroi de verre derrière moi, ce qui me vaut un sursaut en me retournant vers elle d'un bond : elle me pointe du doigt quelque chose derrière moi.
Je n'ai pas le temps de l'éviter, le mamba se jette sur moi, et plante ses crochets dans ma nuque. Surpris par la violence de la morsure, je tombe à la renverse sous le poids du serpent, et marche sans douceur sur un second en tentant de me rattraper à quelque chose. Jo se précipite vers la porte, et l'ouvre à la volée, pour m'attraper par le col. Le second serpent m'accroche le mollet de ses crocs luisants de venin, et ne me lâche pas, même quand Jo lui assène un coup de pied sur le nez. Ce qui m'entoure se met à tourner, et je tombe dans les bras de mon amie, qui me rattrape in extremis. Je veux hurler de douleur mais mon cri reste coincé dans ma gorge qui enflait, le poison me brûle la jambe, et me fait le même effet que le dissolvant dans les veines. Elle parvient à faire lâcher prise au reptile, l'attrape et le lance dans la cage avant de refermer la porte. Elle bondit à nouveau vers moi, l'air inquiet, sourcils froncés et lèvres tremblantes, et appuie sa main sur la morsure suintante de venin de mon cou.
- Combien j'ai de doigts ? me demande-t-elle, avec de l'inquiétude dans la voix.
- Peu importe, t'en assez pour aller chercher la cible dans le bassin, et moi j'en vois assez pour ne pas m'évanouir.
Je la vois secouer la tête, mais je l'ignore, et me relève comme je peux. J'ai eu ma dose de venin pour toute une vie en tout cas, ça c'est sûr !
Je titube jusqu'à la cage des lézards, sous les yeux inquiets de Jo, et entre à l'intérieur en me tenant à la paroi. Je l'entends se glisser dans l'eau du bassin, et tente de me motiver, et je plonge mes mains dans les lézards. Serait-ce le venin qui me fait oublier ce que je touche, ou alors je suis devenu complètement fou ? Les lézards, ça me dégoute. Pourtant, à cet instant, je m'en moque totalement.
Tout tourne autour de moi au moindre mouvement de tête, et les reptiles semblent se multiplier aussi, par la même occasion. Je creuse dans la masse grouillante à la recherche de la cible, et y plaque ma carte quand je la trouve. Celle-là est facile dis-donc !
La simplicité de l'épreuve m'étonnait. Je sors de la cage et la referme en la claquant derrière moi, en regardant Jo (enfin, ce que je voyais d'elle, tellement elle était floue à mes yeux) évoluer dans la boîte de verre remplie d'anguilles. Elle retenait sa respiration depuis trente seconde à peu près, et était encore loin de la cible qui se situait tout au fond. Je m'assieds lourdement au sol. Je ne sens plus ma jambe, et mon cou me brûle. Respirer devient compliqué pour moi, puisque ma gorge , et ça ne m'étonnerait pas que je m'évanouisse dans les quelques minutes à venir. Je prends sur moi pour ne pas paniquer à l'idée de ne pas pouvoir respirer, et regarde la forme floue de Jo remonter à la surface. Elle avait les points, on pouvait partir ! Ma vision s'améliore un peu, je la vois se hisser sur le bord du bassin, et s'apprêter à passer une jambe par-dessus quand une anguille, énorme et bleutée presque noire, mord dans son mollet droit en lui envoyant une décharge. Je me fige, en voyant Jo se raidir et tomber en arrière le long de la paroi en verre avant de s'écraser sur le dos.
Je me lève en hurlant son nom. Non, elle ne peut pas être morte ! Pas maintenant, pas comme ça ! Je m'accroupis à côté d'elle, et lui attrape l'épaule pour la secouer.
Le poison me monte à la tête, et je tombe près d'elle sur le dos, en larmes. Ça y est, c'est fini. Une convulsion me secoue, et j'imagine le venin remonter jusqu'à mon cœur comme le courant dans les fils électriques. Je pose une main sur le bras mouillé de Jo. Même les yeux ouverts, un voile me couvre les pupilles, et je ne parviens qu'à voir une forme géante se pencher sur moi :
- Léo ? Léo... C'est moi. C'est Assou...
Je tourne la tête, bien que totalement aveugle, et bégaye, en convulsant de nouveau. Un bourdonnement retentit dans ma tête, et je ferme les yeux :
-Sauve Jo !! Moi, ce n'est pas grave... Sauve-la !
Je le sens m'enjamber, et se placer près de Jo. J'entends des respirations saccadées, et mon amie se met à tousser.
- Assou ?? Mais... merde, Léo !
Je sens que l'on agrippe le col de ma combinaison, et je secoue la tête difficilement, pour essayer de voir quelque chose à travers le flou de mes yeux. Puis, on me soulève de terre avant de me placer sur une épaule large qui ne peut être que celle d'Assou, et je l'entends râler :
- Décidément, tu n'as pas de chance !
- Je ne te le fait pas dire... j'articule péniblement.
- Les portes sont ouvertes, les tireurs attendent qu'on passe, continue mon porteur sans s'arrêter de courir.
- Mais... On n'a pas tous les points ?? s'étonne Jo.
- Si. J'ai attrapé un des plus fort des B7, je le suivais de loin depuis un bon bout de temps. Quand il m'a vu, il a eu peur (il rigole un peu et reprend) mais je l'ai attrapé, et assommé avant qu'il n'appelle le reste de son équipe. Heureusement, il avait sa carte, et celle d'un autre dans sa poche ! J'en ai retiré les points. Avec ça, on a largement plus que 150 points !
- Assou, c'est de la triche. Ces gens les avaient mérités, ces points ! Je rétorque.
Assou s'arrête net, ce qui me fait basculer en avant, et me répond durement en me replaçant sèchement sur son épaule :
- Tu crois que mes points à moi, on ne me les a pas pris ? Alors je les ai récupérés.
Je me tais. Je n'ai pas d'arguments, mais ça ne me plait pas. Ceux qui gagnent le mérite. Nous, nous gagnons, mais le méritons-nous vraiment ?
Il est certain que ce joueur avait dû faire des mains et des pieds pour obtenir ces points, et même s'il était en possession d'une seconde carte, il s'était surement mis en danger pour se mettre dans le classement. Sans savoir d'où venait cette fameuse seconde carte, je préférais ne pas émettre de jugement trop hâtif. Peut-être appartenait-elle à un membre de son équipe qui a perdu la vie ?
Je sais qu'Assou voulait simplement nous sauver, et je suis rassuré quand je pense qu'il est vivant, et qu'il a sauvé Jo. Mais son attitude change au fil du jeu, et je ne suis plus sûr que cela me plaise.
Les pas de Assou me font rebondir sur son épaule, et une migraine terrible me fait tourner la tête. Si on ne me soigne pas rapidement, le venin aura raison de moi. J'entends leur voix qui s'éloignent de plus en plus, et ferme les yeux, épuisé et affaibli. Des formes se dessinent dans mon esprit tandis que j'ai les yeux fermés. Son sourire et ses yeux rieurs. Mais je secoue la tête dans un dernier effort, et tout s'efface.

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La boîte
Ficción GeneralJe pensais que c'était une sorte de concours. Jamais je n'aurais cru que ça allait se passer comme ça. Je ne connais personne. Et personne ne me connait. De toutes façons, qu'est-ce que cela peut faire ?! A la fin, il n'y aura plus personne.